Le Contrat Social - anno VI - n. 3 - mag.-giu. 1962

QUELQUES LWRES les rangs de l'intelligentsia islamique, doit se délecter à la lecture des ouvrages distribués par la propagande nassérienne et traduits dans tous les dialectes que parle la Umma 3 • Il serait intéressant de relever dans une brochure intitulée La Revanchede l'Islam 4 deux passages tirés, l'un du discours prononcé par Nasser à l'occasion de l'anniversaire de la défaite de Saint Louis à Mansourah, l'autre déclamé à la lueur des torches à Damiette, le même jour, par un des lieutenants du dictateur nilotique, son ministre de l'Education nationale, Kamal al Dine Hussain: L'acier (pour Nasser il s'agit du croissant] a toujours brisé le bois [la croix]... Le croissant a traîné la croix dans la boue ... Jurons tous que seul le croissant profilera son ombre glorieuse et sacrée sur le monde qui nous a asservis ... (Nasser.) Ces torches illumineront les routes que parcourra la grande armée islamique pour venger les centaines de milliers de victimes des Croisades. Seule une chevauchée musulmane pourra nous rendre notre gloire d'antan. Mais celle-ci ne sera réalisée que lorsque les cavaliers de Dieu auront piétiné l'église Saint-Pierre de Rome et la cathédrale Notre-Dame de Paris. C'est alors que l'islam sera lavé de la honte qui le couvre depuis la défaite de Balat al Shouhadac. (Kamal al Dine Hussain.) Un « nouvel islam sans Allah», tel est le but que vise Moscou, mais pour évincer Dieu de l'esprit islamique, les communistes procèdent prudemment, car ils savent que le fanatisme islamique ne peut être entretenu que par une foi aveugle et ignorante. C'est pourquoi ils entendent se servir de Dieu pour galvaniser les masses et se gardent bien de déposséder celles-ci de l'unique élément de leur force, quitte à agir plus tard pour leur enlever leur suprême consolation. M. R. Charles passe rapidement en revue la technique de pénétration économique soviétique dans le monde musulman et la présence américaine dans le même domaine. Il en conclut que les millions de dollars s'avèrent insuffisants pour endiguer l'infiltration soviétique. Mais quelles solution préconise-t-il ? Aucune, à moins d'envisager un accroissement de l'aide occidentale aux pays sous-développés, ce qui signifierait un renforcement de la surenchère. Mais ce serait faire le jeu de l'opportunisme islamique pour qui « il est un devoir sacré pour tout Arabe », celui de jouir du bien des infidèles. Personne ne recommande de cesser l'aide occidentale, mais on pourrait l'harmoniser, c'est-à-dire conclure un accord entre les Occidentaux, aux termes duquel ceux-ci mettraient fin à leurs rivalités économiques et politiques dans le monde musulman. 3. La nation islamique unifi~e. 4. Collection • Nous avons choisi pour vous 11, Le Caire, f~ricr 196o., Imprimerie Al Nahda. Biblioteca Gino Bianco 185 Selon M. R. Charles, le peuple musulman sait patienter et il endure la faim depuis des siècles parce que le Coran lui enseigne que rien n'arrive sinon par la volonté de Dieu. C'est ignorer l'œuvre de subversion effectuée par Moscou que de croire les peuples musulmans indéfiniment armés d'une patience à toute épreuve. Le mal dont ils souffrent actuellement n'est pas seulement localisé dans les ventres, mais affecte aussi les esprits. Leur faim d'antan, ils l'acceptaient avec résignation en tant que volonté de Dieu, mais depuis qu'on leur explique que l'Occident détourne de sa destination le pain que Dieu envoie aux musulmans, ils jugent de leur devoir de couper la main au malfaiteur idolâtre que le Coran leur désigne. Et il est triste de penser que les millions de tonnes de blé américain données aux pays sous-développés sont vendues au marché noir à des multitudes d'affamés à qui la propagande radiophonique soviétique ment tous les soirs en leur répétant que Washington s'enrichit en spéculant sur leur faim. Ce serait mal connaître l'islam et la force des moyens dont dispose la subversion communiste que de communier avec l'auteur dans l'optimisme qu'il exprime en évoquant la possibilité d'une entente islamo-occidentale. Se gardant d'ailleurs de prendre à son compte pareille hypothèse, il la laisse filtrer à travers certaines citations. H. lIADDAD. Un esprit et une conscience THÉODORERUYSSEN: J tinérairespirituel.Histo-ire d'une conscience. Paris 1961, Les Ecrivains associés, 11, rue de la Harpe, 208 pp. Quor QU'ENDISEThéodore Ruyssen, le meilleur titre qu'ait son livre à retenir l'attention n'est certainement pas d'avoir été écrit par un homme de quatre-vingt-douze ans (aujourd'hui quatrevingt-quatorze), qui se souvient d'avoir vu un officier allemand, en capote grise et casque à pointe, entrer à la sous-préfecture de Chinon quelques jours ou quelques semaines après la bataille du Mans que Chanzy venait de perdre le 11 janvier 1871. Non, ce n'est pas là son meilleur titre, d'autant que la part faite à l'anecdote, au ~ittoresque, est à peu près nulle dans cette « histoire d'une conscience » qui s'applique à ne retracer que l'évolution des idées de l'auteur. Mais la longueur de la carrière qu'aura fournie Th. Ruyssen donne à son témoignage philosophi9ue une valeur singulière. Ce que nous ne connaissons qu'en le reconstituant selon la méthode historique : le monde des idées d'avant 1914, d'avant 1900, d'avant 1890, il y a vécu, et il peut, mieux que personne, mesurer la différence entre ce que l'on pense aujourd'hui et ce quel' on pensait voilàtrois quarts de si~le et plus.

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