B. SOUV ARINE ment le contre-pied, ce qu'il appelle réaliser son programme. Vient ensuite une série d'exigences relatives à la protection des salariés, à l'assurance sociale : il suffira de reproduire le document en entier pour prouver qu'elles sont restées lettre morte. Enfin le programme déclare que « les transformations politiques et sociales ci-dessus mentionnées ne pourront être réalisées de façon conséquente et durable que par le renversement de l'autocratie et la convocation d'une Assemblée constituante librement élue par le peuple entier »: on sait comment les bolchéviks ont traité la Constituante, dissoute par la force après sa première séance, ce qui donne assez la mesure du cynisme inouï de la formule : « Le premier programme du Parti était réalisé.» LÉNINE ET BOUKHARINE sont les auteurs du programme communiste adopté au Congrès de 1919, commenté et popularisé dans une brochure de Boukharine à grand tirage (Le Programme des communistes, Moscou 1919), puis dans L'A.B.C. du Communisme, écrit la même année par Boukharine et Préobrajenski (deux noms rayés de l'histoire du Parti, et de son programme, par Staline et ses épigones). La première partie réitère les généralités théoriques du programme de 1903 en les actualisant et incorpore les thèses de Lénine sur l'impérialisme comme «stade suprême » du capitalisme, en y mêlant des assertions déclamatoires sur la dictature du prolétariat, de la polémique contre le socialisme réformiste, pour proclamer vers la fin que « le seul guide du prolétariat dans sa lutte pour l'émancipation est la nouvelle, la IIIe Internationale communiste » (supprimée d'un trait de plume en 1943 par Staline, qui a donc privé le prolétariat de son seul guide). Analyser ces considérations reviendrait à entreprendre toute une étude critique du «marxisme-léninisme»; aborder la deuxième partie, celle des promesses pratiques ou «concrètes », équivaudrait à passer en revue toute l'histoire du régime soviétique ; on se bornera donc à citer encore ici le préambule du « projet » de Khrouchtchev : En adoptant le deuxième programme au VIIIe Congrès de 1919, le Parti fixa pour tâche la construction de la société socialiste. Avançant par des chenùns inexplorés, aux prises avec les difficultés et les privations, le peuple soviétique mit en œuvre, sous la direction du parti communiste, le plan de construction du socialisme dressé par Lénine. Le socialisme triomphait en Union sooiétique, entièrement et définitivement. Le deuxième programme du Parti était également réalisé. Les maîtres du pouvoir communiste spéculent avec audace sur l'oubli et la crédulité du public en parlant d'avoir « réalisé» un programme qui affirmait d'emblée que «l'ère de la révolution prolétarienne communiste a vraiment commencé dans le monde entier » et qui dénonçait, parmi les « nouvelles formes d'associations internationales de capitalistes », la Société des Nations à laquelle Biblioteca Gino Bianco 189 l'Union soviétique finit par donner son adhésion. Mais avant de s'incliner devant le « triomphe » du socialisme, il importe de rappeler les points principaux du véritable programme que Lénine et Trotski firent valoir, dans leurs discours et leurs écrits, pour s'emparer du pouvoir en Octobre. Dès ses fameuses « thèses d'avril» (1917), Lénine soutient que les Soviets « sont la seule forme possible de gouvernement révolutionnaire », ce qui ne l'empêchera pas de reconnaître au Congrès de 1919 : « Ce ne sont même pas les bolchéviks qui ont élaboré la constitution des Soviets, mais les menchéviks et les socialistesrévolutionnaires... » (entre-temps, les vrais Soviets avaient cessé d'exister, faisant place à des comités nommés par le parti unique). Il propose la suppression de la police, de l'armée, du corps des fonctionnaires, ceux-ci devenant éligibles et payës au salaire moyen d'un bon ouvrier. Il souhaite « la convocation la plus prompte » de l'Assemblée constituante. Il veut un Etat comme celui « dont la Commune de Paris a été la préfiguration » et l'exemple obsessionnel de la Commune réapparaîtra dans la plupart de ses articles et brochures jusqu'au coup d'Etat. Il prétend que le pouvoir des Soviets serait « du même type » que la Commune, la police et l'armée étant remplacées par le peuple en armes, les fonctionnaires par des mandataires élus, ouvriers d'une « arme spéciale » rétribués comme ceux des ateliers. Il prêche l'hégémonie du prolétariat et des paysans pauvres en Russie, « le pays le plus petit-bourgeois de l'Europe». Il préconise « la liberté absolue de se séparer de la Russie, pour toutes les nations et nationalités opprimées ». Chaque jour, pour ainsi dire, il répète ses propositions et mots d'ordre en faveur de la Constituante, du pouvoir des Soviets sans police, sans armée ni bureaucratie professionnelles : ce sont les traits essentiels de sa «plate-forme», synonyme de programme. « Le développement pacifique de la révolution est possible et vraisemblable si tout le pouvoir est transmis aux Soviets. Au sein des Soviets, la lutte des partis pour le pouvoir peut se dérouler pacifiquement si la démocratie soviétique est totale», lit-on dans un article de fin septembre. Moins d'un mois avant Octobre, il confirme : « Les Soviets ayant pris la plénitude du pouvoir pourraient maintenant encore - et c'est leur dernière chance - assurer le développement pacifique de la révolution, l'élection pacifique de ses députés par le peuple, la lutte ~acifique des partis au sein des Soviets, la mise à 1épreuve, dans la pratique, du pro~amme des différents partis, la transmission pacifique du pouvoir d'un parti à un autre. » Il se disculpe du reproche de blanquisme en répudiant le pouvoir d'une minorité, comme de l'accusation d'anarchisme en reconnaissant la nécessité transitoire d'un Etat « du o/J)C de la Commune de Paris » préparant le dépérissement et la disparition de l'Etat. Il se prononce ,
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