206 prononcés contre les victimes de Staline en général, contre Toukhatchevski et les autres militaires en particulier. Cette rétractation ressort de façon frappante par la comparaison entre ces textes de la Gra1UleEncyclopédieSoviétique et ceux du Dictionnaire Encyclopédique paru exactement un an auparavant (Moscou 1955) où l'espionnage et le terrorisme servent encore à accabler les vaincus. Les maîtres du Parti et de l'État n'avaient pas, ent 1955, jugé venu le moment de libérer quelque"' peu leur conscience à ce sujet, au nom de...l.'.efficacité politique. Ils s'y sont décidés en 1956, sans en prévoir toutes les conséquences. Après les émeutes ouvrières de Pologne et l'insurrection populaire de Hongrie, ils ont éprouvé le besoin de marquer un temps d'arrêt et de réhabiliter Staline, dans une certaine mesure, plutôt que ses victimes. Mais les raisons qui les avaient incités à dégager après coup leur responsabilité · des crimes dont ils furent les complices ne sont peut-être pas périp:iées, comme semblerait l'indiquer une plus récente réhabilitation subreptice, celle du général Robert Eideman, un des compagnons de Toukhatchevski dans le supplice. Un cahier du Communistede la Lettonie soviétique de janvier 1957 nommait R. Eideman dans un article « Sur la littérature lettone révolutionnaire » en termes sympathiques où l'hommage à !'écrivain n'exclut pas la mention de son rôle important dans l'Armée rouge. Le 28 avril, un nouvel article, à Moscou cette fois, dans la Gazette littéraire, mentione R. Eideman parmi d'autres écrivains lettons dignes d'éloges et remarque en passant : « Des violations de la légalité socialiste ont été commises à l'égard de nombre de ces écrivains», laissant comprendre par cette tournure de phrase que ces hommes ont péri sans garantie de justice. Quelques lignes consacrées à R. Eideman impliquent sa réhabilitation de militaire, laquelle vaut nécessairement pour ses co-inculpés d'une « affaire Toukhatchevski>> qui n'a jamais existé: « L'attention se fixe involontairement sur Robert Eideman, un des talentueux écrivains lettons soviétiques, qui fut d'autre part un des éminents commandants de la guerre civile, le chef de l'Académie militaire Frounzé, membre du conseil révolutionnaire de -la Guerre et dirigeant de l'Ossoaviakhim. » Cette réhabilitation d'Eideman comme auparavant celle de Gamamik, après celles d'Egorov, de Blücher et de Dybenko, disculpe leurs trente mille camarades sacrifiés à l'arbitraire illimité du stalinisme. Le sort posthume de ces généraux et maréchaux, le discours secret mais fameux de Khrouchtchev et les articles de la Grand EncyclopédieSoviétique dissipent à jamais les calomnies de Staline et les légendes colportées à travers le monde pour défigurer le personnage ·l'de Toukhatchevski, héros malgré lYi d'une conspiration inimaginable. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL LE 18 JUIN 1946, devant la « Commission chargée d'enquêter sur les événements survenus en France de 1933 à 1945 », Léon Blum fit les confidences suivantes (Rapport de M. Charlès Serre, député, Annexes (Dépositions, tome premier, Paris 1951) : A la fin de 1936, j'ai reçu, à titre intime et privé, de mon ami M. Edouard Bénès, un avis transmis par mon fils de passage à Prague, avis me conseillant instamment d'observer les plus grandes précautions dans nos rapports avec l'état-major soviétique. D'après son propre service de renseignements - et le service de renseignements tchécoslovaque jouissait en Europe d'une réputation méritée - les dirigeants du grand état-major soviétique entretenaient avec l'Allemagne des relations suspectes. Peu de mois après a éclaté le procès connu sous le nom de procès Toukhatchevski, qui mit en cause le maréchal Toukhatchevski, chef d'état-major général soviétique. Je ne sais pas si j'ai confié cet incident à personne. Je vois qu'il est nouveau pour mon ami Maurice Viollette et je crois en effet que je le raconte ici pour la première fois. C'est cet avertissement donné à la fin de 1936 qui m'a en quelque sorte paralysé dans l'effort tenace que je faisais depuis plusieurs mois pour donner à l'alliance franco-soviétique tout son caractère et tout son rendement sur le plan militaire. Il appert de cette déposition (op. cit., p. 129) que Léon Blum a été trompé par son ami Edouard Bénès, lui-même tronipé par son service de renseignements qui, d'abord, s'était laissé tromper d'une manière inexcusable, nonobstant sa « réputation » soi-disant méritée, en réalité imméritée, comme le prouve cette ténébreuse affaire. On y discerne une crédulité sans bornes des deux hommes d'État et leur ignorance complète des réalités communistes, non la moindre relation suspecte de l'état-major soviétique avec l' Allemagne. Une telle relation était non seulement inconcevable, pour des raisons morales, mais pratiquement impossible dans le réseau policier qui enserrait l'état-major. Et ni Edouard Bénès, ni Léon Blum n'auraient pu alléguer l'ombre d'un motif pour lequel les défenseurs professionnels de l'URSS, communistes éprouvés, trahiraient leur patrie. ' · Le 2 mars 1948, dans la Gazette de Lausanne, les mémoires d'Edouard Bénès confirmaient le récit de Léon Blum comme suit : En janvier 1937, une communication officieuse de Berlin m'apprit qu'on y considérait les négociations comme ayant échoué. Une note strictement confidentielle ajoutait qu'Hitler poursuivait pour l'heure d'autres entretiens secrets qui, en cas de succès, auraient des répercussions sur notre politique aussi. Un mot échappé à Trautmannsdorf nous fit comprendre qu'il s'agissait de négociations avec certains milieux soviétiques, notamment le maréchal Toukha• tchevski, Rykov et d'autres. Hitler était si convaincu du succès de ces négociations qu'il n'insista même pas pour aboutir à un accord avec nous, tant il était persuadé de réussir à Moscou. Certes, s'il était parvenu à ses finsTet s'il avait pu modifier la ligne de la politique sovittique~ la face de l'Europe en eût été changée.
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