258 trière, armée professionnelle plus gigantesque, · militarisme plus onéreux qu'en régime soviétique. Il y a de surcroît une milice, sorte de police municipale, mais également professionnelle et n'ayant que le nom de commun avec la conception de Lénine. L'élection et la révocation 'des fonctionnaires par le peuple, l'égalisation de leurs traitements au niveau des salaires ouvriers afin d'instituer un type supérieur d'Etat qui ne soit plus un Etat au sens propre du terme, ces prévisions ont été tournées en dérision par le parti de Lénine. Au contraire, nulle part on n'a vu bureaucratie plus pléthorique, plus privilégiée, plus parasitaire, inégalité des traitements et des salaires plus inique et choquante, donc exploitation de l'homme par l'homme plus scandaleuse que sous le régime soviétique. Tout ce que Lénine a tenté de justifier comme transitoire, imposé par les circonstances, est devenu définitif en s'accentuant davantage, pour se solidifier sous Staline et jusqu'à nos jours en fonctionnarisme monstrueux comme en police et en armée aussi permanentes que monstrueuses. Prenant le contre-pie~ des cc leçons pratiques » de la Commune et des cc enseignements » de Marx, le parti de Lénine a supprimé le suffrage universel et même toute espèce de droit de suffrage, tournant les Soviets en caricature et abaissant les syndicats ouvriers au rôle d'organes supplétifs de l'Etat totalitaire. Au fédéralisme communaliste, il a substitué de vive force un centralisme absolutiste. Au lieu de cc rogner les côtés nuisibles » de l'Etat, il les a hypertrophiés à l'extrême. Loin de s'avérer cc un corps agissant, exécutif et législatif à la fois », les Soviets se sont bientôt transformés en Chambres passives d' enregistrement. L'Etat soviétique est par excellence la pire cc machine à réprimer » le prolétariat par une nouvelle classe exploiteuse et dominatrice. En fait de gouvernement cc à bon marché », le pouvoir pseudo-communiste s'avère le plus dispendieux qui soit. En fait de dissolution, de dépérissement, l'Etat soviétique possédé par le Parti unique en propriété privée ne cesse d'entretenir et de fortifier sa croissance tératologique. C'est seulement dans les livres de Lénine que tout le monde gouverne à tour de rôle et s'habitue vite à ce que personne ne gouverne, que la majeure partie de la population remplit les fonctions publiques, que se prépare ainsi l'extinction complète de tout Etat en général. Dans la réalité, la vénération superstitieuse de l'Etat soviétique atteint un degré sans précédent et, seule, l'oligarchie du Parti gouverne depuis le cc Grand Octobre ». Pour démentir les assertions de Staline et de ses successeurs actuels sur la liquidation des classes exploiteuses, des contradictions entre classes, et sur la victoire du système socialiste, de l'ordre socialiste, on ne peut rien trouver de mieux que L'Etat et la Révolution de Lénine et La Communede Paris, du même. Lénine a condamné d'avance de telles assertions en les quaBibl.ioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL liftant de cc corn-mensonge» et de cc corn-vantardise », $es illusions alternant avec des moments de clairvoyance. On a un critère décisif ·pour jauger ou juger un ordre social, indépendamment des définitions livresques, et de l'aveu même des fondateurs du régime soviétique. En 1910, le Congrès socialiste international de Copenhague, unanime, votait une résoluti0u contre la peine de mort. A cette unanimité px-enaientpart Lénine, Trotski, Zinoviev, Kamenev, Plékhanov, Lounatcharski, Alexandra Kollontaï, Rosa Luxembourg, Clara Zetkin, Radek et Racovski. La résolution condamnait la peine de mort cc comme un héritage barbare des ténèbres du Moyen Age ». Elle saluait les cc représentants les plus éminents» de la « bourgeoisie révolutionnaire » qui ont << proclamé la lutte contre cette institution honteuse pour l'humanité civilisée». Elle concluait que «seule la puissance accrue du prolétariat organisé peut efficacement combattre cet outrage à l'humanité civilisée qu'est la peine de mort ». Cependant, les bolchéviks au pouvoir ont décrété la « mesure suprême de défense sociale» pour réprimer toutes sortes de délits qui, partout ailleurs, n'entraînent que des amendes ou des peines légères. Ils n'ont cessé d'accumuler les décrets comportant la peine capitale à tout propos et hors de propos, accumulant ainsi par millions le nombre des victimes, et à cet égard Khrouchtchev continue Staline. Récemment encore, de 1J,ouveauxdécrets élargissaient l'application de la peine de mort et Bertrand Russell, François Mauriac, Martin Buber, apprenant que cc la peine de mort a été instaurée en Union soviétique pour des délits économiques et autres qu'il n'est généralement pas d'usage de punir de mort », adjuraient Khrouchtchev d'abolir cette pratique barbare. Ils croyaient que « l'Union soviétique a été l'un des pays où la peine de mort n'existait pas» et ils professent leur unique souci « de voir préservées les valeurs humaines universelles ». Sur le premier point, ils se trompaient : l'Union soviétique est le seul pays,•1e seul régime où la peine de mort frappe, entre autres, les ouvriers cou- . pables d'indiscipline, les indigents coupables de menus larcins, les militaires et les civils coupables de passer la frontière, les enfants à partir de l'âge de 12 ans coupables de vols ou de violences *. Rien ne saurait mieux caractériser, dans son essence de mensonge et d'injustice, l'odieuse inhumanité de ce «socialisme» sui generis. B. SOUVARINE. • Cf. La Peine de mort en U.R.S.S. Textes et Documents, Paris 1936, brochure des « Amis de la Vérité sur !'U.R.S.S.» où sont réunis les décrets sur la peine de mort, publiés l'année même où Staline proclamait la « victoire du socia- , lisme ». Décrets qui ne sont pas abrogés, que l'on sache et auxquels Khrouchtchev en a ajouté d'autres, ceux qui ont ému Bertrand Russell, François Mauriac et Martin Buber dont la lettre à Khrouchtchev, restée sans réponse et sans effet, a paru dans le Monde du 7 avril 1962.
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