Dlbats et recherches • SUR << DEUX CONCEPTS DE LA LIBERTÉ >> par Ai1né Patri ANS Charles le Téméraire ou Anne de Geierstein, roman historique de Walter Scott, l'auteur prête à l'un de ses personnages une amusante repartie : « Vous êtes toujours à nous dire que nous sommes Suisses et libres mais quel avantage y a-t-il à être libre si l'on ne peut faire ce qu'on veut ? » (Trad. Defauconpret, 1834, t. 27, p. 229). Cette boutade n'est pas indigne de considération philosophique, puisqu'on voit qu'elle aurait pu servir d'exergue à l'admirable conférence sur les deux concepts de la liberté prononcée par Sir Isaiah Berlin pour sa leçon inaugurale à l'Université d'Oxford dans la chaire précédemment occupée par G .D .H. Cole*. La question se pose en effet de savoir si le mot libre est pris dans le même sens dans la première et dans la seconde partie de la phrase et n'est pas d'intérêt purement académique. La seconde partie de la formule « scottienne » contient une définition qui coïncide, à une précision près, avec le sens admis par I. Berlin pour définir la « liberté négative» reconnue par la tradition philosophique anglaise depuis Guillaume d'Occam approximativement, tandis que Thomas Hobb·es, John Locke et surtout John Stuart Mill ont contribué, à des. titres divers, à sa défense et .à son illustration. Parmi les répondants français, I. Berlin cite encore· Benjamin Constant et Tocqueville. La liberté négative est le droit de faire cc qu'on veut, sans se voir opposer un obstacle de caractère humain (p. 7). La r.récision est importante puisqu'elle signifie qu un obstacle t: tiendrait à la nature des choses ne saurait e considéré comme une restriction à la liberté négative, concept de nature purement politique ou concernant les relations inter-humaines. L'application donne lieu à des questions controversées • lt1t•b Berlin : Two Conc,pt1 of Liberty. Oxford 1958, Clarendon Pret1, 57 pp. Biblioteca Gino Bianco ~ dont il importe de ne pas méconnaître la nature, comme celle de savoir si la pauvreté, qui constitue évidemment un obstacle à faire ce qu'on veut, procède de la nature des choses ou de la constitution de la société (p. 8). Il conviendrait sans doute de rappeler encore que le concept de la liberté négative, qui est du ressort de la philosophie politique, n'a rien de commun avec l'hypothèse métaphysique du libre arbitre : la distinction entre le pouvoir de vouloir ce qu'on veut et le pouvoir de faire ce qu'on veut a été très clairement exprimée par John Locke. Enfin, bien que la liberté négative soit un concept politique, la question qu'elle soulève est logiquement et sans doute réellement indépendante de celle qui a trait à la nature de la souveraineté. Sans vouloir déconsidérer pour ce motif les institutions démocratiques, Stuart Mill, dans son célèbre essai On Liberty, avait tenu à insister avec précision sur ce point. !.Berlin rappelle à son tour que la question de savoir par qui je suis commandé ne se confond pas avec celle de savoir quel est le degré de liberté qui m'est imparti (p. 15). On peut considérer qu'un minimum de liberté négative a toujours existé pour tout homme dan~ n'importe quel type de société. On reconnaît un tenant de la liberté négative à ce qu'il ne se contente pas du minimum mais souhaite l'extension maxima de la sphère où chacun peut faire ce qu'il veut. L'idéal du maximum de liberté négative ne se confond pas avec le fait du minimum constant (p. 46). A ce propos, on soulève souvent la question de savoir si la liberté négative que réclame un don d'Oxford peut intéresser un fellah égyptien. La question conserve un sens dans la mesure où elle rappelle opportunément qu'il peut YI avoir d'autres aspirations légitimes que celle qui correspond à l'idéal de liberté négative et certainement des besoins humainement plus urgents. Elle entraîne cependant une confusion si l'on veut laisser croire '\ue la liberté négative que le fellah réclameau minimum (cell
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