Le Contrat Social - anno III - n. 6 - novembre 1959

P. BARTON réduction provient pour moitié de la baisse de la mortalité infantile; en 1957, avec 45 décès pour I .ooo naissances, celle-ci se trouva, si l'on en croit les données officielles, au niveau atteint aux U.S.A. en 1940 35 • Le déclin de la mortalité semble donc résulter en partie d'une amélioration des soins médicaux. D'autre part il était normal que le nombre des décès diminuât de façon spectaculaire après la saignée précédente. La statistique n'en appelle pas moins quelques réserves. La population recensée en janvier 1959 est d'environ 1.4 mi11ion inférieure à ce qu'elle aurait dû être si les données publiées sur le chiffre atteint le 1er avril 1956 et sur la croissance naturelle étaient exactes. Il est dès lors fort probable que pendant les années 1956-1958 la mortalité fut en réalité de quelque 40 % plus élevée que ne l'indique la statistique ; pour les années 1950-1955, il n'existe aucun moyen de vérification. Il est impossible de déterminer si l'écart est dû au calcul du taux de mortalité qui fait abstraction des décès de détenus ou si les données relatives à la mortalité infantile sont inexactes. Peut-être s'agit-il d'une déformation due aux effets conjugués des deux éléments.· L'importance relativement modeste du croît naturel - qu'il faudrait encore réduire en fonction de l'écart de 1.4 million qu'on vient de mentionner - s'explique par l'évolution de la natalité qui, loin de retrouver son niveau traditionnellement très élevé (par exemple 4.16 % en 1927), se présente comme suit : 1950 : 2.65 % ; 1951 : 2.68 % ; 1952 : 2.64 % ; 1953 : 2.49 % ; 1954 : 2.65 % ; 1955 : 2.56 % ; 1956 : 2.5 % ; 1957 et 1958 : 2.53 %-Iasny fait observer qu'au regard de pareils taux on peut considérer comme élevée la moyenne des années de guerre, qui fut à son avis d'environ 2 pour cent 36 • En fait, la dénatalité qui caractérise la décennie 1939-1949 n'a pas été surmontée jusqu'à ce jour. Elle est plutôt devenue, sous une forme atténuée, un phénomène durable. Les particularités de l'évolution récente ·ne sont pas une conséquence naturelle de l'urbanisation. Iasny a déduit des différentes données officielles que la croissance naturelle et même la natalité sont à présent plus basses dans les campagnes que dans les villes. En effet, dans le courant des années 1950-1954 la population des villes s'est accrue de 17 millions, dont 9 venaient d~ la campagne ; autant dire que l'accroissement naturel représentait 8 millions. Comme dans les anné.es en question la population urbaine se chiffrait en moyenne à environ 80 millions de personnes, le taux annuel de l'accroissement naturel des citadins s'élevait à peu près à 2 pour cent ; par conséquent, ce taux n'était que d'environ 1.5 pour cent dans les districts ruraux. En admettant même que le taux de mortalité fftt d'une moitié plus élevé parmi les villageois, force serait de conclure que leur natalité fut plus faible 35. Warren W. Eason : « The Soviet Populacion Toùay 11. 36. Naum Jaany : op. cit., p. 199. Biblioteca Gino Bianco 371 que celle des citadins 37 • Ce phénomène extraordinaire n'est pas sans précédent dans l'histoire soviétique. Pour les années 1933-1938 l'accroissement naturel porta sur 4.6 millions dans les villes et 0.2 million dans les campagnes 38 • Le phénomène témoigne d'un déséquilibre extrêmement grave dans la structure démographique. Le trait le plus saillant en est la disproportion des sexes. Déjà lors du recensement de 1926, les hommes étaient de 5 millions moins nombreux que les femmes (71 millions contre 76, ce qui donne le rapport numérique de 94 pour cent). En janvier 1939, l'écart dépassait 7 millions (81.7 · millions d'hommes et 88.8 millions de femmes, soit 92 hommes pour 100 femmes) 39 • La différence s'éleva à 20.8 millions en janvier 1959 (94 millions d'hommes et 114.8 millions de femmes, soit 82 hommes pour 1 oo femmes). Le présent déficit de la population masculine se situe tout entier chez les plus de 31 ans ; dans les classes plus jeunes, les sexes sont à égalité. Le communiqué sur les résultats du recensement du 15 janvier 1959 ne révèle pas les proportions des deux groupes d'âge. Mironenko 40 et Salomon Schwarz, qui .ont essayé de combler cette lacune à l'aide des indices indirects, arrivent indépendamment l'un de l'autre à des chiffres presque identiques. Le premier estime la population âgée de 32 ans et plus à 85 millions, dont 32 millions d'hommes et 53 millions de femmes; le second, à 83.6 millions, dont 31.4 millions d'hommes et 52.2 millions de femmes. Dans les deux cas, la proportion des sexes est de 60 hommes pour 100 femmes. On peut mentionner à titre de comparaison que parmi les habitants âgés d'au moins 30 ans il y avait pour 100 femmes 88 hommes en 1926 et 81 en 1939 41 • La structure démographique· est caractérisée d'autre part par une répartition très inégale des sexes entre la population urbaine et rurale. La part des hommes dans l'exode paysan est depuis toujours prépondérante. Les déportations massives des villageois pendant la collectivisation forcée de l'agriculture frappèrent au premier chef la population masc111ine. Aussi bien, en 1939 déjà, la main-d'œuvre des kolkhozes se composait-elle en majorité de femmes : parmi les travailleurs âgés de 16 à 60 ans, on comptait 76 hommes pour 100 femmes 42 , alors que dans l'ensemble de la population âgée de 15 à 59 ans le rapport correspondant était de 90 contre 100 43 • La situation s'aggrava considérablement pendant la guerre. Certaines données fragmentaires per37. Ibid. 38. Serge N. Prokopovicz : op. cil., p. 61. 39. Warren W. Eason : cc Population and Labor Fore ", op. cit., p. 102. 40. Y. P. Mironenko : << Preliminary Results of th 1959 Census ))' Bulletin of the lttstitute for the Study of th US SR, juin 1959. · 41. Frank Lorimcr : op. cit., pp. 42 et 143. 42. Naum Jasny : The Socia/ized Agri 11/ture of the U R, Stanford 1949, p. 393. 43. Frank Lorimer : op. ir., p. 143. •

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