D. T. CATTELL borateurs. Certes les communistes font encore des réserves sur les liens étroits de ces dirigeants avec l'Occident, mais ils prennent soin de ne pas le laisser paraître trop ouvertement dans leur propagande - du moins à l'intention des pays intéressés. Ils vont même jusqu'à approuver certains accords économiques passés entre les nations africaines et les pays capitalistes, en précisant toutefois qu'il est « essentiel que ces liens ne se fondent pas sur l'emploi de la force et le pillage colonial » 16 • Le principal souci de la nouvelle stratégie est évidemment d'identifier le communisme au nationalisme. Il a fallu pour cela cesser d'insister sur la lutte de classes et autres dogmes idéologiques : les représentants communistes à la conférence afro-asiatique réunie en janvier 1958 au Caire se sont soigneusement abstenus de toute allusion au thème de la révolution socialiste. La nouvelle stratégie tend également à émanciper progr~ssivement les communistes des nouveaux Etats indépendants de la tutelle et du contrôle des P.C. anglais et français en leur permettant d'avoir des contacts directs avec Moscou. Le changement le plus significatif est peutêtre que l'Afrique s'est vu accorder pour la première fois une priorité dans la planification d'ensemble des activités internationales de Moscou. Cela- s'est traduit par une activité accrue dans le domaine des études africaines spécialisées 17 • Et man if esté dans le domaine de la diplomatie : par l'action soviétique en 1955 - suivie plus tard par les autres États communistes - en vue d'éta16. K. Ivanov : << International Relations and the Collapsc of Colonialism », International Affairs, 1957, n° 5, p. 17. - 17. Voir revue /'Ethnographie soviétique, Moscou 1957, n° 3, pp. 184-186 ; Christopher Bird : « Soviet Scholars Embark on Major Program of African Research », Africa Special Report, vol. III, n° 4, pp. 12-14; Mary Holdsworth: « African Studies in the USSR - 2 », West Africa, 15 février 1958, p. 151 ; Anthony Martin : « L'URSS devant l'Afrique» in Contrat social, sept. 1959. Entre autres éditions soviétiques sur le sujet : P. Kitaïgorodski et B. Pouretski : L'Algérie, le Maroc et la Tunisie en lutte pour l'indépendance, Moscou 1925 ; A. T. Bryant : The Zulu People as they were be/ore the White Man came, Pietermaritzburg 1949 (trad. russe Moscou 1953) ; I. You. Kratchkovski : Introduction à la philologie éthiopienne, Léningrad 1955 ; I. A. Dementiev : L'Égypte, Moscou 1956; L'Afrique-Équatoriale française, l'Afrique-Occidentale française, la Gold Coast, Moscou 1956; Le Congo, la Nigeria, Moscou 1956; D. Ivanov et N. Borissov : Le Régime de la Lybie, Moscou 1957 ; Esquisses d'ethnographie générale (Australie et Océanie, Amérique, Afrique). Moscou 1957; R. M. Avakov : Le Capital monopoliste français en Afrique du Nord, Moscou 1958 ; L'Afrique au sud du Sahara, Moscou 1958 ; La Situation économique des pays del' Asie et del' Afrique en 1957 et pendant la première moitié de 1958, Moscou 1958 ; N. G. Pospelova : L'Algérie. Aperçu politico-économique, Moscou 1959; Nouvelle Histoire des pays d'Asie non soviétique lt d'Afrique, Léningrad 1959 ; F. Dixey : The East African Rift System, Londres 1956 (trad. russe Moscou 1959) ; A. You. Chpirt : L'Afrique pendant la deuxihne guerre mondiale. Matiires premiires et ressourceshumaines, Moscou 1959 ; I. N. Ol~lnikov : Le Congo, Moscou 1959; L. G. Goukas1ian-Gandzaket1i : L 'Essence de u l'association ,uraf ricain, •, Moscou 19s9. Biblioteca Gino Bianco • 33 7 blir des relations officielles avec le Libéria, le Soudan et le Ghana ; par l'envoi de délégations soviétiques spéciales dans ces pays ; par l'invitation de délégations africaines en Union soviétique et - last but not least - par des offres de traités de commerce, d'assistance technique et d'aide économique et financière de l'URSS et des satellites au Libéria, à l'Éthiopie, à la Guinée, au Soudan et au Ghana. Les envois d'armes soviétiques à la Guinée donnent à penser que Moscou est prêt à offrir cette forme d'assistance aux régimes nationaux africains comme il l'a déjà fait pour l'Égypte et d'autres pays du MoyenOrient. Perspectives Cependant, malgré cette nouvelle orientation de la stratégie soviétique, rien n'indique encore une croissance marquée des mouvements communistes indigènes qui puisse attester une identification plus effective du communisme aux buts et aspirations du nationalisme africain. Les résultats à ce jour ne peuvent bien entendu être considérés comme définitifs : une période de quatre ans est trop courte pour éprouver l'efficacité d'une stratégie à long terme, qui doit surmonter d'abord la résistance engendrée par de nombreuses années de propagande maladroite et d'erreurs tactiques. Néanmoins ces résultats -- ou plutôt le manque de résultats - offrent à tout le moins une indication provisoire : la nouvelle élite_ africaine ne se laisse nullement emporter par les séductions de la nouvelle politique de Moscou ; elle se cantonne dans une prudente réserve et semble résolue à protéger le pouvoir et l'indépendance politiques durement conquis contre _toute tentative de sape. Un facteur décisif sera peut-être la capacité du système parlem,entaire (de type occidental), que les nouveaux Etats africains ont commencé par adopter, à satisfaire les désirs et les besoins de leurs dirigeants. Des tendances existent sans aucun doute, qui pourraient compromettre un développement démocratique normal et encourager indirectement le communisme. Les nouveaux dirigeants sont tenus de consolider leur position politique, d'inculquer une certaine discipline aux mouvements nationalistes amorphes ·qui les ont portés au pouvoir et de réaliser leur ambition de révolution sociale et de développement économique rapide. Ces pressions internes ont créé des tendances à monopoliser le pouvoir et à restreindre l'opposition politique. A partir de ces tendances, on peut discerner trois voies possibles de développement. Première hypothèse - son programme révolutionnaire rencontrant inévitablement de l'opposition, le gouvernement peut être tenté de recourir à des méthodes totalitaires, ce qui signifierait la fin du gouvernement parlementaire. Deuxième hypothèse - il pourrait choisir de céder aux pressions oppositionnelles venues du dehors ou de son •
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