Le Contrat Social - anno VI - n. 3 - mag.-giu. 1962

M. PAINSOD et se mirent, sans plus attendre, à sonder les limites de la liberté nouvelle. D'autres, plus conscients des dangers, attendirent prudemment 9ue la suite des événements vienne imposer des limites à la « marche en avant ». LA REVUE Questionsd'histofre, avec à sa tête le rédacteur en chef adjoint E. N. Bourdjalov,et la collaboration quelque peu réticente de Pankratova, devint le point de ralliement des aventureux. Dans un éditorial intitulé : « Le XXe Congrès et les problèmes de la recherche en matière d'histoire du Parti » (mars 1956, n° 3), la revue réclamait une nouvelle histoire du Parti qui corrigeât « les interprétations outrées et les falsifications pures et simples» du passé. Sur le rôle des menchéviks pendant la révolution de 1905 en particulier, elle soutenait que les «bolchéviks furent la force la plus conséquente, mais non la seule dans le camp révolutionnaire-démocratique». Tout en décrivant le menchévisme comme un « courant hostile au marxisme dans le mouvement ouvrier », elle rejetait la théorie qui en fait le « complice de l'autocratie tsariste» et demandait que l'on étudiât les comités mixtes de bolchéviks et menchévilts à la fin de 1905. Elle poursuivait en réclamant « un tableau fidèle » de la situation à l'intérieur du Parti avant le retour de Lénine en Russie en 1917 et demandait que l'on rendît justice aux nombreux héros d'Octobre dont l'activité avait été jusque-là « minimisée ou passée sous silence ». Il fallait, selon elle, mettre un terme aux déformations dans la manière d'écrire l'histoire : « La tâche des historiens est d'expliquer les faits historiques, non de les étouffer. » Durant les mois qui suivirent, Questionsd'histoire poursuivit l'offensive. Dans le numéro de mars, Piltman avait pris la défense de Chamil. En avril (n° 4), E. N. Bourdjalovpublia un article relativement objectif sur « la tactique des bolchéviks en mars-avril 1917 » : il démontrait qu'avant le retour de Lénine et l'adoption des thèses d'avril, Staline défendait avec Kamenev la politique « antiléniniste»de soutien conditionnel des bolchéviks au Gouvernement provisoire, et que, alors que Kamenev continuait à s'opposer à Lénine à la conférence d'avril où Staline retourna sa veste, Zinoviev s'opposa à Kamenev et soutint la ligne léniniste~ Ces articles et d'autres de la même veine, qui attiraient l'attention sur les distorsions et oublis dans la réédition des mémoires des vieux bolchéviks et qui condamnaient le « vernissage de la réalité historique », commencèrentà préoccuper les milieux dirigeants. Inquiétude sans nul doute renforcée par la contagion du révisionnisme dans le mouvement communiste international et par les ferments répandus par le discours secret dans le Parti soviétiquelui-même. La résolution du Comité central en date du 30 juin 1956 représentait un grand effort pour imposer des linutes à la discussion déchaînée par le discours secret, et ne Biblioteca Gino Bianco 133 tarda pas à faire sentir ses effets sur l'historiographie. Un article de le. Bougaïev,paru dans le numéro de juillet 1956 (n° 14) de la Vie du Parti (auquel faisait pendant un autre aticle dans le Kommounist, n° 10), constitua un premier avertissement pour Questions d'histoire, engagée sur une voie dangereuse. Réclamer l'objectivité dans l'appréciation du travail des historiens «bourgeois» ne pouvait servir, selon Bougaïev, qu'à « dérouter les historiens et les étudiants » et à les induire à oublier que « la coexistence pacifique du capitalisme et du socialisme dans l'arène internationale ne signifie pas le moins du monde une réconciliationentre les idéologies socialiste et bourgeoise». Reconsidérer l'histoire du Parti, poursuivait Bougaïev, « laisse le lecteur non initié sur l'impression que tous les travaux publiés depuis quinze ou vingt ans sont bons à mettre au pilon». Condamnant cette « attitude nihiliste », il ajoutait que les précédentes histoires du Parti ne pouvaient pas « soutenir la comparaison » avec le Précis, « en dépit des nombreuses erreurs et inexactitudes que contient ce dernier». Il faisait un sort à l'article de Bourdjalov sur « La tactique des bolchéviks en marsavril 1917 » en blâmant spécialement ce qu'il estimait une présentation partiale de la position du bureau du Comité central à l'époque. Bougaïev disait en conclusion : Questions d'histoire occupe une place importante dans l'historiographie. Raison de plus pour le lecteur d'attendre de sa part une recherche réfléchie. Il ne peut que résulter du mal des clameurs du sensationalisme vulgaire et de la précipitation... On ne peut dire que le fait que des articles entachés de partialité trouvent à présent place dans la revue contribue à orienter convenablement les historiens sur toutes les questions concernant leur discipline. ON AURA une idée de la confusion idéologique qui régnait pendant cette période quand on saura que Questionsd'histoire n'accepta pas que ce blâme, apparemment autorisé, mît fin au débat. Tout en concédant que certaines des critiques de Bougaïevdevaient être « tenues pour correctes » et que quelques-unes des thèses soutenues dans la revue « n'avaient pas été convenablement justifiées », la rédaction défendait avec vigueur une série d'articles attaqués par Bougaïev, y compris celui de Bourdjalov.Elle estimait qu'elle se conformait aux injonctions du xxe. Congrès : Certains camarades [Bougaïev était clairement désigné] mettent en garde contre la précipitation à réorganiser le travail des historiens et soutiennent qu'il faut attendre des instructions et des directives spéciales, comme si le xxe Congrès n'en avait pas donné ... Il existe chez nous des gens qui ont peur de chaque mot qouveau et qui crai$Ilent d'~banc;to1µ1erleurs concep-

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==