266 l' Anhwei, du Kiangsou et du Chantoung, ruinant près de 20.000 km2 dans 179 cantons. Les paysans de six à quatre-vingt ans furent jetés dans la bataille, des avions répandirent des insecticides. Mais l'opération, conduite avec frénésie et inexpérience, causa la perte de 100.000 animaux domestiques. Suivant les estimations officielles, les insectes détruisent chaque année 10 % des céréales, 20 % du coton et 40 % des fruits. ÉTANT DONNÉ les ressources limitées du pays, la conservation des eaux semble être le seul moyen pratique d'améliorer l'agriculture. La Chine a de l'eau en abondance, mais la distribution est inégale : les trois quarts de cette eau se trouvent dans la vallée du Yang-tsé et au sud de celle-ci. La Chine septentrionale en a moins de 5 %- Le régime affirme qu'en dix ans la superficie irriguée est passée de 160.000 à 720.000 km2 • Les chiffres officielsmettent en valeur les 40 milliards d'homme-journées qui furent nécessaires à creuser l'équivalent de 450 fois le canal de Panama. Le travail, selon Pékin, consista à construire ou à réparer quelque 60 grands réservoirs, I .ooo moyens, 4 millions de petits réservoirs et canaux, 120.000 kilomètres de digues, 15 millions de déversoirs et I o millions de puits. Les statistiques sont impressionnantes. On imagine des millions de fourmis anonymes creusant et transportant la terre dans tout le pays, disciplinant les cours d'eau et dispensant aux champs une douce humidité. Cette image présente à l'esprit, on peut même rationaliser : la misère des millions d'êtres obligés aujourd'hui de trimer profitera sans doute aux millions d'autres qui hériteront demain la terre. En fait, le déploiement de forces en vue de conserver les eaux fait plus de mal que de bien ; il est même un important facteur de la famine qui sévit actuellement. Jusqu'en 1957, Pékin se concentra sur la construction de grands barrages à vocation hydroélectrique. Nombre de ces projets coûteux furent mal étudiés ou mal exécutés. Le plus grand et le plus important était un système de régularisation du fleuve Jaune et de ses affluents, analogue à la Tennessee Valley Authority aux États-Unis; à l'endroit où le fleuve passe à proximité de Kaifeng et débouche sur la plaine Jaune, son débit devait être régularisé. Lorsque le projet fut lancé, Pékin annonça fièrement que le fleuve Jaune, cours d'eau sans doute le plus intraitable du monde, ne serait pas seulement dompté à jamais, mais qu'en 1961 son cours inférieur serait « clair comme' le cristal ». La clef du système du fleuve Jaune devait être le gigantesque barrage de la gorge de Sanmen, juste avant que le fleuve ne quitte les montagnes. Pour le protéger, 59 grands barrages Bibl.ioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL étaient prévus en amont. En 1956, la moitié des barrages étaient terminés. La même année, des inondations les détruisirent ou les envasèrent presque tous. Malgré les mises en garde d'un spécialiste chinois, selon lequel il fallait réviser l'ensemble du projet, le barrage de la gorge de Sanmen, avec une centrale électrique d'un million de kW, fut commencé en 1957. L'ouvrage avait été dessiné et essayé sur maquette par des techniciens soviétiqu~s, qui <!,ïrigèrent également les travaux. Par smte de defauts de structure, plan et travaux durent être modifiés à plusieurs reprises. En 1958, nouvelle inondation : cette fois, 70 % des eaux grossies provenaient d'un endroit situé au-dessous de la gorge de Sanmen. Une revue,. technique officielle, Conservation des eaux et Electricité, admit alors que cela prouvait que les grandes inondations ne pourraient être évitées, même après l'achèvement des travaux. Autre ouvrage hydraulique à propos duquel le régime a fait grand tapage, le réservoir et la centrale électrique de Foutseling, dans l'Anhwei, achevés en 1954 avec l'aide des Soviétiques. Peu après, le Houaï déborda et inonda toute la plaine que le bassin de retenue devait protéger. Cinq ans plus tard, le réservoir ne fonctionnait toujours pas : les vannes étaient bien plus lourdes que prévu et l'on craignait de ne pouvoir les ouvrir une fois le réservoir plein. Un sort semblable attendait le bassin souterrain de Youngting, près de Pékin, inauguré à grand renfort de propagande : après les chants de triomphe ce fut la crue, qui emporta plus de 2 millions et demi de maisons. Puis vint l'incident du barrage de Tahuofang, le plus grand du pays après celui de Fushun en Mandchourie : après un an de travail, la construction dut être suspendue en 1954, car il avait été constaté que la structure ·« avait la consistance du caoutchouc». Certaines de ces erreurs sont à peine croyables. Pendant la saison sèche, les champs n'ont pu recevoir une seule goutte d'eau dans beaucoup de régions, bien que les réservoirs fussent pleins : personne n'avait donné l'ordre de construire un système de conduites d'eau à partir des réser- .voirs, on n'avait prévu ni écluses, ni canaux, ni rigoles. En juin 1959, le Quotidien du peuple résuma les résultats de nombreux projets à grande échelle : « Il y a des réservoirs sans eau, des réservoirs avec de l'eau, mais sans aqueducs( ...). Un grand nombre de travaux de protection contre les inondations qui doivent être repris tous les ans ne l'ont pas été ou, si le travail a commencé, il n'a pas été terminé. » Et Conservation des eaux et Électricité rapportait que nombre de barrages hydroélectriques présentaient de graves fuites, que beaucoup de réservoirs cc avaient l'air d'aller tant qu'on ne laissait pas entrer l'eau» et que sur certains chantiers l'équipement était en place sans qu'on puisse produir~ de l'électricité. Le sort des ouvrages moyens et petits était pire encore, de l'aveu même de Pékin.
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