Le Contrat Social - anno III - n. 3 - maggio 1959

142 tiques devraient être plus de 25 millions, abstraction faire de la désislamisation entreprise par le pouvoir. Que le secret soit si bien gardé sur l'état des choses religieuses en URSS, tant sur l'islam que sur le reste, cela prouve assez que le régime communiste a tout intérêt à cacher les réalités. Mille précautions sont prises pour empêcher la vérité de filtrer aux frontières. Toute communication libre est interdite entre l'URSS et le monde extérieur, toute tentative de communication non officielle impitoyablement réprimée. Les échanges touristiques organisés dans d'étroites limites sous une stricte surveillance policière n'y changent pas grand-chose et la peur de châtiments excessifs n'incite pas aux confidences. En particulier, il est impossible aux musulmans de l'Empire soviétique d'entrer en rapport avec leurs coreligionnaires du ProcheOrient, d'accomplir des pèlerinages aux lieux saints de l'islam. Après la dernière guerre, en 1946 seulement, le gouvernement de Moscou fit mine d'autoriser enfin le pèlerinage à La Mecque. Mais les quelques pèlerins mis en route étaient soigneusement sélectionnés, rigoureusement encadrés et surveillés, au service de la propagande soviétique, et laissaient des parents en otages au pays natal. Des musulmans soviétiques encore mieux choisis furent envoyés dans les légations et consulats de l'URSS en terre islamique, des délégations soviéto-musulmanes dépêchées à la Conférence panasiatique de New Delhi en 1947. Mais c'étaient toujours des hommes aux ordres de Staline, non des serviteurs du Prophète. Et ces simulacres de liberté religieuse, simulacres de brève durée pour faire illusion au public crédule, sont restés sans lendemains ni conséquences. Autant que jamais, les populations musulmanes de l'URSS sont séquestrées derrière le rideau de fer. La statue de Lénine juchée sur la grande mosquée de Samarkand défie toujours le monde islamique. Sous la photographie qui la reproduit, dans un livre de propagande soviétique, on peut lire en trois langues : « Ce n'est plus le muezzin qui appelledu haut de la mosquée, mais Lénine... » Il faut dire que de son vivant, Lénine n'eût jamais admis une telle profanation. Des persécutions antireligieuses avaient eu lieu, certes, sous son règne, mais sans prendre l'ampleur ni le caractère implacable qu'elles allaient avoir sous Staline et ses successeurs. Le régime communiste a beaucoup évolué de Lénine en Staline, mais de mal en pis, contrairement aux espoirs d'adoucissement et de normalisation dont se berçaient les optimistes. Si l'on consulte la Petite Encyclopédie Soviétique de 1931-1932 aux mots Coran et Mohammed, on lit des notices incrédules mais non insultantes. Ce sont ·alors les années de transition entre la pratique de Lénine finissante et le pouvoir de Staline qui s'instaure. Mais aux mots Islam et · BibliotecaGinoBianco L,EXPÉRIENCE COMMUNISTE Chariat, -on trouve en germe les notions qui vont dégénérer quelques années plus tard en guerre ouverte, déloyale et sans rémission. « L'enseignement du " prophète " et fondateur de l'islam Mohammed, ou Mahomet, décelait en traits évidents le capital commercial belliqueux », dit cette EncyclopédieSoviétique (tome 3, p. 525), et c'est ce qui explique « l'obligation parmi les œuvres pies : 1, du pèlerinage à La Mecque (hadj) pour stimuler le commerce caravanier, et 2, de la guerre sainte (djihad) contre les infidèles ». De cette interprétation matérialiste et vraiment simpliste des origines de l'islam, on passe à propos du chariat dans le tome 9 à un ton plus hostile : « En URSS, le chariat n'ayant pas force juridique officielle et refoulé par la législation soviétique persiste comme l' adat dans les mœurs de régions culturellement arriérées (au Caucase, en Asie centrale), servant souvent d'appui aux éléments réactionnaires antisoviétiques. » Mais l'ouvrage date de 1931 et Staline n'était pas encore le maître absolu du destin ·des hommes et des choses soviétiques. On se réf ère encore, dans cette Encyclopédie, à la législation en vigueur. Les promesses du bolchévisme d'avant la révolution n'étaient pas alors tout à fait oubliées. La Constitution garantissait sur le papier cc la liberté de propagande religieuse ou antireligieuse » et l'on voulait espérer qu'après la guerre civile, les libertés constitutionnelles ne seraient pas de vaines paroles. Personne ne prévoyait les années terribles à venir., pires que celles des « temps troubles» de la Révolution, et où devait couler à flots le sang • innocent. L'ISLAM a pénétré en Asie centrale par l'Iran bien avant le christianisme, et au Caucase alors qu'il n'existait pas encore de Russie ni même de principauté moscovite. La première invasion. ·arabe eut lieu au début, la deuxième au milieu du VIIIe siècle. Les conquérants occupèrent la Transoxiane (plus tard : Turkestan) et s'y maintinrent 125 ans, refoulant les Chinois et le bouddhisme. Quand les Tadjiks indigènes, de souche iranienne, les battirent au 1xe siècle pour être éliminés à leur tour par les Turcs aux XIe et XIIe siècles, l'implantation de l'islam était définitive. Samarkand et Boukhara devinrent des centres intellectuels prestigieux d'où rayonnait la loi du Prophète, d'où partaient des savants et des missionnaires. (Avicenne, grand médecin et philosophe, notamment, était un Tadjik.) Au Caucase où le christianisme l'avait devancée, convertissant l'Arménie et la Géorgie, la pénétration musulmane se fit dès le VIIe siècle par le royaume irano-turc de Chirvan (devenu Azerbaïdjan) que le khalifat de Bagdad réduisit en

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