Le Contrat Social - anno V - n. 6 - nov.-dic. 1961

A. B. BALLARD . 1918 - habités par les kolkhoziens. Dans la région de Smolensk, 26 nouveaux sovkhozes formés de kolkhozes comprenaient un total de 890 hameaux et petits villages, alors que les sovkhoziens vivent tous dans cinq ou six grosses agglomérations 28 • Les grandes distances entre ces villages et le centre administratif ~u sovkhoze entravent l'organisation rationnelle de la maind'œuvre 29 • De plus, certains habitants des villages les plus éloignés continuent apparemment à se consacrer à leurs lopins individuels, ne s'occupant que pour la forme du travail qui leur est assigné par le sovkhoze 30 • On essaie actuellement de les installer dans des zones plus centrales. · Un ·moyen de détruire chez le paysan le sentiment d'identification avec son kolkhoze a consisté ._à augmentér progressivement l'étendue des divisions des nouveaux sovkhozes. Dans la région de Kalouga, 25 sovkhozes créés en 1954 et qui comptaient primitivement 1 o 1 divisions correspondant exactement aux kolkhozes incorporés, furent réorganisés en l'espace de trois ans en 57 divisions 31 • Cette mesure visait à la fois à organiser la main-d'œuvre de manière plus rat~onnelle~t à éliminer tout sentiment d'appartenance à un kolkhoze particulier pouvant subsister chez les paysans. AFINde ne pas pousser au ·noir le tableau de la sovkhozisation, il faut signaler quelques-uns des avantages dont jouissent les kolkhoziens en devenant ouvriers agricoles.. Premièrement, ils bénéficient de la retraite d'Etat, avec effet rétroactif sur toutes les années, depuis 1939, pendant lesquelles ils ont travaillé au kolkhoze ou dans d'autres entreprises (à l'exclusion des années où ils n'ont pas fourni le minimum de journées de travail) 32 • Certains sovkhoziens de fraîche date ont un revenu total plus élevé qu'au kolkhoze. Dans la région de Kalouga, les membres de 76 kolkhozes avaient en 1954 un revenu moyen de 56 roubles par mois en espèces et en nature (lopins individuels non compris); en 1958, sur les mêmes terres réorganisées en 16 sovkhozes, le gain était en moyenne de 427 roubles par mois 33 • 28. Kitabova, p. 135. 29. Pour un essor puissant de l'agriculture au Kazakhstan, ministère de !'Agriculture du Kazakhstan, 1958, p. 104. 30. Kitabova, pp. 156-57. 31. Ibid., p. 154. 32. Ibid., p. 60. 33. Ibid., p. 200. Les statistiques manquent quant à 26 autres kolkhozes convertis dans la région. Kitabova souligne ailleurs que, contrairement aux paysans, les conducteurs de tracteurs et de moissonneuses-batteuses transférés des M.T.S. aus sovkhozes ont vu leurs salaires baisser, d'où un mouvement de main-d'œuvre considérable et, parfois, un manque de bras (p. 147). Suivant une autre source, certains paysans se sont plaints d'une baisse des revenus provenant de leurs lopins individuels en raison de l'accroissement du travail collectif exig~ dans les 10vkhozes; on ignore dans quelle mesure ce facteur a pu Biblioteca Gino Bianco 351 ·Mais même ce chiffre exceptionnel est bien ituérieur au salaire moyen d'un ouvrier industriel ; le bas niveau des salaires agricoles explique dans une large mesure pourquoi on ne se hâte pas· de r~duire les lopins individuels des anciens kolkhoziens. Il n'est pas exclu que certains kolkhozes souhaitent la fusion, notamment dans les cas où un bon sovkhoze est entouré de kolkhozes moyens ou pauvres. Les travailleurs du sovkhoze Kouban, un des meilleurs de l'Union, nous ont dit qu'un kolkhoze voisin demandait depuis des mois à fusionner avec eux, afin de bénéficier . de leur haut niveau de vie. Bien sûr, les gens du Kouban n'étaient guère enthousiasmés à l'idée de devoir partager leur prospérité avec les voisins. Accélération et retardement UN DES _PRINCIPAUfaXcteurs d'accélération de la campagne de transformation des kolkhozes en sovkhozes a été la croyance que les grains de ces derniers · reviennent meilleur marché. Suivant un article paru dans un numéro récent de Questions. d'économique~ la main-d'œuvre employée pour la production de grain était quatre fois supérieure, en unités homme-journée, dans les kolkhozes. que dans les sovkhozes. Suivant une autre source, les sovkhozes emploient pour une superficie donnée moitié moins de main-d'œuvre que les kolkhozes 34 • Ce qui explique dans. une certaine mesure la création de sovkhozes autour des centres urbains, l'appât de salaires plus élevés attirant nombre de jeunes paysans dans les villes et réduisant fortement le nombre de kolkhoziens aptes au travail. Les professeurs de l'Académie Timiriazev sont tous convaincus que la maind'œuvre rurale demeurée dans ces régions pourrait être mi~ux employée -par les sovkhozes que par les kolkhozes. Il n'existe malheureusement pas de statistiques qui permettent de comparer directement le rendement des kolkhozes et celui des sovkhozes auxquels ils ont été réunis. Il est difficile d'apprécier le rôle joué par •l·'idéologie dans les récentes campagnes de sov- .khozîsation. Suivant un article du Kommunist, mensuel théorique du Parti, certains membres du P.C. préconisent activement le « passage de l'artel agricole [kolkhoze] au sovkhoze, ce qui( ...) répondrait mieux aux tâches de l'édification corn- . .. affecter Pensemble des revenus des paysans. Cf. I. Vinnitchenko : • Réflexions sur le communisme », in la Jeune Garde, Moscou 1959. 34. Le premier calcul ne tient pas compte du maïs : cf. G. Kotov, Questions d'üonomique, n° 2, fév. 1961, p. 31. Le deuxième est emprunté à Rochine, op. cit., p. 177. V. Semionov, in Finances de l'U.R.S.S., n° 3, mars 1961, a suggu~ que le bon marché des grains sovkhoziens est peut-~tre exagér~ ; il attribue le fait que • deux tiers des sovkhozes ont terminé 1959 et 1960 avec de grandes pertes » aux prix artificiellement bas payés par l'Etat pour la production des sovkhozes et note que certains de ces prix ont été augment& à panir du 1er janvier 1961.

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