Le Contrat Social - anno VI - n. 5 - set.-ott. 1962

V. CHU canaux. Plus récemment, les paysans ont été recrutés pour combattre les inondations et la sécheresse. Le nombre de ceux qui luttent contre les calamités dépasse maintenant 10 millions dans chacune des provinces les plus touchées. Pendant la campagne des engrais, 80 millions de personnes durent recueillir du fumier. Quand il y eut pénurie de charbon, 20 millions d'hommes furent envoyés dans les collines chercher des combustibles douteux. L'emploi aberrant de la main-d'œuvre agricole est responsable d'au moins un désastre non naturel, la « calamité des mauvaises herbes», terme forgé par les communistes pour désigner les champs non ensemencés ou laissés à l'abandon. Il en fut question pour la première fois en 1959. Pendant l'automne 1960, on signalait des mauvaises herbes dans 13 provinces au moins, depuis le nord de la Mandchourie jusqu'au Kiangsou : elles couvraient 20 °/o des terres arables de la Chine. Dans le Chantoung, un tiers des terres arables en était recouvert, au point que par endroits « un homme ne pouvait pénétrer dans les champs ». Bientôt le ministère de l'Agriculture sonnait de nouveau l'alarme, cette fois pour combattre les herbes. Paysans, citadins, étudiants, fonctionnaires et même soldats reçurent l'ordre d'abandonner leurs occupations et d'arracher les herbes à la main. Dans le Hopéi, 6 millions de personnes furent mobilisées ; dans le Chantoung, plus de 7 millions. Dans le Liaoning, deux tiers des étudiants et des fonctionnaires des villes furent envoyés dans les campagnes. Dans le Chansi, la moitié de la main-d'œuvre agricole fut employée à ce travail. Plus les paysans travaillent suivant la politique brouillonne du Parti, moins ils produisent, c'est évident. Et moins ils produisent, plus ils doivent travailler. Le résultat final est une famine débilitante. A l'heure actuelle, un habitant d'une villevitrine comme Pékin ou Changhaï touche une petite ration de riz ou de farine de qualité inférieure, plus une ration mensuelle d'environ une demi-livre de viande de porc, 100 grammes de sucre et autant d'huile de table. Pour avoir un peu de légumes, il doit prendre place dans la file d'attente dès 3 heures du matin. Les œufs, la volaille et le poisson ont pratiquement disparu. Le paysan dans sa commune reçoit beaucoup moins : d'habitude, deux bols de brouet semtliquide à base de méchantes céréales, de farine graveleuse ou de patates douces à chaque repas. Depuis 1959, la Chine communiste prescrit officiellement la consommation de balle de riz, de cosses de fèves, de feuilles de pommes de terre, de fleurs de courge, de elantes sauvages et d'algues. Les deux derniers hivers, chaque province a envoyé de un à trois millions de paysans et de citadms chercher des plantes sauvages dans les collines. La presse fait l'éloge de la valeur nutritive de ces plantes, recommande des recettes pour les accommoder et vante d'autres Biblioteca Gino Bianco 269 aliments originaux. Avec de la paille de riz trempée dans une solution de chaux, puis séchée, réduite en poudre et mélangée à de la farine, on confectionne des galettes qui sont servis dans les restaurants contre remise de tickets de rationnement. Les rues et les villages de Chine, autrefois peuplés de chiens et de chats, sont maintenant vides d'animaux domestiques. Moineaux, pigeons, corbeaux et coucous ont également disparu. Plus de 2 milliards de moineaux furent exterminés systématiquement en tant qu'oiseaux nuisibles au cours d'une campagne nationale qui prit fin le jour où l'on s'aperçut que les insectes parasites avaient notablement proliféré. L'apparition d'un lapin de garenne ou d'un corbeau est aujourd'hui en Chine une véritable aubaine. Les patates douces, navets et autres légumes cultivés dans la banlieue des villes doivent être gardés la nuit : les citadins maraudent dans les champs et parfois mangent leur butin sur place. Des mendiants attendent ouvertement aux tables des restaurants des reliefs de repas, arrachant souvent la nourriture aux clients. Les policiers ne font que hausser les épaules devant pareilles peccadilles. Le marché noir croît, alimenté par la corruption de certains des fonctionnaires chargés des centres de ravitaillement ; les trafiquants ont souvent leurs propres sampans et leurs escortes armées. Jusqu'à la fin de 1960, la Chine communiste limita l'entrée des colis de ravitaillement en provenance de Hong-Kong ou de Macao. Sitôt les restrictions levées, l'administration des postes de Hong- Kong fut ensevelie sous une avalanche quotidienne de 50.000 colis alimentaires envoyés par des parents affolés ; à présent, plus de 200.000 sont expédiés chaque jour. La petite colonie britannique compte maintenant plus d'un millier de maisons spécialisées dans l'envoi de colis alimentaires en Chine. Récemment, les journaux communistes de Hong- Kong se sont empressés de rapporter les paroles d'un Japonais retour de Chine, qui n'avait « pas vu trace de faim à Pékin » ; à la même page, on pouvait lire des réclames de maisons qui offraient d'expédier des colis de ravitaillement en Chine sous des titres ronflants : « Vite, vite, vite ! » et cc A la vitesse d'une fusée ! » EN ExTdME-ÜRŒNT,un homme a besoin, selon la F.A.O., d'un minimum de 2.300 calories par jour. Dans l'Inde sous-alimentée, la ration quotidienne moyenne est, toujours selon l'O.N.U., de 2.000 calories. En Chine, elle était avant la guerre de 2.234 calories ; aujourd'hui, un grand nombre de paysans chinois, qui doivent fournir de 14 à 18 heures de labeur pénible par jour, en reçoivent moins de 1 .ooo. Comme la plupart des pays d'Asie, la Chine a toujours connu de graves problèmes de santé

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