Le Contrat Social - anno VI - n. 2 - mar.-apr. 1962

90 l'Allemagne hitlérienne, fût choisie pour «dénoncer » un plus grand nombre d' « espions » et de «traîtres» qu'aucune autre République. C'est pourquoi la fureur sanglante s'accentua dans les discours de Khrouchtchev prononcés en Ukraine. Une résolution de l'organisation du Parti de Moscou, proposée par lui en mai 1937, disait: La conférence du Parti de Moscou assure le Comité central du Parti et notre chef, maître et ami, le camarade Staline, qu'il n'y a pas eu et qu'il n'y aura pas de merci pour les espions, saboteurs et terroristes qui lèvent la main sur les travailleurs de l'Union soviétique ; qu'à l'avenir nous continuerons d'anéantir les espions et les saboteurs et ne laisserons pas la vie aux ennemis de !'U.R.S.S.; et que pour chaque goutte de sang des travailleurs, les ennemis de !'U.R.S.S. auront à payer des pouds de sang d'espions et de saboteurs. Cette partie de la résolution fut si prisée que la Pravda la cita dans un éditorial (31 mai 1937). Sous la dictature communiste, les liquidations ont presque toujours été «justifiées» par les · prétendus liens des accusés avec les services de renseignements étrangers. C'est de trahison envers la patrie que furent accusés les meilleurs disciples de Lénine aux grands procès des années 30. Bien plus tard, la trahison fut également choisie comme l'accusation la plus appropriée pour en finir avec Béria. La trahison et l'espionnage figuraient aussi en bonne place parmi Bjb ioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL les charges retenues contre les «nationalistes bourgeois ».. Certes, l'Ukraine faisait partie de l' « espace vital » d'Hitler et quelques agents ont dû y être envoyés. Cependant, des contrôles de passeports sévères, une surveillance serrée des frontières et des restrictions au moindre déplacement rendaient l'espionnage en Union soviétique incomparablement plus difficileque dans les pays libres. De surcroît, l'Allemagne n'avait pas à l'époque de frontière commune avec l'Union soviétique; quant à la petite Pologne, menacée elle-même par Hitler, elle ne nourrissait certainement pas de desseins belliqueux contre sa puissante voisine de l'Est. Il devait donc y avoir fort peu d'espions en Union soviétique. Pleinement conscients de l'absurdité des charges d'espionnage et de trahison portées contre les vieux membres du Parti qu'ils désiraient éliminer pour d'autres raisons, Staline et ses lieutenants jouaient de l'aversion naturelle du peuple pour les espions. · Lorsque Khrouchtchev devint chef du Parti en Ukraine, il se jeta dans la mêlée avec frénésie pour accuser les «traîtres» et les «espions». Le manque d'éloquence de léjov était largement compensé par l'éloquence de Khrouchtchev. Aucun dirigeant communiste, mort ou vivant, n'a fait preuve d'autant de zèle pour faire de cette épuration la pire hécatombe réservée par des hommes à d'autres hommes, adeptes de la même foi. LAZARE PISTRAK. (Traduit de l'anglais) ,

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==