Le Contrat Social - anno VI - n. 5 - set.-ott. 1962

276 . un intérêt à renverser la Constitution, ou, ·du moins, à en désirer le renversement. D'autres inconvénients sont à prévoir. . . . . . . . . . . . ... . . . . . .. . . .. . . . . ... ... .. . . . . . . Un président de république n'apporte sur les cimes de la société qu'un prestige, tout personnel, qu'il se doit de soutenir. Il ne saurait échapper, dans un pays comme la France, à l'obligation de se montrer sous un aspect saisissant ; il ne saurait se soustraire au secret désir de justifier son élévation par ses actes ; désir toujours téméraire quand on est cité devant la gloire à bref délai! Un prince, qui ne sait de terme à son autorité que sa mort, et qui, d'ailleurs, compte se survivre dans ses héritiers, peut, s'il est un grand homme, concevoir de longs desseins et mesurer de sangfroid sa marche vers la postérité. Un président de république, au contraire, risquera de remplir ses hautes fonctions d'autant plus mal qu'il aura plus de génie. Sachant que ses moments sont comptés, il sera porté naturellement à signaler son passage aux affairesmoins par des entreprises utiles que par des coups d'éclat. Tandis qu'audessous et autour de lui ses créatures s'arracheront avec emportement les lambeaux d'une puissance destinée à passer vite, lui, inquiet, éperdu, l'œil fixé sur le terme fatal, il dévorera l'avenir. Ce qu'il serait bon d'ajourner, il le hâtera pour n'en point laisser le mérite à ses successeurs. Ce qui ne doit point porter immédiatement de fruits, il le négligera, de peur que ses successeurs ne recueillent ce qu'il aurait semé. ,.J. Biblioteca Gino Bianco PAGES OUBLIÉES Dans son Contrat social, Jean-Jacques Rousseau dit (chap. VI), en traitant de la monarchie : On a rendu les couronnes héréditaires dans certaines familles, et l'on a rétabli un ordre de succession qui prévient toute dispute à la mort des rois; c'est-à-dire que, substituant l'inconvénient des régences à celui des élections, on a préféré une apparente tranquillité à une administration sage, et qu'on a mieux aimé risquer d'avoir pour chefs des enfants, des monstres, des imbéciles, que d'avoir à disputer sur le choix des bons rois. On n'a pas considéré qu'en s'exposant ainsi aux risques de l'alternative, on met presque toujours les chances contre soi. C'était un mot très-sensé que celui du jeune Denys, à qui son père, en lui reprochant une action honteuse, disait: « T'en ai-je donné l'exemple? - Ah ! répondit le fils, votre père n'était pas roi.» Rien de plus vrai, rien de plus accablant que cette critique du gouvernement royal par JeanJ acques, et nous ajouterons volontiers comme lui : « Tout concourt à priver de justice et de raison un homme élevé pour commander aux autres. » Mais, si tels sont les effets du rang suprême, qui cause de mortels vertiges même à ceux qui ont été préparés par leur éducation à ce qu'il a d'éblouissant, que sera-ce de celui qui se verra tout d'un coup porté du fond de la société à son sommet ? Croit-on qu'il y ait beaucoup de cœurs capables de résister à ces soudaines et terribles faveurs de la fortune ? . ... . . . . . . . . .... . . . . . . . . . . . . . ..... . .. . . . . . . LOUIS BLANC. {' , "

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