270 publique. Il y a un praticien de médecine moderne ·pour 10.000 habitants. A l'exception des grandes cités, il faut donc avoir recours à la médecine traditionnelle, efficace quand il s'agit de troubles courants, mais impuissante en ce qui concerne les maladies contagieuses et la chirurgie. Dans certaines régions rurales, des maux comme la scl)Ïstosomiase (maladie chronique des instestins entraînant une dilatation du foie et de la rate), l'ankylostomiase et le béribéri ont toujours été répandus. Mais la majorité de la population se portait bien, sans doute à cause de fortes immunités et de sages habitudes alimentaires : à part les fruits frais, les Chinois n'ont en effet jamais mangé de crudités ni bu d'eau non bouillie, et la plupart de leurs plats son~ servis brûlants. Durant les premières années du pouvoir communiste, on fit un réel effort pour améliorer la santé de la population : campagnes de destruction des mouches, de dératisation et de balayage des rues, toutes opérations abondamment commentées par les visiteurs étrangers. Mais depuis le milieu des années 50, en particulier depuis le « grand bond en avant»~ la situation a radicalement changé. L'eau potable des communes n'est plus bouillie, par suite de la pénurie de combustibles, bien qu'elle soit souvent tirée de ruisseaux et d'étangs pollués. Le fumier, les engrais verts et les ordures sont manipulés les mains nues pendant les campagnes des engrais. (Les journaux font souvent l'éloge .de héros de ces campagnes qui, leur tâche terminée, refusent de se laver les mains en signe de patriotisme.) Vie et travail collectifs sans hygiène appropriée ont pour résultat des intoxications alimentaires et des épidémies largement répandues. Selon de récents témoignages de réfugiés, un paysan sur trois ou quatre est atteint d'hydropisie. Il arrive que des ouvriers travaillant dans les champs s'écroulent, raide morts. Un ancien technicien du gouvernement venu de Nantchang a rapporté que, dans son service, 20 % des fonctionnaires souffraient d'une inflammation du foie ou d'hépatite infectieuse. Une infirmière de Pékin a dit, de son côté, que 10 % de ses collègues étaient hospitalisées. Les hôpitaux des villes regorgent de patients atteints d'hépatite et d'autres maladies, mais seuls les cas graves y sont admis. La phtisie fait aussi de grands progrès, mais les tuberculeux ne sont jamais soignés, ce mal étant moins alarmant que d'autres. Il y a beaucoup· d'enfants mort-nés. Les familles doivent retenir leur tour aux crématoires surchargés ; celles qui fournissent du bois ont la priorité. Ces macabres témoignages de première main sont corroborés par· la presse, dans des articles prudents m~s néanmoins révélateurs. En juillet 1959, le Quotidien des paysans du Honan, journal provincial dont la diffusion n'est auto- .risée que dans le Honan, reconnut que de nombreux paysans mouraient de sous-alimentation et de surmenage. Au cours de l'été 1959, en deux semaines, 367.000 p:iysans s'effondrèrent . . Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL dans les champs du Honan et 29.000 y moururent. Le même été, 60.000 hommes tombèrent après avoir combattu les inondations pendant six jours et six nuits sans sommeil ni repos. D'autres articles indiquent qu'à la même époque 7.000 paysans moururent sur les champs du Kiangsi, 8.000 dans le Kiangsou et 13.000 dans le Tchékiang. Des épidémies se développent en Chine depuis quatre ans, bien que leur étendue réelle ne soit pas connue. Au début, la presse parvint à cacher la situation, mais depuis deux ans on peut y lire des aveux partiels et des informations sur des « maladies contagieuses saisonnières ». De plus, le ministre de la Santé, Li Té-tchouan, a reconnu récemment qu'en 1959 un total de 70 millions de cas de schistosomiase, de filariose (vers parasites dans le sang), d'ankylostomiase et de malaria furent soignés; et d'ajouter que la grippe, la rougeole, la diphtérie et la méningite cérébro-spinale se répandent sur les chantiers de retenue des eaux, dans les crèches des communes et les écoles primaires. En avril 1960, le Congrès du peuple révéla, de son côté, que le kalaazar (affection du foie, de la rate et de la moelle des os, fréquente surtout chez les enfants) s'étendait, que le keshan (maladie causée par l'eau polluée) s'était déclaré en Mongolie intérieure, et que sévissaient sur une grande échelle des intoxications chimiques dans les villes industrielles. Six mois plus tard, une. commission nommée d'urgence avertit que la manipulation sans précaution de fumier, d'ordures et d'eau ·sale avait causé « toutes sortes de maux : schistosomiase, ténia, ankylostomiase, diphtérie, typhus, inflammation du foie et maladies affectant les . arumaux ». • La situation réelle quant aux épidémies n'a jamais fait l'objet d'un rapport public. On peut cependant en avoir une idée à la lecture de la presse, où il est question d'un grand nombre d'équipes sanitaires quittant précipitamment les villes pour des régions rurales qu'on ne nomme pas. Au printemps 1960, quelque 500.000 citadins de huit provinces furent envoyés dans les campagnes pour appliquer des mesures d'urgence. En été de la même année, 110.000 furent envoyés ·dans les villages du Setchouan, 60.000 dans le Honan et 2.000 dans le Foukien. Selon les réfugiés, le choléra a fait, l'année dernière, de 30.000 à 50.000 yictimes dans le Kouang-toung. Après que le fléau eut gagné Hong-Kong, Macao, l'Indonésie et le nord de Bornéo, Pékin finit par avouer à la Croix-Rouge internationale qu'une épidémie avait éclaté. ·Le· régime s'inquiète d'ailleurs moins des souffrance~ des gens que de la perte de maind' œuvre. Le principe fut énoncé brutalement par le Quotidien du peuple 'à la fin de 1959 : « Le point de départ est la production. Nous devons avoir la ferme détermination, en combattant les parasites et les maladies, qu~ ce travail soit subordonné à la production. La santé publique comme
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