Le Contrat Social - anno III - n. 3 - maggio 1959

154 Dans quelques pays, seule une partie relativement peu importante du travail des établissements scientifiques est couverte par l'État. Les ressources principales de ces établissements proviennent des entreprises ou consortiums économiques divers qui s'intéressent à leurs recherches et qui passent aux instituts ou stations expérimentales des commandes pour l'étude des problèmes qui concernent ces entreprises. L'établissement scientifique est payé conformément à un contrat et au prorata des résultats des recherches effectuées, de la répercussion de ces résultats sur la réduction des frais de production, c'est-à-dire sur l'augmentation des bénéfices de l'entreprise intéressée. Cette modalité de rémunération présente de l'intérêt également pour notre pays. Les ministères de l' Agriculture et des Finances de l'URSS ainsi que l'Académie des sciences agronomiques doivent étudier le financement des instituts de recherche scientifique et des stations expérimentales par certains établissements économiques suivant des contrats qui commanderaient aux premiers l'exécution de recherches scientifiques précises. Il est bien entendu que le financement des travaux concernant les problèmes théoriques généraux par l'État serait maintenu à côté de ce nouveau régime. Je pense que les savants qui travaillent dans le domaine de l'agronomie comprendront comme il le faut ce problème des crédits pour leur science. Il n'est nullement question de libérer l'État du devoir de financer les établissements scientifiques. Tout le monde sait que le gouvernement soviétique n'a jamais lésiné sur les crédits pour le développement de la science. Il est seulement question de consacrer les crédits alloués aux instituts au seul développement des recherches scientifiques susceptibles d'aider réellement la production kolkhozienne et sovkhozienne, susceptibles de faire progresser la science 7 • Il est certain que l'application de ce nouveau régime pourrait réveiller l'énergie des instituts somnolents et é1iminer des sujets de recherche aussi futiles que celui des freux. Mais d'autre part, elle permettra au Parti de surveiller beaucoup plus strictement l'idéologie des savants et leur conformisme par rapport aux doctrines officielles. La décision du Plenum de décembre 1958 dit clairement que « les organisations du Parti doivent examiner journellement en connaissance de cause le travail des établissements de recherche scientifique et les aider à résoudre leurs problèmes »8 • Cette phrase ne mentionne point la spécialité des établissements scientifiques à surveiller. De ce fait, la tutelle du Parti dépasse le domaine de la science agronomique et s'applique à l'ensemble de la biologie. C'est donc une nouvelle reprise en main de cette science et cette fois avec des moyens de pression moins brutaux que sous Sta1ine, mais peut-être tout aussi efficaces, car ils visent à la fois le budget des recherches et l'intérêt ·personnel du chercheur. C'est la fin de la période de tolérance relative, du « dégel » qui a débuté après la mort de Staline et qui a duré dans la science plus longtemps que dans la littérature. 7. Op. cit., pp. 85-86. 8. Ibid., p. 492• • Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE Cette tolérance relative s'est prolongée jusqu'à la veille du Plenum, car la Pravda n'a attaqué la Revue de Botanique (Botanitcheski J oumal), éditée par l'Académie des sciences, que le 14 décembre 1958, accusant ceux qui critiquent les travaux de Lyssenko, grand pontife de la doctrine mitchourienne, « d'alimenter les attaques venimeuses contre la biologie et le régime soviétiques». Parmi les biologistes plus particulièrement visés par cette attaque figure notamment le professeur N. V. Soukatchev, célèbre botaniste, géographe et sylviculteur, directeur de l'Institut forestier de l'Académie des sciences, dont le rôle fut très important dans la plantation de bandes forestières pour la protection des cultures, entreprise sous Staline et abandonnée après la mort du dictateur. Ce savant âgé de 79 ans, membre du Parti depuis 1937, titulaire de deux ordres de Lénine et de la grande médaille d'or Dokoutchaiev (très haute récompense scientifique qui lui fut décernée par l'Académie des sciences en 1951), ne pouvait certainement que contrecarrer les vues de Khrouchtchev sur l'exploitation des terres vierges, car il est un spécialiste de l'érosion éolienne, l'un des principaux obstacles à l'utilisation des terres de l'Asie centrale. D'autre part, il n'est un adepte ni de Lyssenko, ni de la doctrine mitchourienne. La suite des débats au Plenum révèle à quoi peuvent s'attendre les savants assez hardis pour avoir leur propre opinion. A la séance du 17 décembre au matin, D. I. Moustafaiev, secrétaire du P. C. d'Azerbaidjan (ou se trouve la station expérimentale de sélection des plantes où Lyssenko fit ses premiers essais en 1925 et plus tard), a déclaré dans son discours : « Quelques mots au sujet de la science agronomique. Nikita Serguéiévitch (Khrouchtchev) a parlé très nettement et très clairement des problèmes et des défauts importants ·de la science agronomique. Il me semble que nous devons tout de même confier la coordination des travaux de cette science à l'Académie Lénine des sciences agronomiques 9 • Il s'agit d'un établissement scientifique fédéral, _mais son activité est limitée à quelques instituts qui n' orit pas grande influence sur la coordination de la recherche scientifique dans les républiques fédérées. Dans chacune de ces républiques il existe un très grand nombre d'instituts agronomiques, de stations expérimentales dont le travail n'est coordonn~ que dans les limites de leur république. Un même travail de recherche est parfois accompli parallèlement dans plusieurs régions ou républiques. « Il n'y ~ pas de contact ni de contrôle mutuel des travaux des savants. Cette situation est particulièrement mauvaise dans la biologie, comme la Pravda du 14 décembre l'a indiqué en parlant 9. Lyssenko, pendant de longues années président de cette Académie, fut obligé d'abandonner ce poste au moment du « dégel » après la mort de Staline, la revue Kommounist l'ayant accusé d'avoir instauré dans cette académie un régime « à la Araktchéiev », c'est-à-dire dictatorial et brutal.

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