E. DEL/MARS plaît pas du tout et motive sa conviction en narrant sa propre expérience : Je suis membre du Komsomol depuis 1955. Quand j'allais encore à l'école, j'étais pleine d'énergie, je m'intéressais à l'activité sociale. Mais quand j'ai commencé à travailler et à étudier en même temps à l'Institut, tout cela disparut et une indifférence complète s'empara de moi. Car pendant tout ce temps je n'ai pas vu une seule action vraie accomplie par le komsomol ; je n'y ai jamais rencontré quelqu'un qui se souciât réellement du travail de cette Union. Rien que des réunions, rien que l'énumération des tâches à accomplir, rien que des formulaires à remplir. Vous allez me dire : << Mais les exploits de tous les jeunes komsomols qui travaillent dans les grands chantiers en cours ou sur les terres vierges ? » Il se peut que ces exploits existent vraiment, mais comment puis-je les connaître ? Je juge d'après ce que je vois moi-même. Je n'ai que dix-neuf ans, mais il y a chez moi tellement d'apathie et d'indifférence pour tout ce qui m'entoure ... Cela peut vous paraître paradoxal, mais la vie en réalité n'est pas très intéressante. Ce n'est pas seulement mon opinion personnelle, mais aussi celle de gens qui m'entourent ... Chez les jeunes, il n'y a pas de but dans la vie. Chacun vit au jour le jour ... On sent dans leur comportement un manque de discipline et l'absence de culture ... C'est compréhensible car les jeunes ne savent souvent pas quoi faire d'eux-mêmes. Dans notre faubourg, il n'y a qu'un seul cinéma... Même le 3 r décembre il n'y avait pas de soirée ... Si un samedi soir on stationne devant la Maison de la culture dans l'espoir de voir un film, on vous aborde aussitôt : « Mademoiselle, voudriez-vous venir avec nous célébrer l'anniversaire d'un ami ? » Il n'est pas difficile d'imaginer de quelle espèce de célébration il s'agit. Mais pour les jeunes filles qui n'en sont qu'à leurs débuts dans l'existence, tout est intéressant. C'est ainsi qu'en fait de cinéma, elles se retrouvent au beau milieu d'une bande « chaude ». C'est là que tout commence : l'indifférence, le pessimisme, la méfiance. Qu'il est terrible de perdre toute confiance dans ses semblables ... Auparavant, quand je connaissais encore trop peu la vie, j'avais un but: je voulais apprendre. J'ai obtenu le diplôme de l'école secondaire et j'étudie maintenant à l'Institut. Mais à présent tous mes beaux rêves « purs » ont fait place à un seul désir - l'argent. L'argent, c'est tout : le luxe et le confort, l'amour et le bonheur. Avec de l'argent, vous avez amis et copains, tout ce que vous pouvez désirer. Vous condamnez ceux qui ne travaillent pas, qui ne font rien. Au contraire, ils sont à envier car ils jouissent de la vie. On ne vit qu'une fois. Je ne sais pas encore comment j'arriverai à réaliser mon désir, mais presque chaque jeune fille espère faire un beau mariage qui lui apportera de l'argent ... Pour l'instant, l'essentiel pour moi est d'obtenir le diplôme de l'Institut ... Je vous ai écrit tout ce que je pense. Naturellement, ma lettre ne sera pas publiée. Néanmoins, je serais heureuse si vous pouviez me convaincre que ma conception de la vie est fausse ... J'aimerais croire que j'ai tort ... Ce document humain résume si nettement les résultats désolants du premier contact des jeunes soviétiques avec la réalité ambiante et le mauvais travail du Komsomol qu'on se demande si son auteur n'est pas tout simplement un rédacteur iblioteca Gino Bianco 345 intelligent de la Komsomolskaïa Pravda ayant condensé ses propres observations. La publication de cette lettre est trop visiblement destinée à provoquer parmi les jeunes une discussion qui doit leur prouver que tout n'est pas aussi pourri au pays des soviets. Et en effet, elle suscita plusieurs réponses fort « encourageantes » de la part de jeunes, qui furent publiées par le même journal. Pour compléter son enquête sur les jeunes, l'institut d'opinion publique avait posé, au sujet de ces derniers, à peu près les mêmes questions à plusieurs personnalités soviétiques des générations antérieures. Les réponses confirment pour l'essentiel les aveux des jeunes eux-mêmes. * )f )f CETTE DOCUMENTATION nouvelle mérite une analyse plus détaillée, mais dès à présent il est possible d'affirmer que la prétendue « inexistence du problème de la jeunesse en U.R.S.S.» n'est qu'un nouveau bluff. Les quarante et quelques années d'efforts pour former l' « homme soviétique », parangon de toutes vertus communistes, ont abouti dans le climat étouffant du régime à un échec. La jeunesse soviétique a les mêmes qualités positives que l'ancienne jeunesse russe et souffre des mêmes maux et malaises que la jeunesse occidentale d'après guerre. Si d'une part, le régime, du fait de la guerre, de la victoire et des succès techniques des savants russes, a réussi à exalter le patriotisme, d'autre part, les difficultés économiques ont contribué à développer l'esprit de décision, le courage, la persévérance et autres qualités morales propres à toute ieunesse, celle des peuples de !'U.R.S.S. y comprise. Au demeurant, c'est le Parti, sa politique de douche écossaise, ses mises en accusation de chefs hier encore portés aux nues et infaillibles, son acceptation de l'inégalité sociale, et surtout son effort incessant pour extirper de la nature humaine les penchants séculaires les plus naturels - c'est le Parti qui doit être tenu pour responsable de la propension de toute une partie de la jeunesse soviétique à adopter une « attitude indifférente » ou « philistine » devant la vie, dont les conséquences vont jusqu'à provoquer la mobilisation de centaines de milliers de « volontaires » pour les patrouilles de nuit du maintien de l'ordre. Avant Octobre, pareilles tares étaient l'apanage de la « jeunesse dorée ». Faut-il porter au crédit du pouvoir communiste de les avoir répandues jusqu'au fin fond de la province soviétique? E. DELIMARS. ,
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