210 Cette histoire, où il n'est pas question d'espionnage, ni de relations avec l'Allemagne, reste muette sur l'arrestation de Poutna, de Levandovski, de Schmidt et d'autres au début de l'année 1937, sur les allusions de Radek à l'instruction et au procès, sur les cinq généraux condamnés en même temps que Toukhatchevski, Iakir et Ouborévitch (à savoir Kork, Eideman, Feldman, Primakov et Poutna), sur les sept juges du tribunal militaire exécutés après le procès fictif (les maréchaux Egorov et Blücher, les généraux Alksnis, Belov, Dybenko, Kachirine et Goriatchev) et enfin sur l'extermination de quelque trente mille officiers. Elle n'explique pas la participation de Kalmykov et de Deribas qui se trouvaient en Extrême-Orient. Elle s'orne de détails que personne ne peut connaître et présente des invraisemblances qu'il n'est pas nécessaire de discuter une à une, en raison de tout ce qui précède. Elle semble élaborée avec des racontars de tchékistes d'un rang inférieur qui- se font l'écho de propos tenus à l'étage supérieur ad usum populi. Elle énumère en effet encore huit << complots » éventés à l'époque, notamment l'un avec Eikhe, l'autre avec Blücher : or Eikhe a été disculpé au XXe Congrès par Khrouchtchev et Blücher est réhabilité par les Questions d'Histoire. Le Courrier Socialiste donne une tout autre version dans ses numéros 8-9 du 27 septembre 1948, signée M. N. Dans un camp de détenus à Vorkouta, en 1939, un nommé Nariman-Narimanov, ancien jurisconsulte auprès du Conseil des commissaires du peuple, aurait désiré libérer sa conscience avant de mourir et prié un prisonnier politique de l'entendre. Il assure avoir assisté ainsi que plusieurs autres personnes au «procès» de Toukhatchevski où le seul témoin à charge fut Dybenko, alors en poste en Asie centrale, et qui livra au Guépéou les secrets del'« organisation» à laquelle il avait adhéré en dernier. La nuit même de ses dénonciations, les arrestations eurent lieu à l'insu de Vorochilov. Après le procès, Dybenko fut fusillé. Pétrovski, chef de la « division prolétarienne» qui devait s'emparer de la Loubianka, de la poste, du télégraphe et des gares, tomba l'une des premières victimes, et son père, président du Comité exécutif des soviets en Ukraine, fut révoqué (il est au nombre des récents réhabilités). Le mourant exprima sa conviction que « tous les mystères seront un jour dévoilés et que la lumière de la vérité illuminera des pages de !'Histoire ». Cette version contredit la précédente sur plusieurs points essentiels. Elle fait état d'un procès qui n'a pas eu lieu, elle met Vorochilov en situatJ.on d'ignorance alors qu'il était membre du Politburo · où Toukhatchevski aurait comparu sur son brancard, elle ignore les sept complices de l'accusé principal. De plus, elle transmute Dybenko de juge à témoin unique, elle n'explique pas son rôle à Moscou en tant que commandant de la région d'Asie centrale,. elle passe sous silence les miJJiers de victimes àont Dybenko n'a pas Biblioteca Gino ■ 1anco .. LB CONTRAT· SOCIAL ,. causé la mort. Elle semble aussi se faire l'écho de chuchotements que personne n'était en mesure de vérifier, mais qui se sont propagés dans les milieux policiers et judiciaires&à Moscou. on:ne voit pas d'ailleurs pourquoi un jurisconsulte du Conseil des commissaires aurait été introduit au « procès » ultra-secret d'une conspiration ultrasecrète, lequel procès n'ayant existé que sur le papier du communiqué officiel. Un prétendu« Sensational Secret behind Damnation of Stalin », révélé par Lif e Magazine __ du 23 avril 1956 ne mérite pas une longue analyse. L'auteur, Alexandre Orlov, «un des plus hauts fonctionnaires du N.K.V.D.» réfugié en Amérique, reprend à son compte la_thèse policière du complot militaire, mais en motivant l'affaire d'une façon toute nouvelle. Selon lui, Toukhatchevski aurait appris par lakir, qui le tenait de Balitski (chef du N.K.V.D. en Ukraine), lequel le tenait d'un agent ~ subalterne nommé. Stein, qu'un drs~1er secret de l'Okhrana (police politique <lu tsarisme) avait été découvert, révélant l'affiliation u,; Sta- - line à la police sous l'ancien régime. Il en fit part à Gamarnik et à Kork, à d'autres généraux ensuite. Une conspiration s'ensuivit: deux régiments devaient bloquer les rues aboutissant au Kremlin pendant une conférence militaire où participerait Staline -qui serait, soit arrêté pour être jugé par le Comité central, soit tué sur place. L'histoire ne dit pas comment Staline prit les devants et régla le compte des conspirateurs, ni pourquoi il lui a fallu supprimer tant de milliers d'officiers ignorant le « secret » et la conspiration. Cette version attribue à Khrouchtchev des paroles qu'il n'a pas prononcées au xxe Congrès, suivant lesquelles Staline a fait exécuter sans procès les généraux en 1937 après avoir forgé contre eux des accusations de trahison : cela ne figure nullement dans le discours de Khrouchtchev. Elle se fonde sur les confidences recueillies à la mi-février 1937 d'un cousin de l'auteur, Katsnelson, chef adjoint du N.K.V.D. en Ukraine et « membre du Comité central du Parti » : or Katsnelson ne se trouve pas sur la liste des membres du Comité central. Elle explique le discours secret ·de Khrouchtchev par la découverte du dossier de l'Okhrana : cela ne résiste pas à une minute d'examen. Elle relate la connexion entre les Allemands et les Tchèques, ainsi que l'intervention de Bénès, d'une façon qui ne cadre absolument pas avec les récits antérieurs. Elle prête au maréchal Joukov une attitude qui n'a rien de commun avec la réalité. Quant à l'appartenance de Staline à l'Okhrana, un minimum de critique historique permet une mise au point qui, -sans décharger Staline des soupçons qui pèsent sur lui, n'est pas en faveur de l'argumentation offerte par Life. 11 faut exclure, en tout cas, que le dossier inconnu ait pu déterminer l'état-major à fomenter une conjuration militaire. La dernière en date, semble-t-il, des versions spécieuses mises -en circulation pour lever 1 e
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