188 1917 » eut lieu non pas une « révolution prolétarienne », mais la prise du pouvoir par le Comité militaire révolutionnaire du Soviet de Pétrograd, ce qu'atteste toute la documentation antérieure aux falsifications de Staline et de ses disciples. En 1927 encore, la « Chronique des événements» à la fin du livre : Dix ans de politique extérieure de l' U.R.S.S., par M. Tanine (Ed. d'Etat, Moscou 1927), commence ainsi : « Novembre, 7. Révolution d'Octobre (prise du pouvoir par le Comité militaire révolutionnaire du P.S.D.O.R. (bolchéviks) à. Pétrograd). » Quant à savoir si « un pays du socialisme était né» et si « le premier programme du Parti était réalisé », c'est ce qui reste à examiner, les affirmations tranchantes ne tenant pas lieu de preuves. LE PROGRAMME social-démocrate de 1903 expose d'abord, en la résumant, la théorie économicosociale commune à la « social-démocratie internationale » et dite cc marxiste » au sens où K. Marx s'est plusieurs fois défendu d'être marxiste. On y retrouve les vues et notions héritées du socialisme français, de l'économie politique anglaise et des idées révolutionnaires européennes du XIXe siècle par les auteurs du Manifeste communiste de 1848 qui, cependant, n'en sont pas restés là. Il n'y a aucun mérite à constater en 1961 que l'évolution du monde industriel au cours d'un siècle n'a pas confirmé sur bien des points la doctrine élaborée par la première génération des marxistes, encore que tout ne soit pas erroné dans leurs perspectives schématiques. On a presque tout dit sur la concentration du capital, l'extinction des classes moyennes, la paupérisation des travailleurs, la périodicité des crises, les effets de la concurrence, l'inégalité sociale croissante, l'accentuation de la lutte des classes et la mission historique du prolétariat, concepts auxquels tant de faits et d'expérience apportent les correctifs nécessaires. Passant outre à cette paraphrase peu originale du marxisme, il faut s'arrêter au passage qui distingue ce programme de tous les autres dans la « socialdémocratie internationale», celui qui préconise la dictature du prolétariat : La condition nécessaire de cette révolution sociale est la dictature du prolétariat, c'est-à-dire la conquête par le prolétariat d'un pouvoir politique qui lui permette d'écraser toute résistance des exploiteurs. Les communistes actuels se vantent d'avoir . « réalisé » ce concept épisodique et nébuleux emprunté par Marx et Engels à Blanqui, mais ils commettent sciemment un vulgaire abus àe langage et une imposture multiple, car leur absolutisme n'a rien de commun avec ce que les << grands ancêtres » entendaient par dictature du prolétariat au XIXe siècle. Outre que le pouvoir d'un parti n'est pas celui du prolétariat, et qu'encore moins ne peut l'être le pouvoir à'une « oligarchie», selon la juste expression de Lénine désignant le noyau dirigeant du Parti, les bolchéviks en ont usé et abusé non seulement pour Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL écraser la résistance ou la non-résistance des exploiteurs, mais pour écraser cruellement les exploités, sacrifier par millions les prolétaires des villes et des campagnes, terroriser sans pitié les populations sans défense, et ils perpétuent leur pouvoir écrasant tout en se flattant depuis longtemps d'avoir supprimé les exploiteurs. Ni Blanqui ni Marx et Engels n'envisageaient la dictature du prolétariat, dont il se faisaient d'ailleurs une idée très vague, comme le pouvoir autocratique sans frein et sans limite d'une oligarchie s'imposant indéfiniment au prolétariat par une garde partisane, puis par une monstrueuse police secrète et par la terreur érigée en système. Les expédients et les improvisations de la guerre civile sont une chose, la systématisation de la violence en est une autre. « Regardez la Commune de Paris. Voilà la dictature du prolétariat», " écrivait Engels en 1891 dans son Introduction aux trois « Adresses » de la première Internationale sur la guerre franco-allemande et la révolution du 18 Mars. Il faut une grande ignorance ou une extrême effronterie pour voir dans le régime « monolithique » de Lénine parachevé sous Staline une répétition, revue et élargie, de la Commune parisienne, aventure instamment déconseillée par Marx avant d'être tentée par des jacobins, des bakounistes, des proudhoniens et des blanquistes. Le revirement de Marx après la défaite des Communards, inspiré d'un sentiment passionné de solidarité envers les travailleurs vaincus, n'infirme nullement ses critiques antérieures formulées de sang-froid. Dans son adresse sur La Guerre civile en France, il a fait œuvre d'apologiste, de militant, de « pamphlétaire» comme l'a remarqué Charles Longuet, son traducteur et préfacier, non de théoricien du socialisme soi-disant « scientifique ». Pourtant la lecture attentive de ces « pages enflammées», écrites en quelques heures à Londres et en l'absence d'informations sûres, laisse assez voir . en la Commune, élue au suffrage universel, une antithèse de la dictature soviétique sur le prolétariat, fondée sur l'abolition de tout suffrage et sur une cooptation oligarchique. Après. des généralités classiques dans la socialdémocratie de l'époque (lutte des classes, révolution sociale, mission historique du prolétariat, etc.), le programme de 1903 en vient aux conditions particulières à la Russie et préconise entre autres, après le renversement de l'autocratie tsariste, l'instauration d'une république démocratique, le suffrage universel, une Assemblée législative à chambre unique, de larges autonomies loéales, l'inviolabilité des personnes et du domicile, la liberté illimitée de conscience, de parole, de presse, de réunion, de grève et d'association, la liberté de mouvement, l'égalité des citoyens sans distinction de race et de nationalité, le droit des allogènes à disposer d'eux-mêmes, l'abolition de l'armée permanente, etc., revendications donf le parti communiste a pris exacte-
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