30 vidus dans tous les ·secteurs de l'économie nationale au cours d'une année, ces chiffres indiquent que le produit réel net d'une heure de travail s'élevait (en dollars de 1950) à 0,317 en 1928 ; 0,307 en 1929; 0,282 en 1930; 0,264 en 1931 ; 0,251 en 1932 ; 0,253 en 1933 ; 0,276 en 1934 ; 0,3 en 1935 ; 0,333 en 1936 ; 0,374 en 1937 et en 1938 (Colin Clark : The Real Productivity of Soviet Russia, Washington 1961, p. 55). En commençant par 1934, année qui inaugure dans la périodisation de Iasny l'étape triennale de rétablissement après la dépression de 1932-33, on peut constater dans les deux séries les accroissements annuels suivants (en pourcentages) : 1934 1935 1936 1937 1938 Produit national net 8,5 7,8 12,2 10,2 o,6 Produit national net par heure de travail 9,1 8,7 ll,O 12,3 o,o Il appert que les améliorations apportées à la condition ouvrière à partir de 1936 donnèrent à la productivité du travail une impulsion puissante et que celle-ci cessa d'agir en 1938 4 • Cela trouve également son expression, moins nettement il est vrai, dans l'indice de productivité que Walter Galenson a établi pour l'industrie, sur la base de la répartition de la main-d'œuvre en 1936 (Labor Productivity in Soviet and American Industry, New York 1955, pp. 236-37). Voici, en pourcentages, les accroissements annuels, calculés suivant l'indice de Galenson 1934 1935 1936 1937 1938 9,9 11,3 17,7 6,4 3,2 Selon Donald Hodgman, la valeur ajoutée par heure de travail dans la grande industrie s'accrut d'à peu près deux tiers entre 1932 et 1937, mais demeura stationnaire entre cette dernière année et 1940 (op. cit., p. 117). Il n'est pas étonnant qu'un revirement radical se soit produit fin 1938. dans la politique soviétique du travail. L'indice du salaire réel de Iasny montre qu'un déclin marqué eut lieu en 1939 et se poursuivit en 1940; avant même que !'U.R.S.S. n'entrât en guerre, le salaire réel était tombé au-dessous de son niveau catastrophique de 1932 (pp. 225-27). Une vague de 4. L'épuisement rapide de cette impulsion étonne d'autant moins que la production d'armements allait rapidement croissant (cf. Naum Jasny : The Soviet Economy during the Plan Bra, Stanford 1951, p. 47 ; The Soviet Price System, Stanford 1951, p. n5). Dès 1938, l'expansion de cette production prit une allure qui, de toute évidence, nécessitait la conversion de certaines usines de constructions mécaniques « civiles » en usines d'armements (cf. Donald R. Hodgman : Soviet lndustrial Production, 1928-1951, Cambridge, Mass., 1954, p. 87). Biblioteca·GinoBianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE prescriptions draconiennes, qui devaient radicalement transformer le statut du travail, fut amorcée en décembre 1938 par l'introduction des livrets de travail et la réorganisation des assurances sociales. Fait révélateur, ces nouvelles prescriptions ne firent que mettre à exécution des décisions des années 1931-33 restées en suspens. Force est de conclure que les améliorations des années 1936-38 furent conçues comme des mesures très temporaires. C'est donc à just.! titre que N. Iasny s'est basé sur les taux de croissance sans trop s'embarrasser du fait, grave de prime abord, que les trois années en question, qui forment un tout du point de vue de la condition ouvrière, se trouvent réparties dans sa périodisation entre la fin d'une phase et le début d'une autre. Cela dit, on se demande si l'année 1938, placée par Iasny au milieu de sa « période des purges » " (1937-40), ne constitua pas un nouveau tournant, comme semblent l'indiquer les estimations de Colin Clark citées ci-dessus. Il faudrait en ce cas, aux trois années précédentes joindre 1937 comme dernière année de rétablissement après la dépression de 1932-33. La croissance rapide, caractéristique de cette phase, se ralentit certes assez sensiblement en 1937, surtout dans l'industrie et le transport des marchandises. Mais c'est le propre de chaque remontée consécutiye à une dépression (ou à quelque autre catastrophe économique) de s'épuiser graduellement : la croissance diminue à l'approche du moment où la production atteint le niveau auquel elle serait parvenue si aucune perturbation n'avait interrompu son développement normal. Dans le même ordre d'idées, le bas niveau de la période 1938-40 peut être imputé au fait que, la remontée achevée, l'accélération disparut complètement. Et comme une économie aussi enrégimentée ne retrouve jamais sans quelque secousse un développement normal après une phase extraordinairement favorable, les résultats particulièrement décevants de l'année 1938 ne sont pas surprenants si l'on admet notre hypothèse. Celle-ci a l'avantage d'expliquer l'évolution économique · en premier lieu par des faits économiques. Du même coup, le phénomène politique - la grande purge .qui, dans l'interprétation de Iasny, fut le principal facteur du développement économique . pendant les années 1937-40 - est remis à sa place : celle d'un élément qui, simplement, aggrava les choses. Pareille révision semble indiquée non seulement pour des raisons méthodologiques, mais aussi parce que l'évolution relativement satisfaisante de la production en 1937, alors que les cadrés dirigeants étaient décimés, met le chercheur en garde contre la tentation de surestimer les incidences économiques des « purges » sanglant~s. Ce ne sont là toutefois que des suggestions. Les données disponibles ne semblent pas permettre de trancher les questions qu'on vient de soulever.
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