Le Contrat Social - anno VI - n. 1 - gen.-feb. 1962

20 tallisée encore que dans les terr1to1res ex-français. A cela deux raisons principales. La première est !'insignifiance du parti communiste britannique en comparaison du P.C. français. La deuxième est que les territoires ex-britanniques, à la différence de ceux qui furent gouvernés par les Français, ont été relativement isolés, à l'époque coloniale, du courant principal de la vie idéologique et politique européenne. Chaque colonie britannique avait sa vie à elle, et les diverses régions de la même colonie menaient une existence à part. Aucune tentative ne fut faite pour relier organiquement les colonies à Westminster ou exporter en Afrique les partis politiques de la métropole. Les possessions britanniques restaient ainsi beaucoup plus africaines, donc mieux immunisées contre les influences marxistes, que les possessions françaises. Malgré tout, les organisations crypto-communistes internationales qui s'adressent aux syndicats, aux femmes, aux jeunes et aux étudiants parvinrent à introduire en Afrique britannique leur matériel de propagande, à mettre la main pour un temps sur de petites organisations et à s'assurer la coopération de quelques personnalités politiques. Le premier quartier général, bien modeste, du Convention People's Party de Nkrumah à Accra et à Takoradi était ainsi décoré d'affiches fournies par la·F.M.J.D. Çà et là, l'étiquette communiste n'était utilisée que parce que les autorités la désapprouvaient. Dans une petite ville de la Nigeria, un parti « communiste» éphémère vit le jour en 1950, bien que ses membres n'eussent pas la moindre idée de ce qu'était le communisme et n'eussent aucun rapport avec le mouvement international ; leur seul but, en se disant « communistes », était d'être désagréables au fonctionnaire britannique du district. Des groupes de «marxistes de même tendance » existent sans aucun doute aujourd'hui dans les territoires ex-britanniques, mais ils sont encore plus difficiles à repérer que les groupes similaires dans les ex-colonies françaises. On les trouvera probablement tous dans le Convention People's Party du Ghana, en particulier dans l'extrémiste N.A.S.S.O. (National Association of Socialist Students Organizations), dans le All-People's Congress (A.P.C.), parti d'opposition de Sierra Leone, et dans la Gambian W~rkers Union. En Nigeria, le mouvement marxiste souffre des mêmes maux que le socialisme européen à ses débuts. Il est divisé en groupes et fractions qui se combattent et ne semblent avoir aucun caractère permanent. A l'heure actuelle (septembre 1961), trois petits groupes marxistes existent en Nigeria. L'un, le Nigerian People's Party (N.P.P.), a des liens avec les syndicalistes de gauche du Nigerian Trade Union Congress, organisation scissionniste à ne pas confondre avec la T.U. C. de BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL la Nigeria, affiliéeà la Confédération internationale des syndicats libres (C.I.S.L.). Le président de la T.U.C. nigérienne est Michael Imodou, qui se dit « socialiste marxiste » 17 • Une figure en vue du N.P.P. est Gogo Nzeribe, syndicaliste qui signa la préface du fameux faux anti-C.I.S.L. Alors que le N.P.P. a son siège à Lagos, une organisation qui se dit «Communist Party of Nigeria» semble opérer depuis Kano, sans avoir encore été reconnue par le mouvement communiste international. Néanmoins, à l'instar de la pratique communiste courante, elle a déjà exclu plusieurs de ses membres pour activité antiparti 18 • La troisième organisation d'inspiration marxiste, née au début de 1961, est le Nigerian Youth Congress. MÊME les groupes africains qu'on peut qualifier de «marxistes» ou de« marxistes-léninistes» n'optent pas toujours pour le communisme comme idéologie internationale au service de Moscou et de Pékin. Ainsi, beaucoup de membres du C.P.P. au Ghana se disent marxistes sans adhérer en fait à la doctrine marxiste. Ce sont des nationalistes romantiques qui, en Europe, appartiendraient à l'extrême droite, mais qui ont fait du marxisme un élément d'une philosophie éclectique. Même le président Nkrumah, qui se considère comme un « socialiste marxiste » et un « chrétien sans Eglise», est à ranger dans cette catégorie. C'est un afro-:-marxistequi, en paroles, met l'accent sur le marxisme plus que ne le fait Sekou Touré, mais qui en fait est beaucoup moins versé dans la pensée marxiste. L'afro-marxisme ne concilie pas le nationalisme africain et le marxisme ; son incohérence et ses contradictions reflètent les graves difficultés d'adaptation du marxisme aux conditions africaines. L'afro-marxiste, comme le marxiste bouddhiste de Birmanie, n'a que faire du marxisme en tant qu'idéologie matérialiste universelle régissant toµs les aspects de la vie, tel qu'on l'entend généralement en Europe. Il limite la validité du marxisme au domaine de l'économie et aux problèmes de l'Etat, et tente de satisfaire ses besoins spirituels en puisant dans l'arsenal de la culture indigène. Le .marxisme-léninisme comme système de pouvoir peut donc remporter en Afrique un certain nombre de succès politiques à court terme, mais en qualité d'idéologie il risque de subir un désastre. , WALTER KoLARZ. (Traduit de l'anglais) 17. Sunday Times (Lagos), 18 juin 1961. 18. The West African Pilot, 7 juillet 1961. ,

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==