Le Contrat Social - anno III - n. 4 - luglio 1959

B. SOUY A.RINB point d'interrogation de l'inexistante « affaire Toukhatchevski» est celle de Visagesde la Russie, numéro 24, novembre 1956, tirée d'un ouvrage inédit qui s'intitule « Le Complot d'ExtrêmeOrient », par M. Svetlanine, « ancien journaliste soviétique». Elle souscrit aussi à la thèse policière du complot militaire, complot dont une des ramifications se serait étendue jusqu'à l'ExtrêmeOrient. Un plan A, celui de Toukhatchevski, visait à « éliminer physiquement la clique dirigeante » (et non plus le seul Staline, agent de l'Okhrana) pour prendre -le pouvoir à Moscou, tout en constituant des «îlots de révolte » dans tout le pays : à Léningrad avec les généraux Belov et Kodatki ; à Kalinine sous la direction de Mikhaïlov ; à Toula sous celle de Sédelnikov ; à Smolensk, avec Roumiantsev ; en Sibérie, dans l'Oural, sur la Volga, autour de Moscou (des milliers de gens étaient donc dans le secret ...) Un plan B, préconisé par Gamarnik, tendait à provoquer une série de soulèvements à la périphérie avant le coup d'État au centre : à Rostov, par exemple, l'organisation insurrectionnelle avait à sa tête Boris Chéboldaiev, secrétaire du comité régional du Parti... On se demande ce que faisait l'omniprésent N.K.V.D. pendant ces années 1930 à 1937 où, d'après la publication citée, tant de personnages entourés de tant de mouchards ourdissaient tant de complots dans tant de lieux séparés par tant de milliers de kilomètres. Mais on sait la source unique des rumeurs sur le foisonnement des «complots», sur les multiples « actes terroristes » qui n'ont jamais eu lieu, rumeurs dont d'insignifiants journalistes et divers tchékistes subalternes font à présent des articles et des livres : , elle s'appelle Staline, l'obsédé qui voyait des ennemis et des assassins partout et transmettait ses obsessions aux policiers exécuteurs de ses volontés, de ses • capnces. Khrouchtchev avoue, dans son discours secret, que les « complots » étaient préfabriqués par la police : « On peut juger de la façon dont les anciens fonctionnaires du N.K.V.D. fabriquaient des '' centres antisoviétiques '' et des ''blocs'' divers (complots) en recourant à des méthodes provocatrices par la confession du camarade Rosenblum (...). Lorsqu'il fut arrêté en 1937, il fut soumis à de terribles tortures par lesquelles il fut contraint à des aveux mensongers impliquant avec lui diverses personnes. Il fut alors conduit dans le bureau de Zakovski (le policier tortionnaire) qui lui offrit la liberté à condition de faire devant le tribunal de faux aveux de sabotage, espionnage et diversion dans un centre terroriste de Uoingrad conformément à un faux monté de toutes pièces en 1937 par le N.K.V.D. Avec un -cynisme ·incroyable Zakovski lui avait expliqué comment on fabriquait •des complots antisoviétiques ». Tels étaient les -complots fictifs •que d'aucuns prennent•encore-au sérieux à l'étranger. Bt quoi qu'il en soit, toutes les versions recensées se font ton les unes aux autres et, en fin Biblioteca Gino Bianco 211 de compte, s'annulent entre elles. Aucune n'entame les conclusions qui s'imposent après l'examen objectif des faits, des dates et des textes : il n'y a eu ni trahison, ni espionnage, ni fascisme, ni complot, ni procès. Comme l'a dit quelqu'un de très qualifié, Moshe Pijade, confident de Tito : « En 1936-1937, plus de trois millions de personnes ont été tuées en Union soviétique. Ces gens n'appartenaient pas à la bourgeoisie, liquidée depuis longtemps. C'étaient des communistes russes ou originaires d'autres républiques de l'Union soviétique. Tous ceux qui refusaient de s'incliner devant Staline furent massacrés sous l'étiquette d'espions, ou de fascistes et d'agents de Hitler. Et quand Staline se fut débarrassé d'eux, il signa un pacte avec Hitler» (Vladimir Dedijer : Tito parle..., Paris 1953, p. I 19). Toukhatchevski et ses compagnons d'infortune comptent parmi ces millions de communistes assassinés. Staline a taxé ses victimes de crimes qu'il était seul à commettre, il a tué des milliers de militaires pour les mêmes raisons qui l'ont incité à tuer des millions de civils, il a prêté à Toukhatchevski comme à tout l'entourage de Lénine ses desseins d'intelligence avec l'ennemi parce qu'il était anxieux, lui Staline, de s'entendre avec Hitler. B. Souv ARINE. Deux ans après DEUX ANS APRÈS la remise du précédent mémoire à la Commissioninternationale, il importe d'enregistrer les principaux actes des autorités soviétiques qui en confirment pleinement les conclusions et ne laissent rien subsister des accusations insensées ayant motivé les massacres de 1936 et des années suivantes. A partir du deuxième semestre de 1957, nombre de civils et de militaires mis à mort et déshonorés par Staline ont été « réhabilités » discrètement, sournoisement, à Moscou, dans le style propre aux nouveaux maîtres de l'URSS. Parmi eux figurent tous les chefs del' Armée rouge calomniés par Ed. Bénès et piétinés par W. Churchill. Le 23 août ·1957, la Komsomolskaia Pravda publiait sous la signature du général A. Todorski un compte rendu bibliographique mentionnant les noms de Blücher, de Poutna et de Toukhatchevski dans un contexte élogieux, comme si rien n'était. Quelques jours auparavant, Blücher avait été <c réhabilité » de la même façon implicite par la Krasnaia Zviezda, organe de l'armée. Bientôt le tome 50 de la Grande Encyclopédie Soviétique (août 1957) allait rendre leur place, avec plus ou moins bonne ou mauvaise grâce, à presque tous les généraux assassinés par Staline.

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