Le Contrat Social - anno III - n. 4 - luglio 1959

L'expérience communiste L'INTELLIGENTSIA MUSULMANE EN U.R.S.S. par A. Bennigsen EPUIS bientôt quarante ans les dirigeants soviétiques s'efforcent, dans les territoires mus11lmans de l'Asie centrale, du Caucase et de la moyenne Volga, d'intégrer les élites nationales au « système socialiste». Les communistes veulent une intégration totale, à la fois politique, intellectuelle et morale. Ce programme implique la destruction de l'ancienne élite prérévolutionnaire et la création d'une nouvelle intelligentsia de formation marxiste, qui soit détachée de l'islam et dévouée exclusivement au régime . , . soviettque. Les rapports entre Russes et allogènes constituent un problème-clé. Bien que la documentation sérieuse soit rare, nous avons réuni ici un certain nombre d'éléments qui pourront apporter quelque l11mière sur l'expérience musulmane poursuivie en Union soviétique. Intelligentsia musulmane traditionnelle AVANT 1917, on trouvait dans les régions mu.q11lmanesde Russie une intelligentsia nationale assez nombreuse et souvent brillante, de formation purement traditionnelle (au Turkestan, au Daghestan) ou «occidentalisée» (modernistes djadid à Kazan, Bakou, Crimée), qui a joué un rôle très important dans la _vie culturelle et les mouvements nationaux mwn1Jmans de la fin du XIX8 siècle et du début du xxe. Il ne reste plus que des éléments épars de cette génération qui périt dans la grande tourmente des années 19281938. L'ancienne élite religieuse n'est plus représentée que par un petit groupe qu'il convient cependant de ne pas négliier, car il est le seul à perpétuer en régime soV1étiquc la culture isJa,niq~e traditionnelle. Ce groupe comprend les différents desservants du culte grou~ autour des quatre directions spirituelles (Tachkent, Bakou, Oufa et Bouinax). Leur nombre exact est Biblioteca Gino Bianco \ inconnu mais doit être négligeable : les sources soviétiques déjà anciennes (1942-43) avancent le chiffre de 8.000 mullahs. . La majeure partie appartiennent à la vieille génération ; les jeunes sont très rares, ce sont les anciens diplômés de Mir-i-Arab de Boukhara, l'unique médresse de l'URSS, ouverte en 1949, fermée en 1957 et remplacée par Barak Khan de Tachkent. Elle comptait en 1956 105 élèves répartis sur sept années d'études. L'enseignement qui y est prodigué est un enseignement musulman classique mais d'un niveau moyen. En outre, quelques rares étudiants (4 en 1955) sont envoyés parfaire leurs études à l'université d' Al-Azhar. Ce petit noyau de jeunes est l'unique groupe d'intellectuels du type traditionnel qui doit desservir 30 millions de fidèles, ce qui est dérisoire 1 • Leur recrutement semble limité aux enfants des anciennes classes dépossédées : clergé, aristocratie, bourgeoisie. Leur rôle dans la vie sociale, culturelle et politique du pays est nul car ils vivent en marge de la société soviétique. Leur activité est rigoureusement limitée à l'exercice du culte et, à de rares exceptions près, leurs ouailles sont de vieilles gens. Il n'y a pas de publications« religieuses» musulmanes en URSS 9 • 1. Cependant les autorités communistes les trouvent encore trop nombreux et considèrent que le fait de fréquenter l'~cole cora~que est un ~éritable scandale. S. Babaev, prcJD1er secrét81fe du CoJD1té central du parti communiste turkmène a déclaré au IVe plénum (25-26 février 1957) : « Seul le bas niveau de notre propagande antireligieuse explique pourquoi certains des jeunes gens diplômés de écoles soviétiques s'en vont étudier dans les établissements scolaires religieux musulmans. • 2. Depuis 192s les seuls ouvrages religieux mu,uJrnans publiés en URSS ont été : le Coran, édité pour la prcmià'e fois depuis 1917 à Tachkent en 1955-1956 par la Directi\ln spirituelle d' Asi centrale; un calendrier religieux ( Dini Kalindary) en langue ouzb~ke édité également l Tachkent à 10.000 exemplaires; un catéchisme, l1lam tt rit, munùman petite brochure d 69 paaes en 1 ngue r (caract~r arabet) l Oufa . •

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