Le Contrat Social - anno III - n. 4 - luglio 1959

• 244 de vaquer en paix à ses propres affaires) est d'une nature substantiellement différente de celle que revendique au maximum le don d'Oxford (pp. 9-10, ·note). Le concept de la liberté négative considéré en tant que tel ne contient aucune prescription relative au choix d'un type d'activité plutôt que d'un autre. En ce sens on peut dire qu'il est parfaitement vide de contenu, mais la reconnaissance explicite de ce vide parfait *, jointe à la revendication du maximum d'extension de la sphère correspondant à l'application, signifie qu'on attache du prix à la liberté pour elle-même, indépendamment de toute autre considération. Il importe précisément de ne pas confondre l'idéal de la liberté négative avec d'autres aspirations vers le bonheur, la justice, l'égalité, la pureté, des mœurs, etc. Soucieux de séparer nettement le concept, I. Berlin va jusqu'à reprocher à Stuart Mill d'avoir tenté une démonstration de la valeur de la liberté négative en partant des autres fins de l'activité humaine. La validité de cette démonstration n'est pas évidente puisqu'on peut constater l'existence de vertus respectables dans des sociétés où la liberté négative n'est concédée qu'au minimum (p. 13). D'autre part, pour celui qui la soutient, la liberté négative doit avoir son prix en elle-même, à titre de fin, non de moyen. Il n'y a pas lieu d'éprouver de l'embarras lorsqu'il s'agit· de reconnaître que l'idéal correspondant est apparu historiquement de manière assez tardive, qu'il ne s'impose pas à tous les hommes dans n'importe quelle condition et peut-être qu'il ne s'imposera pas toujours (pp. 14 et 57). Mais on ne saurait faire dépendre la valeur d'un idéal de la validité des constations de fait auxquelles peut donner lieu son incarnation : si la liberté négative devait retomber au niveau qui caractérise les types inférieurs de civilisation cela ne signifierait pas qu'elle aurait perdu toute valeur. Il demeure entendu que si l'on réclame une extension maxima de la sphère où chacun peut faire légitimement ce qu'il veut, cela ne signifie pas que l'on conçoive une liberté négative illimitée. Nous croyons que le concept de la liberté négative n'a de sens que dans et par la société h11maine. Il trouve donc sa limite naturelle dans les exigences fondament~~s ,de la vie en sociét~ et aussi dans _les autres ~~deaux avec lesquels il ~st susceptible d'interfé~er. · Cette dernière constatation permet de comprendre qu'il y a une autre conception de la liberté, autorisant cette fois à lui donner un contenu. La «liberté positive », au sens défini par I. Berlin, consiste à être « son propre· maître» (p. 16). A peu de chose près, on peut dire encore, reve- • La formule du « vide parfait» n'est pas explicitement chez I. Berlin, mais nous la croyons conforme à l'esprit du texte et elle permet de rendre compte de ce qu'on appelle souvent « liberté formelle ». Biblioteca Gino Bianco DÉBATS BT RECHERCHES nant à la formule de W. Scott, qu'il s'agit de la liberté qu'un Suisse estimait lui être dévolue au xve siècle déjà : jouissance des institutions démocratiques en l'absence de domination étrangère. Le concept est apparemment proche du précédent, mais il n'implique pas que la sphère de ce qui est permis soit plus large pour le Suisse que pour un homme vivant so1:1sun autre régime. A ce propos, il conviendrait de rappeler que plus tard, le Suisse Jean-Jacques Rousséau n'était pas précisément ce qu'on appelle un «libéral», c'est-à-dire un partisan de la liberté au sens qui a été d'abord examiné. On connaît d'autre part l'admiration de Jean-Jacques pour .un idéal antique de la liberté et l'influence que ses conceptions politiques ont pu_avoir sur les idées morales de Kant, influence explicitement ·reconnue par le philosophe. L'idéal antique de la «maîtrise de soi», que nous connaissons surtout sous la forme morale que lui a donnée le stoïcisme, implique la division de l'être humain en deux parties : l'une, supérieure, commande, l'autre obéit. La partie inférieure est constituée par les désirs informes de la sensibilité animale tandis que la partie supérieure, qui caractérise en propre l'être humain, est la «raison ». Le commandement de la raison n'est pas étranger ou imposé du dehors : celui qui obéit à la raison n'obéit qu'à lui-même. Dans la transposition politique rousseauiste, il s'agit de trouver la forme de société où «chacun obéissant à tous n'obéit pourtant qu'à lui-même». Dans la restitution morale de Kant, on obtient l'autonomie de l'être raisonnable, à la fois législateur et sujet de la loi morale, avec cette précision que la vertu ne conduit pas nécessairement au bonheur sensible. La division hiérarchique de l'être h11main entraîne une classification des diverses aspirations dont les unes sont réprouvées, les autres préconisées ou simplement admises. La liberté ainsi comprise ne se confond plus du tout avec la liberté de faire ce que l'on veut, pourvu que l'on ne gêne pas les autres. Il est entendu que seule est respectable la volonté raisonnable ou «bonne volonté » selon Kant. Dans -la transposition politique, la liberté finit par s'identifier avec l'obéissance à la loi librement consentie aux termes du contrat social. A partir de prémisses apparemme,nt en accord_ avec celles de la conception précédente, ·on obtient des conséquences qui tendent à r11itier complè,;. temént la notion de liberté négative. De nombreux textes de la philosophie morale ou politique de Kant paraissent en harmonie avec l'esprit de la . doctrine ,, libérale » classique, notamment ceux qui concernent la .coexistence des libertés se ]imitant réciproquement sous l'égide de ·1a .loi civile (p. 38, note). Mais, selon la doctrine morale~ towtes les fins poursuivies par l'activité humaine ne sont pas d'égale valeur et Fichte, disciple direct de Kant, proclame qu'« il n'y a pas de droits contre la raison» (cité,. p. 36). Lorsqu'on passe de Fichte à Hegel, dont la filiation ~tienne

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