16 la vie, ou tout au moins, s'il doit s'en tenir à un rôle, d'en jouer toutes les variantes »4, ce que ne permet -f~ 1_ l'organisation fonctionnelle dans laquelle 1 vtt. Peut-il le faire en dehors d'elle ? La description que Whyte nousidonne de la classe moyenne salariée vaut pour une réponse négative. L'envahissement du conformisme intellectuel et moral déborde de la vie purement professionnelle où celui-ci trouve son origine. L'homme fonctionnel tend à s'identifier avec l'homme sans épithète. L'esprit de groupe qui provient des servitudes de l'industrie submerge la vie sociale, publique ou privée et provoque dans f des relations de voisinage qui se voudraient libres l'imitation ridicule des (rapports industriels. Le groupe hypostasié n'est plus un moyen entre autres de rendre des services à l'individu, il est sa fin même., le lieu où il se débarrasse de son introversion «coupable » et où il veut accomplir sa personnalité. A ce niveau, le groupe est un tyran anonyme auquel l'individu soumet ses actes, ses opinions, ses goûts, chaque minute de sa liberté, de sorte qu'« à l'homme toutes choses lui sont comme naturelles, à quoi il se nourrit et accoutume ». La Boétie ajoutait : « Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c'est la coutume. » CERTAINS trouveront trop systématique la description de Whyte, trop sévère sa critique du group mind ; mais comment résister à un courant aussi dynamique sans systématiser et aiguiser la critique ? 4. Loc. cit., p. 309. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Les tendances analyséesne sont pas le monopole d'un Americanwayof lije. Elles existent en Europe, bien qu'à un moindre degré - d'abord à cause du retard industriel, mais aussi de la résistance que leur oppose un reste de culture historique. Elles se trouvent accentuées quand la décentralisation industrielle s'accompagne, ce qui est fréquent, d'une centralisation de l'habitat. Le groupe de travail trouve alors son prolongement dans le groupe de voisinage : des sociétés fermées, façonnées par la structure organique des grandes entreprises, conditionnent la liberté de leurs membres. Ces sociétés sont génératrices d'un conformisme culturel dont l'effet sclérosant risque de devenir général en moins d'une génération et de creuser entre l'individu et le reste du monde un fossé d'indifférence ou d'ignorance. L'individu extraverti, doté d'un haut degré de sociabilité, peut apparaître fort estimable à ses égaux ou à ses supérieurs ; il peut constituer un intéressant sujet d'études pour des sociotechniciens préoccupés de microsociologie et disposés à se considérer comme des «ingénieurs des âmes»; il n'en est pas moins un homme mutilé, voué au divertissement pascalien ou à l'autofrustration. Pour ne pas voir ses dispositions naturelles « étouffées dans un éternel sommeil », comme dit Kant, il lui faut récupérer son insociabilité, complément nécessaire de son actuelle sociabilité : « L'homme a un penchant à s'associer (••.) Mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher » ( souligné par nous)5 • La mesure dans laquelle l'homme peut se détacher est celle de sa liberté, par quoi se manifeste l'irremplaçable noyau de sa personnalité. MICHEL COLLINET. 5. Kant : Idie d'une histoire universelle, 4e proposition. ,
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