272 la Révolution, livre que Trotski qualifiait encore en 1932 d' « introduction scientifique à la plus grande révolution de l'histoire 20 , devenu entretemps le best-seller de la littérature marxiste (179 éditions jusqu'en 1956, soit 6.399.000 exemplaires), on reste confondu devant le néant intellectuel sur lequel il est bâti. Lénine, qui faisait figure d'économiste sachant calculer le rapport entre la production industrielle et le marché international, croyait - ou feignait de croire - que la technologie moderne avait rendu possible la résurrection de la « démocratie primitive » (directe) des Iroquois de Morgan et d'Engels. Dans son imagination, le capitalisme moderne avait « réduit » les fonctions administratives, « à de si simples opérations d'enregistrement, d'inscription, de contrôle, qu'elles seront parfaitement à la portée de tous les hommes pourvus d'un minimum d'instruction » (p. 196). « Recensement et contrôle, voilà disait-il, l'essentiel, et pour l'organisation et pour le fonctionnement régulier de la société communiste dans sa première phase» (p. 245). 11 ne lui venait pas à l'esprit que l'Etat révolutionnaire allait planifier la quasi-totalité de la production et de la distribution, et cela dans un pays où une écrasante 20. Trotski : Histoire de la Révolution russe, Paris 1949, II, 434. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL majorité de paysans illettrés employaient encore la charrue de bois. Et trois fois plutôt qu'une il proclamera que... ... le recensement et le contrôle ont été simplifiés à l'extrême par le capitalisme qui les a réduits aux opérations les plus simples de surveillance, d'enregistrement et de délivrance de reçus correspondants - toutes choses à la portée de quiconque sait lire et écrire et connaît les quatre règles d'arithmétique (pp. 245-46 ; cf. aussi pp. 196, 201 et 225). Là aussi, seul le pouvoir pouvait le dégriser. « Une chose est certaine, disait-il en faisant le bilan de Cinq ans de révolutionrusse: il nous faut, avant tout, apprendre à lire, à écrire et à comprendre ce que nous avons lu» (p. 1003). Mais il était déjà tard, aussi bien pour l'irréalisable « démocratie primitive » que pour la démocratie tout court. Les yeux rivés sur la « démocratie primitive », parfaite et supraterrestre, aveuglés par l'utopie, habitués à mépriser les compromis humains, trop humains, de la démocratie terrestre, dressés à ne voir autour d'eux que ténèbres bourgeoises et « flottements petit-bourgeois », les disciples enrégimentés allaient prouver que le meilleur moyen d'aboutir, dans le temps le plus court, au despotisme i11imité,était de partir de la liberté absolue. KOSTAS PAPAIOANNOU. , ..
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