Le Contrat Social - anno VI - n. 1 - gen.-feb. 1962

16 principales organisations qui ont succédé à cette aile gauche du R.D.A. sont le parti démocratique de Guinée, l'Union soudanaise du Mali et l'Union des populations du Cameroun (U.P.C.). Il serait naturellement erroné d'attribuer les tendances de gauche de ces trois partis à leur seule fidélité à la plate-forme primitive du R.D.A. D'autres influences ont joué, surtout celles de la C.G.T. française, organisation syndicale communiste à laquelle étaient liés des nationalistes africains de gauche comme Sekou Touré, Ousman Ba, aujourd'hui ministre du Travail du Mali, et Abdoulaye Diallo, actuellement ministre résident de Guinée au Ghana. La Fédération syndicale mondiale (F.S.M.), d'obédience communiste, et dont la C.G.T. est l'un des membres les plus importants, a aussi joué son rôle. Elle a toujours manifesté un vif intérêt pour l'Afrique, et de toutes les organisations crypto-communistes travaillant sur le continent noir - notamment la Fédération mondiale des jeunesses démocratiques (F.M. J .D.), l'Union internationale des étudiants (U.I.E.) et la Fédération internationale des femmes démocratiques (F.I.F.D.) - elle a probablement été la plus efficace. A èe propos, rien ne prouve que Moscou ait à aucun moment interdit au P.C. français d'agir en Afrique, contrairement à ce que suggère Franz Ansprenger dans son ouvrage par ailleurs remarquable 7 • Même les organisations crypto-communistes internationales emploient très largement des fonctionnaires français dans leurs contacts avec l'Afrique. Lorsque la Guinée et le Mali devinrent indépendants, les communistes français continuèrent à faire officede conseillers, d'experts et d'agents, malgré la présence à Conakry et à Bamako de personnel diplomatique communiste étranger. De même, d'étroits contacts ont été maintenus entre le parti démocratique de Guinée et le P.C. français : en mai 1961, une délégation guinéenne a assisté au XVI° Congrès du P.C.F. Un parti crypto-communiste DES trois composantes de l'aile gauche du R.D.A., deux sont au pouvoir, tandis que la troisième - l'Union des. populations du Cameroun (U.P.C.), ou plutôt sa fraction révolutionnaire illégale - mène une lutte subversive contre le gouvernement de son propre pays. Cette lutte de l'U.P.C. illégale a fait d'elle une organisation terroriste à outrance, tout à fait différente par son orientation politique du parti démocratique de Guinée et de l'Union soudanaise du Mali. L'U.P.C. n'a que faire des théories soviétiques sur la voie parlementaire vers le socialisme ou plutôt vers le pouvoir, car le socialisme ne figure pas au programme officiel du parti. Si, comme on l'a affirmé, Khrouchtchev avait conseillé à Félix 7. Politik im Schwarzen Afrika, Cologne et Opladen, 1961, p. 82. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Moumié, dirigeant de l'U.P.C., de prendre le pouvoir au moyen d'élections, ce conseil n'a évidemment pas été suivi. La branche illégale de l'U.P.C. (l'U.P.ç;. légale a ses représentants au Parlement de Yaoundé) a perdu son caractère de mouvement d'indépendance nationale depuis le 1er janvier 1960, date à laquelle la République du Cameroun a été officiellement proclamée. Depuis lors, l'U.P.C. a été réduite à l'état d'un parti idéologique qui tente d'imposer au peuple camerounais un certain mode de pensée et surtout une certaine orientation en politique étrangère. Plus importante que ses platitudes générales sur une future politique économique est son attitude militante antifrançaise et anti-occidentale. Le parti s'aligne simultanément sur la Guinée, la R.A. U. et le bloc sino-soviétique, avec l'accent mis sur« sino ». Fort logiquement, ses dirigeants sont beaucoup plus intéressés par les exemples chinois et vietnamien que par les préceptes de Moscou. Ils croient pouvoir se rendre maîtres du pays par les méthodes que Mao Tsé-toung adopta pour conquérir la Chine. Félix Moumié, mort mystérieusement le 4 novembre 1960, ne cachait pas qu'il se considérait comme un disciple de Mao, surtout pour les enseignements stratégiques 8 • Pendant sa visite à Pékin en octobre 1959, Moumié déclara que la Chine était « l'espoir de tous les opprimés » 9 • Son lieutenant, Ernest Ouandié, a aussi des rapports étroits avec Pékin, où il s'est rendu au moins trois fois, en 1954, 1958 et 1959. Si, strictement parlant, le programme de l'U.P.C. n'est pas communiste, il est en accord avec la déclaration des 81 partis communistes publiée à Moscou le 6 décembre 1960 et qui, - s'adressant aux jeunes nations, préconisait un «front uni de lutte pour la victoire d'une révolution visant à une indépendance nationale et à une démocratie véritables qui créent les conditions nécessaires pour passer aux tâches de la révolution socialiste». Le programme de l'U.P.C. dit en effet expressément : « Le but de notre révolution n'est pas de s'opposer au capitalisme, mais à l'impérialisme et à ses alliés 10 • » Si l'on étudie la littérature assez nourrie de l'U.P.C. en anglais et en français, on ne peut s'empêcher de penser que le parti mérite d'être qualifié de crypta-communiste. L'emploi de termes tels que « fascistes », « impérialisme amér1ca1n» et « démocratie nouvelle » atteste clairement l'inspiration communiste. Çà et là, l'Afrique perce néanmoins. Le programme de l'U.P.C. emploie par exemple la formule très générale : « Tous les Africains sont frères», ce qui en soi nie l'idée 'Cielutte des classes dont, selon la doctrine communiste, les jeunes nations africaines ne 8. Neue Zürcher Zeitung, 13 janv. 1961. 9. Agence Chine nouvelle, 20 oct. 1959. 10. Objectives, Significance and Repercussionsof the Kamerunian Revolution on the Continent of Africa, Londres 1960, p. 41.

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