Le Contrat Social - anno VI - n. 2 - mar.-apr. 1962

.. L'Expérience communiste ASPECTS DE LA VIE SOVIÉTIQUE par Justan POURles fabricants d'images du Kremlin, le XXIIe Congrès a été une nouvelle occasion de projeter leur conception de l'avenir de l'humanité. Sur un fond de succès spectaculaires en matière de satellites et forts de certaines réalisations (d'ailleurs beaucoup plus modestes) dans le domaine économique, tous les orateurs ont, comme un seul homme, clamé sur le ton péremptoire que « le xxe siècle est un siècle de triomphes statistiques du communisme» et que le Parti est « la seule force politique et sociale qui résolve effectivement les problèmes sociaux de l'humanité et qui accomplisse les tâches fixées par son programme ». Il est impossible, en un article court, de réfuter en détail toutes les prétentions avancées à la tribune. Mais un récent séjour en U.R.S.S. nous a permis de constater que le système, loin de résoudre les problèmes qui se posent à toutes les sociétés, en engendre de nouveaux qui sont inhérents au communisme et que les dirigeants sont dans l'obligation de combattre. Dans son discours au Congrès, Khrouchtchev a qualifié ces problèmes de « puissance terrible qui entrave l'esprit des gens». Dans un même passage, il les a énumérés dans l'ordre suivant: « ••• indolence, parasitisme, ivrognerie et voyouterie, filoutage et chapardage (...) chauvinisme de la nation dominante et nationalisme local (...) méthodes bureaucratiques, attitude incorrecte envers les femmes... » Certaines de ces maladies ne sont pas inconnues des nations non communistes. Mais dans quel pays occidental l'indolence, le parasitisme et l'attitude envers les femmes deviennent-ils des affaires d'intérêt national ? Et Khrouchtchev d'ajouter que le progrès économique est freiné par « la routine et le conservatisme, la mauvaise administration, l'opportunisme des arrivistes et les machinations des escrocs qui falsifient les chiffres de production et déjouent les efforts faits pour les déloger ». Biblioteca Gino Bianco LES PROPAGANDISTdEuS Kremlin trouvent commode de classer toutes ces entorses au code du comportement idéal sous la rubrique « survivances du passé capitaliste». Pas question pour eux d'admettre que c'est le communisme qui est responsable: seul l'individu est à blâmer. Or il est évident que l'une des causes principales des phénomènes dénoncés par Khrouchtchev est le système économique soviétique: économie planifiée de façon rigide où l'on ignore la loi de l'offre et de la demande, où constamment des marchandises en trop petite quantité sont convoitées par un trop grand nombre de citoyens, où l'affreux mobile du profit est censé ne pas exister, sinon pour engendrer des maux sociaux. Le capitaine d'industrie soviétique, par exemple, n'est jugé que par sa capacité à réaliser le plan. Des buts lui sont assignés et, pour les matières premières, il dépend d'agences gouvernementales. Mais, comme Khrouchtchev lui-même l'a remarqué, « les plans de production ne se raccordent pas toujours avec les plans d'approvisionnement en fournitures et en machines et avec des livraisons coordonnées... » Voilà donc un homme sans cesse pris entre deux feux : les limites de sa production et les exigences de l'Etat. Les directeurs d'entreprise industrielle (de même que les directeurs de sovkhoze et les présidents de kolkhoze) ont beau réclamer une réduction des plans de production et une augmentation de la masse des salaires et des fonds d'investissements, ils doivent finalement appliquer les consignes d'organismes qui ne tiennent pas forcément compte de leurs problèmes particuliers. C'est là qu'intervient le tolkatch (littéralement : celui qui pousse ; en fait : celui qui débrouille les affaires, un «arrangeur»). Son travail consiste à mettre l'usine qui l'emploie (encore que clandestinement) en mesure d'obtenir à temps matières premières et outillage, quel que soit le coOt de l'opération. Le directeur

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