124 Il importe, pour finir, de ne pas oublier certains procédés étranges en fait de citation des sources. Par exemple, M. Nove renvoie le lecteur aux ouvrages de Janet Chapman, Naoum Iasny, S. N. Prokopovicz « et autres» pour confirmation de la phrase que voici : « ••• il ne fait pas de doute que le pouvoir d'achat des salaires en espèces fut en 1937, en 1940, et en 1947 surtout, inférieur à celui de 1928, bien que cela doive être calculé à l'aide de données indirectes, aucun indice soviétique du coût de la vie prenant 1928 comme année de base n'étant publié». Ce n'est pas sans quelque surprise que le lecteur consulterait les auteurs nommément désignés, ainsi que les « autres ». Pour autant que nous sachions, personne n'a opéré dans ce domaine avec des données indirectes : les calculs sont fondés sur la base de prix soigneusement relevés. Contrairement à ce que suggère la formule de M. Nove, les auteurs visés se sont penchés non pas sur quelques années plus ou moins isolées, mais bien sur l'évolution survenue pendant toute la période d'industrialisation. Et ils ont tous abouti à des conclusions autrement' catégoriques: c'est pendant ladite période tout entière que le salaire réel fut inférieur à son niveau de 1928; la baisse fut considérable ; cet état de choses dura bien plus longtemps que ne l'indique M. Nove. Si l'on chiffre le salaire réel de 1928 à 1 oo, Mme Chapman estime celui de 1952 à 63 ; Naoum Iasny, celui de 1958 à 80 ; Peter Wiles, celui de 1953 à 85 ; Edmund Nash, celui de 1959 à 92 ; Prokopovicz, qui calculait la valeur réelle du salaire en termes de paniers de provisions, a estimé que l'ouvrier gagnait l'équivalent de 5 p1niers en 1926 (et davantage en 1928), mais 1,6 seulement en 1948. Un mot encore. En mentionnant l'automation comme un facteur de la récente réapparition du chômage en Union soviétique, M. Nove cite à l'appui de sa thèse un roman de Fédor Panférov et un reportage d' A. Khavine, publiés dans deux revues littéraires en juillet 1960. Quiconque connaît le mutisme observé par les organes spécialisés au sujet du chômage (sauf le chômage parmi les jeunes), ne peut qu'admirer l'idée d'aller chercher dans les belles-lettres les renseignements que nous refusent les publications économiques. Or le mérite d'avoir tiré ceux-ci de Panférov et de Khavine revient à Salomon Schwarz, lequel a analysé les deux textes dans un article retentissant sur le chômage technologique, article publié en russe, en anglais, en français et en allemand (Courrier socialiste) d'août-septembre 1960, Current History de novembre 1960, Articles et Documents de la Documentation française, 27 décembre 1960, OstProbleme, 17 février 1961). En reprenant à son compte à la fois l'argument de S. Schwarz et ses sources, M. Nove passe tout simplement son article sous silence. PAUL BARTON. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Prisons soviétiques (suite) EMIL BRUGGE:R Ein Schweizer erlebt die Sowjetunion. Elf Jahre in Sowjetgefangnissen und Zwangsarbeitslagern. Solothurn 1961, Veritas Verlag, 40 pp. L'AUTEURq, ui fut enlevé par les Soviétiques à Vienne en février 1948 et relâché en octobre 1958 seulement, n'est pas un inconnu. La presse a parlé de lui peu de temps après son retour en Suisse, où il avait rapporté des nouvelles de Raoul Wallenberg, le diplomate suédois kidnappé par les Russes à Budapest en 1945. (En 1957, Gromyko déclara que Wallenberg avait succombé à une crise cardiaque en 1947. Or Brugger affirme qu'en 1954, dans la prison de Vladimir, il communiquait avec Wallenberg au moyen de coups frappés contre le mur.) Dans la présente plaquette, il retrace brièvement son propre calvaire qui le mena notamment dans les camps de concentration d'Inta (Grand-Nord de la Russie d'Europe), dans la prison de Verkhnié-Ouralsk et dans celle de Vladimir. En raison de sa brièveté, ce témoignage apporte peu d'éléments nouveaux à ce qu'on savait déjà des camps et des prisons soviétiques. L'exception la plus notable est le récit d'une insurrection qui aurait éclaté en 1950 parmi les bagnards d'Inta. D'autres rapatriés avaient entendu parler de cette révolte; mais détenus dans d'autres camps de la région, ou à Inta, mais ultérieurement, ils n'avaient cependant pas été à même de déterminer en quoi les rumeurs correspondaient à la réalité. Emil Brugger est, à notre connaissance, le premier rescapé du monde concentrationnaire soviétique qui affirme avoir personnellement assisté à cet événement. Le principal intérêt de son récit réside, nous semble-t-il, dans la confirmation, les compléments d'information qu'il apporte à d'autres témoignages, plus détaillés, sur les prisons proprement dites. Ainsi du récit de Jean-Paul Serbet sur Vladimir. Les deux hommes se sont .d'ailleui:s connus là-bas et parlent l'un de l'autre dans leurs ouvrages respectifs. Brugger comble une lacune sensible dans le récit de Serbet en nous apprenant qu'à partir de 1956 le travail forcé fut introduit dans la prison de Vladimir. Or le travail dans les prisons fut un élément important de l'aménagement du système pénitentiaire, tel qu'il fut graduellement pratiqué après la mort de Staline. Bien que l'auteur ne le dise pas explicitement, il semble que cette réforme n'ait été appliquée qu'aux condamnés de droit commun. D'autre part, Brugger confirme les témoignages de W. Claudius ( Soviet Aff airs, St. Anthony's College, Oxford, n° 1) et de Rafael Spann (Christ und Welt, 17 mai 1956) sur l'évacuation complète de la prison de Verkhnié-Ouralsk en 1954. Il s'agit d'une des affaires les plus
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