Le Contrat Social - anno IV - n. 3 - maggio 1960

Débats et .recherches ORIGINES DES TECHNIQ!IES ÉLECTORALES D 'ou VIENNENT les techniques électorales et délibératives : tour de scrutin, vote des deux tiers, majorité relative, scrutin secret, etc., qui nous sont aujourd'hui si familières ? La plupart des historiens semblent penser que nous les devons aux cités grecques ou à Rome; certains invoqueraient plutôt l'exemple des communes italiennes; d'autres, les États généraux de 1614 ou de 1789, ou encore le parlementarisme anglais. Mais le code électoral de 1789 lui-même, d'où vient-il ? Et les pratiques parlementaires britanniques ? Et les techniques électorales ou délibératives des communes ? A vrai dire, sur cette question très particulière, mis à part le fort bon travail de M. Jacques Cadart 1 , les études sont rares 2 • On parle beaucoup de démocratie, de liberté, de chartes et de privilèges, mais on néglige le plus souvent tout l'appareil formel qui en garantit le fonctionnement et l'authenticité 3 ; et plus encore, la question de ses origines. Le monde moderne ne doit ses techniques électorales et délibératives ni à Rome, ni à Athènes, ni aux communes, mais à l'Église et aux ordres religieux 4 • « Rome n'a jamais connu 1. Le Régime électoral des États généraux de / 789 et ses origines (1302-1614), Paris 1952. 2. Les articles « Ballot », « Majority », « Suffrage », etc., de r Bncyclopaedia of Social Sciences sont à cet égard très faibles. Cf. Ch. Seymour et D. P. Frary : How the World votes, 2 vol., Springfield., Mass., 1918. 3. G. Lachapelle : Les Régimes électoraux, Paris 1934. M. Duverger : L' Influence des systèmes électoraux sur la vie politique, avec la collaboration de Fr. Goguel, J. Cadart, etc. Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris 1950. Y. Lévy : Le Problème des modes de scrutin et le fonctionnement de la démocratie. Réflexions sur les théories de Maurice Duverger, Paris 1956. Biblioteca Gino Bianco le vote individuel, direct et égalitaire 5 • » La Grèce a surtout pratiqué le tirage au sort par la fève, jugé plus démocratique. Socrate y voyait une aberration, mais c'était un mauvais esprit 6 ••• On votait aussi à main levée, rarement au scrutin secret. Dans l'ensemble, les techniques de délibération en usage dans l'antiquité restèrent toujours imprécises et rudimentaires 7 ; en tout cas, peu démocratiques, au sens actuel, égalitaire et arithmétique, du terme. Au demeurant, élaborées ou non, il ne paraît pas qu'elles aient jamais été transmises à l'Occident médiéval, ni directement, ni indirectement. Aucune trace de transmission d'une technique électorale quelconque de la Rome impériale aux premières communes n'a pu être découverte. La coupure semble avoir été totale. Le fait n'a en soi rien d'étonnant. En réalité, à l'époque où l'Église affirme le grand principe de toute démocratie : « Qui praefuturus est omnibus, ab omnibus eligatur >?, soit au ve siècle 8 , il y avait beau temps 4. Cf. L. Moulin : « Les origines religieuses des techniques électorales et délibératives modernes », in Revue internationale d'histoire politique et constitutionnelle, avril-juin 1953, pp. 106-148; L. Moulin : « Sanior et major pars. Note sur l'évolution des techniques électorales et délibératives dans les ordres religieux du vie au xiue siècle», in Revue historique de droit français et étranger, 1958, n°' 3 et 4. (Avec bibliographie.) 5. L. Homo : Les Institutions politiques romaines, Paris 1927, p. 151. 6. G. Glotz : La Cité grecque, Paris 1928, p. 149, p. 172, pp. 248-250. 7. E. Barker : « Les élections dans le monde antique », in Diogène, 1954, n° 8, pp. 3 sqq. 8. Dès 428, Célestin 1er a affirmé : « Nullus invitis detur episcopus. » Il y aurait beaucoup à dire sur le sens que l'Église a donné à la maxime romaine « Quod omnes tangit, ab omnibus tractari et approbari debet », à propos de laquelle le P. Yves Congar a écrit un article très documenté (Revue historique de droit français et étranger, 1958, n° 2, pp. 210-259).

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