Le Contrat Social - anno VI - n. 3 - mag.-giu. 1962

184 donné aucune preuve à l'appui de son affirmation, rappelons que la transmission par les Arabes de l'héritage d'autrui s'est toujours accomplie d'une façon contestable et sous forme de plagiats. Ce qui mériterait d'être signalé, et l'auteur ne pouvait le faire puisqu'en 1960, date de sonouvrage, la modernisation de l'université Al Azhar n'était qu'à l'état embryonnaire, c'est la loi de juin 1961 qui a fait de la plus ancienne des universités islamiques une institution où la laïcité, voisinant avec la religion, formera des ulémas médecins, avocats, ingénieurs, administrateurs, dont la mission sera d'effectuer une double pénétration en Afrique. Et c'est à partir d'Al Azhar que sera menée la quadruple lutte entre Le Caire, Bagdad, Riad et Karachi. Aux deux rivaux, l'égyptien et l'irakien, s'ajouteront deux nouveaux adversaires : le séoudite et le pakistanais. Quatre <c Voix de l'islam » lancées à partir du Caire, de Bagdad, de Médine et de Karachi, se disputent les cœurs des musulmans et la nouvelle université de la ville sainte enlève chaque jour à l'Azhar le monopole de la propagation de la foi. Quant à l'évolution de la femme musulmane, M. R. Charles cite les ·nombreuses concessions accordées au sexe faible ; il oublie qu'il ne s'agit nullement d'une victoire de la femme, mais d'un certain sens de l'opportunisme incitant les nouveaux. maîtres · à octroyer aux musulmanes des droits théoriquement étendus et pratiquement inexistants. Et c'est une ironie du destin qui veut qu'en évoquant. la force du conservatisme d'Al Azhar, M. -R. Charles cite une / étoua ( consultation religieuse) élaborée par le recteur de cette université, déniant à la femme toute vocation aux fonctions publiques. Or, la loi de sécularisation de juin 1961 ouvre les portes de cette forteresse du conservatisme aux filles d'Eve. N'est-ce point là le secret de la puissance du mal islamique, prêt à épouser toutes les causeset à se parer de toutes les couleurs? · Le professeur Jacques Berque, après s'être demandé si les valeurs puisées dans la tradition résisteront à la poussée accrue du modernisme, affirme volontiers qu'elles jouent un rôle efficace de ralliement et de stabilité. En citant cette opinion discutable, M. R. Charles ne peut s'empêcher d'en montrer. la précarité, car loin de partager l'enthousiasme de M. Berque, il pose le principe des civilisations·.actuelles, l'Etat, et déclare que pour que ce principe soit réalisé, les musulmans doivent.discipliner leur tempérament. Mais qu'entend-il par mtisuhnans .: l'immense troupeau- ou ses bergers égarés, ou bien les deux à la fois? ·.. Qu'est-ce que le panarabisme? Selon l'auteur, ce serait une exploitation vertigineuse d'un rêve cher à tous les fidèles. Mais ce qu'il conviendrait de préciser, c'est dans l'intérêt de qui, et inspirée par qui, s'effectue cette exploitation? N'est-ce pas surtout Moscou qui soutient les flambées Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL sauvages d'un racisme latent? Cependant, il serait juste de dire que Moscou ne porte pas à lui seul le poids de cette responsabilité. « Demain » est le titre du dernier chapitre. De quoi sera-t-il fait? Telle est la question que se pose M. R. Charles. Expliquant scientifiquement le désir inné du musulman d'orienter ses facultés vers un autre modèle, il juge que cette attitude ne prédispose pas à l'implantation de systèmes libéraux, mais il n'en fait pas moins confianceà un humanisme musulman dont il attend la naissance avec optimisme. Or cet espoir, rien ne permet de croire à sa réalisation tant que l'islam n'aura pas renié ce commandement coranique .que cite justement l'auteur : « Tuez les idolâtres partout où vous les trouverez, faites-les tomber dans vos embuscades, à moins qu'ils ne se convertissent. » Le jeu de Nasser et de ses acolytes s'éclaire par ~ ce verset coranique, d'une équivoque scandaleuse pour un livre saint, car quels sont les idolâtres? Pour les maîtres du panarabisme, ce sont tour à tour les impérialistes de l'Ouest, ceux de l'Est, les chrétiens ou les juifs, selon les besoins de la Trésorerie islamique. Convenons avec l'auteur que l'avenir arabe ne sera pas une chevauchée brutale, non parce que l'islam s'est humanisé, mais parce qu'il n'en a pas les moyens. Et M. R. Charles est sage quand il dénonce la pénétration arabe aux U.S.A., spécialement aux « Nations Unies ». Cette infiltration est d'autant plus dangereuse qu'elle jouit d'un double parrainage, alors que seule la capitale soviétique peut spéculer sur la reconnaissance islamique. La Sainte-Alliance dont la formation plus que problématique hante l'imagination occidentale et que l'auteur considère comme un fait plausible, ne se réalisera pas sous l'égide d'un Nasser ou · d'~ Kassem. Seule !'U.R.S.S. est capable, d'exploiter le fanatisme du panislamisme afroasiatique. Quel sera le nouveàu mahdi qui s'arrogera la prétendue mission divine aux termes de laquelle la grande armée des fidèles s'élancera à la conquête de l'Occident? Celui à qui Moscou confiera le commandement des peuples convertis au «marxisme-léninisme» sans perdre leur foi islamique ne sera pas un Noir de l'Afrique, ni un Jaune de l'Asie. Ni non plus un militaire à l'épée de bois, tel le satrape du Caire ou le bourreau de Bagdad : c'est parmi les mystiques de l'islam que le communisme soviétique cherchera celeader. Et qui, mieux qu'un des Frères musulmans 2 , prétendus martyrs du nassérisme, est qualifié pour fournir à !'U.R.S.S. le nouveau Mahomet? Ce que l'Occident devrait craindre, c'est l'apparition d'un chef;religieux qui, joignant le fanatismemillénaire à -la technique subversive,. appellera les. Croyants à la. conquête de la terre des infidèles pour venger les victimes des Croisés. Ce chef in the maki'!l-g, et qui sera choisi par Moscou dans 2. Confrérie politico-religieuse fondée en Egypte vers la fin de 1944. .

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