350 Une deuxième explication a été .avancéedevant nous par un professeur soviétique spécialiste de l'agricultùre. Selon lui, l'abolition des M.T .S. jointe aux réformes de Khrouchtchev accordant aux kolkhozes une plus grande autonomie dans l'administration intérieure, avait -eu deux résultats : ·. · 1. Les.. secrétaires de district se trouvèrent subitement privés du tampon que représentait le secrétaire du Parti aux M.T.S. et devinrent donc .pérsonnellement responsables. des affaires des kolkhozes ; 2. Certains kolkhozes interprétèrent à tort les réformes comme signifiant qu'ils n'avaient plus de comptes à rendre aux autorités du district. Là-dessus, selon le professeur, les fonctionnaires du district commencèrent à faire pression pour que les kolkhozes soient transformés en sovkhozes, ce qui interposerait de nouveau entre le raïkom et les fermes un secrétaire du Parti responsable (chef de l'organisation du Parti dans le sovkhoze), tout en soumettant l'agriculture du district à une étroite surveillance centralisée. Troisième raison possible de l'attitude des fonctionnaires locaux : les kolkhoziens répugnent encore à travailler pour le secteur collectif de la ferme. Un thème constant de mes entretiens avec les membres de l'Académie d'agriculture _:_tous anciens fonctionnaires de kolkhozeou de M.T.S.-:- a été la difficulté à faire exécuter aux kolkhoziens les résolutions prises aux réunions générales du kolkhoze. Un ancien président de kolkhoze incorporé à un sovkhoze s'exclama : « C'est bien fait pour ces gredins. Maintenant ils devront travailler. » On compte sur les fonctionnaires des sovkhoze~pour qu'ils exercent plus d'autorité que ceux qui opèrent dans les kolkhozes, comme le prouvent, de manière négative, ces doléances concernant l'organisation des sovkhozesau Kazakhstan : « Beaucoup de spécialistesparmi les anciens travailleurs des M.T. S. et des kolkhozes (...) .ne se sentent pas encore des " patrons " dans leur champ d' activ~té et se cantonnent dans le rôle de conseillers, comme dans les kolkhozes 22 • » Kita:bova prend grand soin de démont~er que le nombre de journées de travail augmente après q~e les lcolklJ.ozienosnt accédé au statut « supérieur » de sovkhoziens 23 • Il est donc permis de supposer que, pour· certaines organisations locales du Parti, le plan sera plus sûrement réalisé si les kolkhozes fusionnent en sovkhozes. Problèmes de conversion UN DES PREMIERS grands problèmes à résoudre fut celui des fonds indivis. Ceux-ci - qui comprennent à la fois l'argent et l'équipemen~ des 22. Problèmes d'économique et organisation de la productfon agricole dans les sovkhozes du Kazakhstan, ministère de l'Agriculture du Kazakhstan, Alma-Ata 1958, p. 142. 23. Kitabova : op. cit., pp. 137-38. Biblioteca Gino Bianco ··, L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE fermes - constituent en principe le bien co~un et ne peuvent être distribués· aux paysans. L~ga~ lement, les fonds indivis appartiennent aukolkho~e, non à l'Etat. · .. Pendant la première phase de la sovkhozis~tion post-stalinienne, les kolkhozes désignés po\ll' ~a fusion. reçurent de . l'Etat une compensation théorique pour leurs fonds indivis (matériel, semences, bêtes de trait, réserves de fourrage et bâtiments) ; en outre, toutes les journées de travail dues aux kolkhoziens leur (urent payées. Mais, dans la pratique, cette compensation . en argent fut aussi considérée comme indivise et ne fut pas distribuée aux paysans; si bien qu'en fin de compte elle se trouva transférée au-noùveau sovkhoze. En fait, le paiement fut un acte symbolique qui n'eut pour résultat qu'une double écriture comptable. · En inai 1957, un décret commun dù Conseil ~ des ministres de !'U.R.S.S. et du C.C. du Parti déclara que dést>rmaisles kolkhozes·convertis rie rec~vraient pas de. compensation, saµ{·paiement des journées de travail dues aux kolkhoziens 24 • Le fait que cette décision ne fut prise qu'au bout de trois ans traduit probablement l'incerti~de du régime quant à la réaction des paysans devànt cette confisca~ion flagrante de leur propriét~. Dans un kolkhoze au moins, les kolkhqziens réagirent ~u décret : ils allaient vendre la .prqpri_ét.é collective, se partager l'argent et alors seulement entrer au sovkhoze 25 • Néanmoins la propagande affirme depuis lors que les kolkhoziens eri sont arrivés à considérer le fonds indivis comme propriété. publique et l'ont « volontairement » .transféré à l'Etat. Khrouchtchev lui-même.' l~a affirmé pour la première fois dans un .discours de mars 1958 en recourant à son .procédé habitue1 qui consiste à citer, en l'approuvant, la lettre d'un président de kolkhoze pour ·1equel « le moment est venu de considérer que les fonds indivis appartiennent en propre à tout le peuple » 26 • . . Deuxième problème : le sort des . parcelles privées.. Là, Khrouchtchev semble avoir · agi avec prudence : on a promis aux kolkhoziens entrant au sovkhozeque leurs parcelles ne.seraient pas réduites. Cependant, en 1959, une campagne fut menée au moins dans une région (celle de Kalouga) pour réduire les privés individuels des nouveaux sovkboziens à 0,15 ha., superficie normalement allouée aux sovkhoziens 27 • · En corrélation étroite avec cette question des lopins individuels, il s'agit de faire disparaître les nombreux villages - souvent inchangés depuis , 24. Sur l'histoire des fonds indivis, cf. ibid., pp. 60-62 •. - 25. Korchounov : . op. cit., p. 45. 26. Rapport au Soviet suprêmè' de l'U.R.S.S., Pravda, 2·7mars 1958. Ce point de vue fut développé par A. Tchesnokov, in Pour une formation politique aùtodidacte, n° 4, 1958, p. 70. Dans un sens opposé, cf. N. D. Kolessov et K.,.I. Kolessova, in Questions de philosophie, n° 1, 1960, p. 13. 27. Kitabova : ap. cit., p. 202.
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