LE COMMUNISME ET LES NATIONALITÉS par Michel Collinet DÈS SA FONDATION, la social-démocratie russe eut à déterminer son attitude devant les problèmes posés par l'existence de nombreuses minorités nationales dans l'Empire des tsars. La révolution contre le régime tsariste impliquait celle des peuples allogènes contre le centralisme grand-russien. Aussi la question du droit des peuples à ce que l'on a nommé depuis leur « autodétermination » fut-elle abordée dans les premiers congrès de la social-démocratie. Les socialistes polonais étaient déjà divisés sur la revendication de l'indépendance nationale. Le parti socialiste polonais de Pilsudski et Daczinski orientait sa lutte vers l'indépendance ; le parti social-démocrate de Rosa Luxembourg subordonnait la sienne à l'alliance avec la socialdémocratie russe. Avant 1917, bolchéviks et menchéviks s'accordaient pour affirmer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,, mais ils n'entendaient pas que ce droit fût systématiquement appliqué aux organisations régionales de la social-démocratie. Bien que favorables les uns et les autres à une structure centralisée du Parti, ils différaient d' opinion sur la nature de cette centralisation. Les menchéviks laissaient aux sections locales et aux adhérents eux-mêmes certaine liberté d'action; les bolchéviks, au contraire, préconisaient un parti de révolutionnaires professionnels étroitement soumis à une direction omnipotente et dépourvus dans la pratique de toute liberté de décision. Hors ces deux fractions, le Bund, parti ouvrier juif, se donnait une structure fédéraliste. Au lieu d'une forme d'indépendance P.olitique fondée sur un territoire bien délimité, tl préconisait pour les minorités une autonomie culturelle de groupes ethniques sans rapport avec un territoire national quelconque, mais disposant d'une Biblioteca Gino Bianco représentation parlementaire adéquate. Il prétendait adapter à l'Empire russe ces idées, inspirées de celles que la social-démocratie autrichienne avait exprimées à son congrès de Brünn en 1899, et qui se justifiaient par l'extrême dissémination des éléments allogènes dans l'Empire austro-hongrois. Sa structure fédéraliste, son caractère semi-idéologique, semi-syndical, son esprit communautaire ne permettaient pas au socialisme juif de fusionner avec la socialdémocratie marxiste ; il participa seulement à des congrès communs. La centralisation bureaucratique du parti de Lénine ne pouvait que limiter son influence chez les peuples allogènes. Au Congrès socialiste de Londres (1907), on comptait 105 bolchéviks, 97 menchéviks, 57 bundistes, 73 socialistes de Pologne, Lituanie et Lettonie. L'écrasante majorité (87 %) des bolchéviks était formée de Russes; au contraire, les menchéviks n'en comptaient que 23 %-Après la prise du pouvoir, le parti communiste resta en majorité composé de Grands-Russiens : en 1922, ils étaient 72 °/4 et les Ukrainiens 6 %, alors qu'un habitant sur cinq du territoire des Républiques soviétiques (l'U.R.S.S. ne fut officiellement constituée qu'en 1923) était ukrainien. Dans la suite, la prédominance russe dans le P.C. de l'Union soviétique ne se démentit pas, corollaire de la russification systématiquement entreprise par Staline. Les thèses de Lénine A LA CONFÉRENCE de Prague (1912), Lénine accomplissait la scission définitive de la socialdémocratie en rompant avec les menchéviks et les partis socialistes allogènes ; peu après, il faisait coopter par le Comité central celui qu'il
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