Le Contrat Social - anno III - n. 5 - settembre 1959

L'U.R.S.S. DEVANT L'AFRIQUE par Anthony Martin 'INTÉ~T des Russes pour l'Afrique et leur étude systématique du continent noir re- - monte plus loin qu'on ne le pense généralement. La première description de l'Egypte, à vrai dire schématique et médiocre, fut donnée vers 1630 par un pèlerin, Vassili Gagara. Les travaux de M. G. Kokovtsov, officier de la marine impériale, sur l'Afrique du Nord (publiés en 1787) sont plus fouillés et bien meilleurs. Parmi les explorateurs russes du x1xe siècle, certains étaient des chasseurs et des botanistes, d'autres des géographes et des historiens. En général ces expéditions n'étaient pas très encouragées et l'on peut dire qu'à l'exception de l'Abyssinie le continent noir présentait peu d'intérêt pour la Russie. C'est vers l'Asie que les tsars tournaient les yeux quand ils songeaient à leur mission civilisatrice; ceux qui, tel le poète Gonmi]ev, époux d' Anna Akhmatova, considéraient l'Afrique comme un débouché possible pour les énergies coloniales, n'étaient qu'une petite minorité. L'Afrique n'occupait pas une grande place dans les plans communistes au lendemain .de 1917. On pensait à Moscou qu'une puissante vague nationaliste et anti-impérialiste balayerait un jour le continent, mais au début des années 20 on ne pouvait discerner du phénomène que les signes avant-coureurs. Il n'existait en fait aucun lien politique, économique ou culturel qui fût un banc d'essai pour les spécialistes soviétiques. Les publications sur la question étaient à la fois rares et superficielles 1 • Les activités politiques étaient assumées par la Ligue contre l'impérialisme, qui compta un moment des nationalistes africains. Devant la pénurie de cadres indigènes sdrs, on en vint à souhaiter à Moscou que des communistes américains de couleur prissent en 1. Cf. M. L. Veltman : • La Guerre mondiale et la lutte pour le partage du continent noir•• Moscou 1918, Biblioteca Gino Bianc.o main l'organisation de la lutte pour la libération de leurs frères africains. Cependant, les nombreuses volte-face du Komintern et les solutions successivement envisagées (république noire dans le sud des États-Unis et république bantoue en Afrique du Sud) ne convenaient pas plus aux Noirs des États-Unis qu'à ceux d'Afrique. Aucune suggestion n'eut l'heur de plaire aux communistes des deux côtés de l'Océan, qu'ils fussent blancs ou noirs. Les Africains étaient en petit nombre et--n'occupaient pas une position importante dans les divers organismes qui traitaient à Moscou des « affaires orientales», c'est-à-dire de la situation dans les pays sous-développés de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique latine. Il n'existait pas de centre spécialisé dans les études africaines et aucun périodique ne se consacrait exclusivement à ces questions. Des ouvrages paraissaient sur l'Égypte et les colonies françaises, mais ces contrées n'étaient pas vraiment considérées comme partie intégrante de l'Afrique noire ; elles avaient leurs problèmes particuliers, différents de ceux des pays situés au sud du Sahara. Des quelques études sur l'Afrique noire, aucune ne présentait grand intérêt ; elles étaient toutes affectées directement par la ligne changeante du Parti et les fluctuations de la révolution coloniale 2 • Les historiens ne manifestant pas plus d'intérêt que les économistes, le vide fut comblé au début des années 30 par un groupe d'anthropologues et d'ethnographes, tels I. I. Potekhine et D. A. Olderogge, qui prirent figure d'experts pour les affaires africaines en général. Entre 1935 et 1945, l' Ethnographie soviétique monopolisa l'essentiel des études africaines, sous le parrainage de l'Institut d'ethnographie de l'Académie des sciences. 2. Cf. G. Kreitner sur l'Abyssinie (1932), A. Zousmanovitch sur le travail forcé et les syndicats en Afrique (1933) et 1. G. Popov-Lenkii sur les probl~mes agraires n Afrique ori~tale <dans Nov, Vostok, n°, 2~ et 24, 1928>. •

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