Le Contrat Social - anno IV - n. 3 - maggio 1960

QUELQUES LJVRHS d'hui étaient déjà en place avant I 949. Boyd Orr a sans doute bien fait d'intituler son témoignage What's Happening in China? avec un point d'interrogation : ce dernier demeure une fois qu'on a refermé le livre. L'ouvrage de Boyd Orr a cependant le mérite de démontrer l'efficacité d'un voyage organisé en Chine pour créer l'impression favorable recherchée. De même, les voyageurs d'antan rapportaient souvent de la Chine confucéenne des récits enthousiastes, sans avoir vu nombre d'aspects déplaisants du despotisme en vigueur. Les quatre livres en question soulignent l'énorme. énergie humaine domestiquée par les commu- ~stes et l~s prodigieux changements qui ont heu en Chine. La persuasion organisée répète aux masses que l'industrie moderne, les avions à réaction et autres merveilles techniques sont impossibles sans le marxisme-léninisme. Les C!)mmunistes chinois mettent encore plus d'insistance que leurs grands frères soviétiques à identifier le progrès avec le «socialisme». Ainsi du Quotidien du peuple qui, saluant la troisième fusée cosmique soviétique, affirmait dans son éditorial du 12 octobre 1959 : «Cela démontre une fois de plus la supériorité du système socialiste. » Cette identification fait que les visiteurs étrangers ainsi que de nombreux autochtones ont tendance à croire que l'enthousiasme des étudiants, des ingénieurs, des savants et autres pour leur travail est la preuve qu'ils soutiennent le régime. Rappelons à cet égardque l'enthousiasme des spécialistes allemands des fusées n'était pas nécessairement de l'enthousiasme pour Hitler, et que la création du V-2 n'était en aucune façon une démonstration de la supériorité du credo nazi. Les milliers de réfugiés qui continuent d'affluer à Hong-Kong et à Macao permettent de douter de l'étendue du soutien populaire dont jouit le régime de Mao. Malheureusement, aucun des auteurs dont il s'agit n'a profité des informations que peuvent fournir ces Chinois*. Voilà quatre livres qui ne sont guère réconfortants, ni pour les voisins asiatiques de la Chine, ni pour ceux qui s'attendent à un effondrement prochain du nouveau colosse totalitaire. Les auteurs s'accordent à estimer que Mao et son équipe sont solidement installés au pouvoir. Mais les observateurs de jadis en pensaient tout autant des régimes qu'ils étudiaient. Or les souverains mongols furent chassés de Chine peu de temps après que Pegolotti eut écrit la relation de son voyage. Quant aux jésuites qui vantaient la stabilité de la dynastie Ming, ils furent surpris par la soudaineté de la conquête des Mandchous en 1644, comme ils le seront de nouveau par les rébellions qui sonneront le • Cf. Suzanne Labin : La Condition humaine en Chine communiste, Paris 1959, dont il a été rendu compte dans le numéro de mars 1960 du Contrat social. (N.d,/.R.) Biblioteca Gino Bianco· ]83 déclin de leur puissance. Les événements vont beaucoup plus vite aujourd'hui et ce qui s'est passé en Chine depuis la parution de ces livres montre que tout ne va pas sans à-coups dans le pays où règne la «persuasion communiste». (Traduit de l'anglais) RICHARD L. WALKER. Un représentant de l'intelligentsia N. DoBR0LIOU!lOV: Textes philosophiqueschoisis. Moscou 1956, Editions en langues étrangères, 720 pp. (Paris, Librairie du Globe). NICOLASD0BR0LI0UB0V,1836-1861, cr1t1que littér~ire, esthéticien, poète satirique, publiciste et philosophe, lecteur de Rousseau et de Proudhon, disciple de Feuerbach, ami de Tchernychevski, n'est pas connu en France où aucun de ses écrits n'a été traduit. On ne peut que saluer la publication de ce recueil contenant des extraits substantiels de ses œuvres. Certes, la connaissance des conditions russes au milieu du x1xe siècle ainsi que de l'histoire intellectuelle de la Russie serait nécessaire à la pleine compréhension de ces textes où beaucoup d'implicite ne se laisse pas traduire, où de nombreux passages exigeraient trop de notes explicatives (il y a d'ailleurs 135 de ces notes). Cela est vrai aussi des autres anthologies parues en français aux mêmes Éditions de Moscou et qui font quelque peu connaître Herzen, Bielinski et Tchernychevski. Néanmoins l'utilité de telles publications est certaine. Il est vrai que les éditeurs prétendent imposer au lecteur de langue française des Introductions indigestes, style école stalinienne où s'accumulent les clichés, les lourdes formules toutes faites qui dénotent l'incapacité de penser par soi-même (seul l'article de Lénine sur Herzen diffère de cette morne prose). Mais on n'est pas obligé de lire ces leçons intempestives. Les communistes actuels ne manquent aucune occasion de se découvrir des ancêtres spirituels imaginaires, Dobrolioubov entre autres, et rien ne doit étonner de la part des « sans-scrupules conscients » qui ont annexé notamment Confucius et Jeanne d'Arc. Mais les populistes tenaient à bon droit pour un des leurs ce brillant écrivain et penseur, mort à vingt-cinq ans après avoir captivé ses contemporains par la variété de ses talents, la précocité de son savoir, et auquel les doctrinaires du «marxisme-léninisme» imputent d'ailleurs le péché d'idéalisme. Fils d'un prêtre, Dobrolioubov fut un représentant typique de l'intelligentsia russe de son temps, dans la lignée démocratique et révolutionnaire, étant entendu qu'il existait un autre courant, traditionnel et conservateur, non moins digne d'intérêt et de considération. Lui-même observait dans la vie sociale une lutte des contraires

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