Le Contrat Social - anno IV - n. 3 - maggio 1960

[,. "110ULJN que ce principe avait été mis à mal par les pronunciamientos et les dictatures des dernières années de la République. Quant aux techniques proprement dites, qu'en était-il advenu depuis des siècles qu'elles n'étaient plus utilisées ? D'où l'Église elle-même tenait-elle le principe de la délibération collective et celui de l'élection ? Des petites communautés juives de la Diaspora qui élisaient leurs chefs, comme nous le pensons ? De la tradition depuis longtemps perdue des cités grecques ou de Rome ? Des Esséniens ? En réalité, on l'ignore. Peut-être l'avait-elle retrouvé spontanément au cours de la lente élaboration de ses propres structures. On inclinera à le croire à voir le temps qu'elle mit, du vie au xn1e siècle, à définir la notion de majorité, qui nous paraît aujourd'hui si simple et si évidente. Si elle l'avait empruntée telle quelle à Rome, pourquoi aurait-elle fait le long détour de la majoret saniorpars, de la majorité qualitativement (et non quantitativement) qualifiée, qui ne devait la mener que bien tard à découvrir la dure loi du nombre ? Dans ce cas précis, il n'est pas question d'une influence de Rome, quelle qu'elle soit. L'idée vient de saint Benoît. Et sans doute en va-t-il de même des autres techniques électorales et délibératives : le vote des deux tiers, la notion de majorité relative, etc. Ici aussi, la coupure a sans doute été totale, ou peu s'en faut. Les influences germaniques, de leur côté, ont pu jouer en faveur du maintien, de la diffusion d'un certain état d'esprit d'assemblée, d'un certain recours du prince aux avis de ses conseillers. Il y a loin de ces rassemblements confus, imprégnés d'égalitarisme tribal, à l'organisation des réunions conciliaires ou des élections abbatiales de Cluny et de Cîteaux: c'est leur faire beaucoup d'honneur que de leur attribuer la paternité du parlementarisme anglais. Communes médiévales et ordres religieux QUANTAUX COMMUNES, elles ne possédèrent jamais, il s'en faut de beaucoup, un code électoral aussi minutieux, aussi parfait, que celui qu'élabora l'Église. L'eussent-elles eu, il n'en serait pas moins postérieur, et de plusieurs siècles, à celui qu'utilisèrent les ordres religieux. Ainsi se pose la question de ses origines : faut-il les rechercher dans la Rome des ne et 1ne siècles avant J .-C., ou dans l'Église alors partout présente? Que le code électoral de l'Église ait été infiniment plus développé que celui des premières communes, c'est un fait qui s'~xplique aisément. L'Église et les ordres ont été pendant des siècles les seules institutions à recourir systématiquement aux élections : élections des papes, des abbés, des évêques et même des curés. Pendant des siècles aussi elles ont connu les intrusions, les iblioteca Gino Bianco · 173 coup~ de force, les menaces des « groupes de pr~s.sion » de l'ép?que : féodaux, princes, évêques voisins, ordres rivaux, sans oublier Rome ellemême. Dès lors, quoi d'étonnant à ce que bien avant les communes, l'Église et les ordres' aient été en possession d'un instrument précis exigeant et minutieux, dû à l'expérience accu~ulée durant des siècles d'épreuves ? Citons quelques faits : , - Le~ premières tr~c~s d'un vote majoritaire n apparaissent dans 1histoire des communes qu'en_ I ~43, à Gênes ;_d~ns l'histoire de l'Église, le principe de la maJorlté se manifeste dès les 1ne et ive siècles, peut-être avant. - Le vote des deux tiers remonte, dans l'histoire de l'Église, au ve siècle, et il a été solennellement affirmé en. 1179, pour les élections pontificales; on ne voit pas les communes l'utiliser avant les x1e-xne siècles. - Le scrutin secret fait son apparition à Bologne en 1271 ; dès 1179 dans les milieux ecclésiastiques. - Le sys!ème du << compromis » - forme d'élection par délégation à quelques électeurs élus à cet effet par l'assemblée et pourvus du droit d'élire - date du ve siècle dans l'histoire de _l'Église; on ne trouve pas trace de son application par les communes avant 1229 (à Vercelli). - L'élection à plusieurs degrés existe déjà au ~e siècle dans les ordres ; elle apparaît à Venise, sous une forme d'ailleurs très élaborée, au xn1e siècle seulement. - En ce qui concerne le système des tours ~e scr~tin? ~ous la for~e de l'.accessio qui permet a_1~minonte de se rallier ~ubhquement à la majorlte, ou sous la forme classique que nous connaissons et qui est la suite logique du système de la majorité absolue, celui-ci est très ancien dans l'Église ; dans le monde civil, il est beaucoup plus récent, et surtout beaucoup plus rare. On dira, non sans raison, que rien ne prouve que ces techniques aient été utilisées pour la première fois à la date où il en est fait pour la première fois mention. Il est vrai que, la plupart du temps, les chroniqueurs et même les rédacteurs des statuti communaux nous parlent des modes d'élection fort distraitement, au hasard d'un ~I?,cidentde- procédure, et le plus souvent en utilisant quelque formule stéréotypée. Mais qui ne voit que l'argument vaut tout autant, sinon plus, pour l'Église et pour les ordres ? On dira encore que l'argument : « Post hoc, propter ~oc » est contestable. Cela ne fait pas de doute. Si fortes que fussent les preuves de l'influence que l'Église et les ordres ont exercée sur l'organisation des communes médiévales en Italie - « relations étrangères », enseignement, perception des impôts, organisation des archives, vérification des poids et mesures, garde des clefs ou du sceau communal, tenue du cadastre, parfois même direction des travaux publics et

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