LE CONTRAT SOCIAL de siècle et un petit opuscule, La Russie et l'Occident, n'a été publié à Paris qu'en 1946. Aussi faut-il saluer l'initiative des« Éditions en langues étrangères », de Moscou, à laquelle on doit un recueil de Textes philosophiques choisis, de Herzen, en français (1950). Un temps, les Éditions de l'État soviétique et leurs multiples filiales à l'étranger ont borné leur activité à traduire et répandre les œuvres de Lénine et de Trotski, de Zinoviev et de StaUnP.,ainsi que des plus éminents intellectuels du parti communiste d'alors, à des titres divers : Boukharine, Pokrovski, Riazanov, - et de moindres. Plus tard, elles ont inondé le monde des lourdes proses illisibles de Staline, reléguant même Lénine au second plan et supprimant tous les auteurs tenus naguère pour éminents, mais tombés victimes de la terreur stalinienne. On s'étonne donc, et l'on se félicite, d'avoir du Herzen en français, fût-il édité à Moscou, d'ailleurs très correctement et à un prix raisonnable. Le recueil (691 pp.) est précédé d'un article de Lénine qui date de 1912 et tient lieu d'introduction, écrit pour le centenaire de Herzen (dans le Social-Démocrate du 8 mai 1912). On n'est pas obligé d'accepter les vues et interprétations de Lénine, mais il faut reconnaître que sa prose, surtout de cette époque, n'a rien de commun avec celle de ses pseudo-disciples actuels. On n'est pas tenu non plus de souscrire au choix des textes rassemblés dans le volume : d'autres critères auraient permis une sélection bien plus intéressante. On doit regretter notamment l'absence d'une bio-bibliographie impartiale. Sous ces réserves, l'initiative en question mérite le meilleur accueil. On ne peut que louer aussi l'édition, dans la même série, de Textes philosophiques choisis de V. Biélinski (Moscou 1951, 640 pp.) et de N. Tchernychevski (Moscou 1957, 655 pp.). Biélinski est pour ainsi dire inconnu en France. Les écrits contenus dans le recueil mis en circulation donneront au moins une idée de ce critique et publiciste, représentant typique de l'intelligentsia russe à sa plus belle époque. Malheureusement, l'étude introductive sur cet auteur est due à un plumitif de l'école stalinienne, pleine de clichés, de platitudes, de vulgarités intolérables. Mêmes réserves que précédemment, à faire sur le choix des textes, et cela s'applique aussi au volume suivant, que dépare en outre l'article liminaire sur « Tchernychevski et sa conception du monde », tissé de poncifs et de banalités dans le style fltaJinesque. Les éditeurs auraient bien dü donner une nouvelle traduction du fameux Que faire t puisque ce roman, critiqué avec sévérité par N. Valentinov dans la présente revue (n°8 2 et 3 de 1957), a exercé en Russie une si grande influence sur toute une génération d'intellectuels révolutionnaires. Vaille que vaille, cette collection où doit paraître un Dobrolioubov, autre écrivain et penseur inconnu en · France, donne matière à lectures sérieuses, nécessaires à l'intelligence de l'idéologie socialisante du dernier siècle en Russie, dont le dogmatisme de l'État soviétique revendique à présent l'héritage. La Librairie du Globe, à Paris, en est la principale dépositaire. LES Cahiers de l'« Institut de Science économique appliquée • commencent la publication d'une série intirul~ « Études de marxologie », sous la direction de Maximili~n Rubel. Les termes de " marxologue » t de « marxologie » ont ~ forg~ à Moscou ( marxovied, marxovédénié) dans let années 20 du présent si~cle pour ~tre appliqués à Biblioteca Gino Bianco 189 David Riazanov et à ses travaux. Fondateur de l'Institut Marx-Engels, directeur des « Archives MarxEngels » et des « ~ales du marxisme », éditeur des œuvres complètes de Marx et d'Engels, etc., D. Riazanov et sa femme ont péri dans les ténèbres de leur déportation ordonnée par Staline, victimes de la terreur des années 30 parmi des millions d'autres. D. Riazanov disparut en février 1931, un an après avoir été chaudement et officiellement honoré à l'occasion de son 60° anniversaire : « le plus éminent marxologue de riotre temps » (lsvestia, 10 mars 1930); « personnalité scientifique mondiale » ayant donné « plus de 40 ans de vie active à la cause de la classe ouvrière » (Pravda, 10 mars 1930) ; « le plus connu et le plus important des savants marxistes de notre époque » ( Correspondance Internationale, 19 mars 1930); etc. Après lui, toutes les publications dont il avait la charge disparurent également. C'est ainsi que StaUoe, considéré comme « marxiste » par tant d'ignorants dans le monde, traitait le marxisme, les marxistes et la marxologie. Maximilien Rubel, par sa compétence et sa probité · intellectuelle, n'est pas indigne de son prédécesseur et mérite le nom de marxologue. On peut se fier aux textes qu'il publie, aux références qu'il donne, aux connaissances qu'il vulgarise (dans le bon sens du terme). Il s'attache à faire mieux connaître l'œuvre de- Marx, trop souvent commentée à tort et à travers ; il promet de traduire d'anciennes contributions à l'étude du marxisme qui valent de ne pas tomber dans l'oubli; il annonce un effort de documentation et de bibliographie. Souhaitons seulement qu'il se garde du risque impliqué dans toute spécialisation à outrance, dans toute érudition qui veut se suffire à elle-même. Il va de soi que la marxologie est une chose tandis que la « science économique appliquée » en est une autre. Et surtout il importe de savoir que Marx et le marxisme ou plutôt les marxismes, à ne pas confondre, sont parfaitement intelligibles aux esprits sérieux préparés à les comprendre sans pédantisme, sans qu'il soit besoin de disserter ad infinitum sur des brouillons, des manuscrits inédits de Marx que celui-ci ne jugeait pas dignes , de publication. En matière de textes à divulguer, c'est tout de même l'opinion de l'auteur qui compte, d'abord. Commentaires Les partis et la démocratie D'APRÈSYves Lévy (Contrat social mars 1959, p. 85, 1ère col.)*, Montesquieu en écrivant !'Esprit des lois aurait oublié ce qu'il avait dit dans la Grandeur des Romains concernant les ressorts politiques d'une république. Cela nous semble exagéré. Rappelons que dans l' Esprit des lois ce ressort est la vertu, c'est-à-dire « l'amour des lois et de la patrie (...) : cet amour demandait une préférence continuelle de l'intérêt public au sien propre» 1 • La vertu ainsi définie est ce que l'on appelle aujourd'hui l'« esprit civique», sentiment public et purement politique. Or, si l'on se rapporte à la citation de Machiavel sur les deux catégories de citoyens, ceux qui « servent la République», dont il fait !,éloge, et ceux qui «rendent des services privés à des particuliers », dont il déplore les actes, • La swt de l'article d'Yvc L~vy, L,1 partis er la d,mocrati,, paraîtr dan notre pro hain num~r . ( N.d.l.R.) r. Eprit des loi IV, . •
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