Le Contrat Social - anno V - n. 5 - set.-ott. 1961

K. PAPAIOANNOU de ne pas manquer l'occasion de rappeler et ... ... [d']expliquer aux masses que dans la plupart des révolutions bourgeoises du type ordinaire, cette réforme a été très éphémère, et que la bourgeoisie, même la plus démocratique et républicaine, a toujours rétabli la police du vieux type tsariste, séparée du peuple, commandée par des bourgeois et capable d'opprimer le peuple de toutes les manières. Cela fut écrit avant la prise du pouvoir. Personne ne pouvait imaginer alors de quelles « attributions politiques » la police léniniste allait être investie. Le seul problème qui préoccupât Lénine était d'« empêcher le rétablissement de la police» (p. 30). Pour cela, pas d'hésitation : Il n'est qu'un seul moyen : c'est de créer une milice populaire, fondue avec l'armée (armement général du peuple, à la place de l'armée permanente). Feront partie de cette milice tous les citoyens et citoyennes sans exception de 15 à 65 ans. Cette réforme « simple et allant de soi » fut encore plus éphémère que dans les révolutions bourgeoises. En un moment, la Tchéka récupéra les pouvoirs les plus exorbitants de la police du Second Empire et du tsarisme, et de plus en créa d'autres, que ni Marx, ni Lénine, ni aucun des « falsificateurs du marxisme» n'auraient pu prévoir. Les sages affirment que la quantité se change en qualité. Le cas de Staline illustre cette loi « dialectique » de manière probante. En effet, entre les 20.000 victimes du marquis de Galliffet et les quelque 10 millions de prétendus « koulaks » déportés et massacrés par Staline, il y a une différence de qualité plutôt que de quantité. Et le pouvoir policier, « séparé du peuple, capable d'opprimer le peuple », change de nature suivant qu'il s'agit de celui de Collet-Meygret, directeur de la Sûreté nationale sous le second Bonaparte, ou de celui qui a permis à Staline de résoudre la « question des nationalités » en déportant en 1944-45 la population d'un certain nombre de « républiques socialistes autonomes », y compris, selon Khrouchtchev, « les femmes, les enfants et les vieillards avec tous les membres du Parti et du komsomol, sans exception ». Finalement, le régime qui avait promis d'abolir la police, a transformé la police en un des plus grands entrepreneurs du monde. Suivant les calculs de Naoum Iasny, basés sur un document officiel soviétique intitulé « Plan d'Etat du développement de l'économie nationale de !'U.R.S.S. pour 1941 », la part du N.K.V.D. dans le total des investissement projetés pour 1941 s'élevait à 12 % environ 10 • Car, outre ses « attributs politiques » ordinaires et extraordinaires, la police a un rôle de premier plan dans la vie économique et manifeste sa toute-puissance au cœur même 10. Cf. N. Iasny : • Labor and Output in Soviet Concentration Camps ,., in Journal of Political Economy, LIX, n° S (1951). Biblioteca Gino Bianco 267 des « rapports de production». Toute usine importante a sa section spéciale, dirigée par un fonctionnaire de la police indépendant ~e l'administration de l'usine et relevant directement de ses supérieurs hiérarchiques, et, co~e _ledit si bien un éminent « théoricien » du « socialisme » soviétique, la terreur policière est devenue un moyen de choix « de faire réaliser le plan à bon h , 11 Car marc e » . ... ... la menace de déportation permet de faire réaliser le plan aux travailleurs et aux paysans libres, en les contraignant à remplir eux-mêmes les normes les plus élevées, (tandis que la déportation proprement dite] est devenue un moyen de réaliser le plan en envoyant des hommes et des femmes travailler dans des conditions qu'aucun être humain ne voudrait librement accepter. Ce n'est assurément pas à ces « mesures psych~- physiques d'exécution du plan» que songerut Lénine lorsqu'il exigeait qu'il fût mis fin . au « parlementarisme vénal et pourri ~e l,a so~i~té bourgeoise » (p. 200 ). Dans son esprit, 1abolition de l'armée et de la police n'était qu'une préparation à la dictature du prolétariat. Celle-ci ne prendrait son plein sens que par l'abolition de la bureaucratie. L'abolition de la bureaucratie « Nous ne sommes pas des utopistes», clame Lénine: Nous ne rêvons pas de nous passer d'emblée de toute administration, de toute subordination (p. 201). Il ne saurait être question de supprimer d'emblée partout et complètement la bureaucratie. C'est une utopie. Mais briser d'emblée la vieille machine administrative pour commencer sans délai à en construire une nouvelle, qui permettrait de supprimer graduellement toute bureaucratie, cela n'est pas une utopie, c'est l'expérience de la Commune, c'est la tâche directe, immédiate, du prolétariat révolutionnaire (pp. 200-201). L'éligibilité et la révocabilité complètes de tous les fonctionnaires sans exception étaient les mesures « simples et allant de soi » qui permettraient au prolétariat de substituer à la démocratie « tronquée, châtrée » du parlementarisme des « institutions où la liberté d'opinion et de discussion ne dégénère pas en duperie». Il s'agissait de dépasser le parlementarisme, non en supprimant les institutions représentatives (« nous ne pouvons imaginer une démocratie sans institutions représentatives »), mais en donnant à celles-ci le maximum d'efficience et de pouvoir, et tout d'abord en supprimant, à l'instar de la Commune, la séparation du travail législatif et exécutif et en transformant toutes les affaires communes de la société en objets du suffrage universel I I. Charles Bettelheim 1945, p. 167. La Planification sovaëtique,

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