174 des enquêtes de police, et, d'une façon générale, l'administration elle-même, - nous avons recherché des traces directes de leur influence sur l'élaboration des techniques électorales en usage dans les communes. Il est apparu tout d'a~ord que c'éta~t u~e première preuve, d'ordre semant~que mais d au~ant plus sûre, que les mots. « scrutin », « ~o1?pro11!is ~>, « ballottage » et « collauonnement » etruent d _origine ecclésiastique 9 , ainsi. que. les expre~sions « donner sa voix » et « avoir voix au chapitre » qui rappellent les premières manières de ':oter, « à haute et intelligible voix », comme le dit un texte du xn1e siècle 10 • Autre faisceau de présomptions e,n faveur de la thèse de l'influence directe de l'Eglise et des ordres dans les petites républiques marchandes des x1e et xue siècles : la présence de scrutateurs religieux, humiliés ou mendiants, aux élections communales, notamment en cas de vote secret ( ore ad os) ; la révision des statuts communaux des Marches et de la Lombardie par des dominicains· l'établissement d'un admoniteur laïc,« gardien de' la Constitution», semblable à l'admoniteur général qui, dans la Compa~i~ ,de Jésus ~otamment, est chargé,<<en toute humihte et modestie convenables, mais aussi en toute fidélité au devoir », de rappeler, le cas échéant, le général à l'ordre; l'existence, à Venise notamment, d'un « contradicteur » ayant pour mission, à l'instar de l' advocatus diaboli des procès en canonisation, de pratiquer une opposition systématique; l'apparitio~, dans certaines élections communales, de l'exigence de « saniorité >~, si ~iqu~ment bén_~dictine · la longue prauque (Jusqu au xue siecle) de 1:élection à vie des échevins, si contraire à l'esprit même des communes, mais conforme aux traditions monastiques; l'application du système du compromissum en usaie dans tous les or~res, à Vercelli (en 1229), à Trieste (en 1327) et ailleurs, l'arbitre étant l'évêque ou un religieux. Troisième faisceau de présomptions : pendant des siècles, et plus exactement pendant les premiers siècles de l'existence tumultueuse des communes, l'Église ou les couvents ont servi de lieux de réunion aux bourgeois. On signale fréquemment, à Venise et ailleurs, la présence de l'évêque, de l'abbé, de religieux. Est-il vraisemblable qu'~u cours des discussions, au moment d'un vote disputé, les autorités ecclésiastiques - qui, dans certaines villes, étaient appelées à désigner les électeurs ou même parfois (à Vérone) lesmagistrats 9. L. Moulin : « Droit canonique et langue française : Scrutin, Chapitre, Collation, Compromis, Ballottage », in Vie et Langage, n° 76, juillet 1958, pp. 374-376. 10. Le mot vocales, qui désigne encore les électeurs dans certains ordres, rappell~ cet usage. Biblioteca Gino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES - ne soient jamais intervenues pour indiqu~r de~ moyens plus sûrs de se compter que celui des acclamations ? Les faits prouvent le contraire, car certains inodes de votation, en usage dans les communes, sont incontestablement d'origine ecclésiastique. C'est le cas, par exemple, pour le système de vote « par assis et levés », que nous trouvons en vigueur à Vérone en 1225, à Bologne en 1250, à Padoue en 1265, mais qu'utilisait déjà l'ordre de Cîteaux, créé en 1115. C'est aussi le ca~ du vote secret pratiqué à l'aide d~ fèves, de billes, de pièces de monnaie, de médailles ou de ballotta (d'où « ballottage » et « black~ouler ») e~ do~t Ruffini, une autorité en la mattere, nous dit qu tl était d'origine ecclésiastique. C'est encore le cas, selon ·toute vraisemblance, du temps de l'élection · mesurée à la longueur d'une chandelle, coutume en usage dès le xue siècle au moins, reconnue par l'Église en 1313,. et qui est re~tée dans, nos mœurs, à tout le moins pour certaines encheres. C'est enfin le cas du vote exercé en abaissant ou en rabattant le capuchon, qui rappelle les usages variés que les moines faisaient de cette pièce de leur vêtement. Seul mode de votation où l'on ne puisse trouver trace d'une influence directe de l'Eglise ou des ordres : le système du tirage au sort qui, en raison de son égalitarisme rudimentaire, eut longtemps les faveurs de la démocratie médiévale, mais qui très tôt avait été interdit dans l'Église. Pour deux autres systèmes de vote, celui du pedibus ire in sententiam ( « voter avec les pieds », disait Lénine), qui se pratiquait à Rome, et celui du vote à main levée, à la façon des Grecs, nous n'avons à ce jour trouvé aucune trace d'une influence quelconque de l'Église. Il n'est pas assuré que les ordres les aient utilisés, mais rien ne prouve non plus qu'ils n'en aient pas fait usage. Il n'en est pas moins probable que les « bourgeois » de . Parme ou de Bologne ont emprunté à l'antiquité ces deux modes de vote, au demeurant assez rudimentaires. * )f. )f. On s'étonnera peut-être que tant de traits aient été empruntés à l'Église et aux ordres sans que les chroniqueurs de l'époque y aient fait allusion. L'argument est plus faible qu'il pourrait le paraître. Tout d'abord, le rôle de l'Église et des ordres dans le domaine des techniques électorales et des structures administratives des communes n'a pas toujours été passé sous silence : il est signalé explicitement dans un certain· nombre de cas. Puis les historiens savent à quel point les documents du Moyen Age sont souvent peu explicites, surtout dans une matière aussi particulière. La plupàrt du temps, ils se contentent de noter qu'un tel a été élu, sans préciser comment, sinon en
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