Le Contrat Social - anno V - n. 6 - nov.-dic. 1961

A. B. BALLARD Dans ces transformations, le bien-être des paysans ne fut pas une considération primordiale : c'est ce qui ressort clairement d'une description, parue dans la Vie du Parti et bien entendu enjolivée, de l'incorporation du kolkhoze Aurore rouge à un sovkhoze 16 • Là, lisait-on, les kolkhoziens vivaient bien : « ils touchaient par journée de travail trois kilos de grain et 25 roubles en argent». Mais ils se savaient des parasites, car une bonne partie du travail était faite par la M.T.S. Honteux, ils ont demandé que l'Etat « leur prenne la terre ou les réunisse à un sovkhoze ». Evolution récente LES TROIS dernières années ont marqué une troisième étape dans cette transformation, de proportions relativement modestes par rapport à la grande campagne de 1954 à 1958 16 • Cette dernière étape a été déterminée par deux facteurs : d'une part, un plan patronné par Khrouchtchev et tendant à créer des sovkhozesspécialisésautour des centres -urbains ; de l'autre, les pressions exercées par les autorités de rayon et d' oblast (district et région) en vue de réunir en sovkhozes les kolkhozes de leur ressort. Chose curieuse, le régime, tout en imposant son propre plan, a résisté à ces pressions ; son attitude se reflète dans la déclaration suivante faite en janvier 1961 au Comité central par un représentant de la R.S.F.S.R. : Nous créerons sans aucun doute des sovkhozes spécialisés pour améliorer l'approvisionnement en lait, en pommes de terre, en autres légumes (...) ~ota~ent autour des grandes villes et des centres 1ndustr1~ls. Mais cela ne devra en aucun cas mener à la conversion massive des kolkhozes en sovkhozes ... Ceux qui cherchent à les convertir essaient en fait de s'épargner l'ennui d'avoir à renforcer les kolkhozes et veulent se rendre la vie plus facile 17 • Ce thème avait déjà été développé dans un article de Notre contemporain, selon lequel beauc?UP de fonctionnaires locaux, en demandant la fusion, essaient de « se débarrasser des kolkhozes économiquement faibles ou tout simplement d'alléger leur travail d'administration ... » 18 • Il y était ques15. 1. Korchounov : << Un devoir constant », in Vie du Parti, n° 6, 1957, p. 45. 16. En 1958-59, 494 nouveaux sovkhozes furent créés et la superficie labourée totale des sovkhozes augmenta de 1 ,5 million d'hectares. Le nombre de kolkhozes tomb~ ~e 69. 129 à 54.596, mais leurs surfaces ensemencées n~ d1m1nuèrent que de 1,14 million d'hectares. La réduction du nombre de kolkhozes était due tant à la fusion entre kolkhozes qu'à leur incorporation aux sovkhoze!, dan~ des p~oportions qui ne sont pas nettes. Cf. les chiffres m Agriculture de I' U.R.S.S., pp. 492 et 128. 17. Rapport de D. S. P~lianski, présid_ent du Conseil des ministres de la R.S.F.S.R., m Pravda, 12 Janv. 1961, pp. 1-3. 18. V. P. Rochine : " La situation des kolkhozes faibles et comment y remédier )1, in Notre contemporain, n° s, 1960, p. 177. Biblioteca Gino Bianco 349 tion d'un haut fonctionnaire du territoire de Stavropol selon lequel la formation de so'Ykho~e~ avec des kolkhozes avait « grandement simplifie l'administration des fermes » : La création de 45 nouveaux sov~hozes a libéré e_n~iron 3.500 personnes occupées à divers postes admirustratifs dans les M.T.S. et les kolkhozes ... C'est là un moyen de résoudre le problème des rapports entre M.T.S. et kolkhozes 19 • Malheureusement, les commentaires soviétiques sur les pres~ions l?cal,es ~'expliquen~ pas pourquoi la conversion ~oit r~~wre !es problemes de surveillance ou d adm1n1strat1on. A cela cependant trois explications possibles. TouT D'ABORD, la surveillance exercée d'en haut sur les sovkhozes a toujours été plus stricte que sur les kolkhozes. Jusqu'en 1943, l'organ~- sation du Parti ( politotdiel) du ,sovkl_io;leé~a1t directement responsable devant 1 adm1n1strat1on · politique du ministère central des sovkhozes ~t les organismes territoriaux et régio~a~ du. Pa~, mais sans être subordonnée au com1te de district. Il en résultait que « certains raïkoms [comités de district du Parti] considéraient les sovkhozes comme des établissements étrangers et étranges n'ayant aucll:n. rapport. avec eux 20 >~. ~ien, q~e les raïkoms dirigent maintenant en prmc1pe 1 activité des organisations du Parti dans les sovkhozes, certains considèrent encore que les sovkhozes relèvent du ministère de l'Agriculture et non du district. Une étude de 1958 citait les autorités du Parti du territoire de Krasnodar qui se plaignaient que « certains secrétaires de raïkom pensaient à tort que les sovkhozes, en tant qu'entreprises d'Etat, pouvaient résoudre (...) leurs problèmes sans intervention spéciale des organes du Parti, et ne leur portaient donc qu'un intérêt superficiel » 21 • Un article de Moldavie soviétique du 7 avril 1961 cite le directeur d'un sovkh?ze, nouvellement formé avec des kolkhozes, qw se plaint de ne pas recevoir les approvisionnements nécessaires, « l'organisation du rayon nous adressant au trust des sovkhozes et autres organes de la République, lesquels [nous renvoient] au rayon ». Ainsi, une explication pos~ible de la pression locale en vue de la sovkhoz1sattonest que certains fonctionnaires croient se décharger par là d'une part de responsabilité quant au rendement économique des sovkhozes - ou du moins pou.. voir rejeter le blâme sur le ministère de l' Agri-- culture au cas où les objectifs du plan ne seraient pas atteints. 19. Ivan Vinnitchenko : ,< Le temps n'attend pas 11, in Octobre, n° II, nov. 1957, p. 220. 20. Gazette des sovkhozes, 3 avril 1935, p. 2. 21. F. E. Ermakov : Le Parti communiste dans la lutre pour augmenter la production des sovkhozes, 1953-56, m~moirc inédit pour l'obtention de la licence d'histoire, Institut p~dagogique de Moscou, 1958, p. 79. r r

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==