Le Contrat Social - anno III - n. 2 - marzo 1959

100 tout à ceux qui se trouvent au sommet de l'échelle. Les salaires réels doivent augmenter de 40 %. Mais comment comblera-t-on le grand écart entre cette augmentation et celle, de 26 °/4 seulement, des salaires nominaux ? Cela semble un mystère. (Les citoyens soviétiques pourraient avoir la curiosité déplacée de se poser la même question - mentalement s'entend ; c'est peutêtre pour cela que le chiffre prévu pour les salaires nominaux a été omis dans la version publiée du discours de Khrouchtchev.) Le revenu réel des paysans devrait augmenter « d'au moins 40 % ». Ici l'objectif dépend d'un facteur fort incertain, à savoir le doublement escompté de la production par personne dans les fermes collectives ; en sorte que les paysans ont peu de raisons de se réjouir. POUR en revenir au fonds de consommation, les prévisions, explicites ou non, relatives à l'augmentation des revenus réels et au nombre des personnes employées impliquent un accroissement total des revenus personnels d'environ 62 % (les prévisions officielles quant aux revenus réels sont calculées par personne employée). Les dépenses d'administration n'ont subi au cours des récentes années qu'une augmentation négligeable en termes réels, et l'on ne s'attend pas à ce qu'elles augmentent beaucoup à l'avenir. Ainsi les deux rubriques, revenus personnels exprimés en termes réels - comprenant les avantages fournis par les assurances sociales, l'éducation, les services de santé - et les dépenses d'administration comporteraient une augmentation inférieure aux 60-63 % d'accroissement prévus du fonds de consommation. Mais à l'exception des revenus personnels réels ainsi compris et des dépenses d'administration, le fonds de consommation ne couvre rien d'autre que les dépenses militaires. Il s'ensuit que les Chiffres de Contrôle prévoient une augmentation d'un peu plus de 60-63 % <lesdites dépenses. (La contradiction entre cet énorme accroissement des dépenses militaires et les assurances pacifiques incessantes de Khrouchtchev est si flagrante qu'elle se passe de commentaires.) Il est vrai que ces sommes considérables affectées aux besoins militaires peuvent n'avoir été prévues qu'à titre de précaution. S'il arrive que les besoins militaires effectifs soient plus réduits, les autres chapitres du revenu national (investissements et revenus personnels) peuvent se trouver aug- , mentes. Puisque le revenu national est censé croître de 62-65 %, tandis que le fonds de consommation n'augmenterait que de 60-63 %, l'augmentation prévue du fonds d'accumulation devrait être plus grande que celle du revenu national; en effet, elle atteindrait environ 70 %. Le gros de ce fonds consiste en investissement net, d'où l'on peut déduire que l'investissement ·net doit lui a-ussis'accroître plus vite que le revenu national, BibliotecaGinoBianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE peut-être même plus vite que le total du fonds d'accumulation. Voilà encore maintenue une des grandes traditions de Staline, selon laquelle un proportion sans cesse croissante du revenu national est affectée aux investissements. Il existe évidemment une grosse différence, en matière d'accroissement planifié du revenu national et de ses composantes, entre les Chiffres de Contrôle pour 1959-65 et les premières années du programme d'industrialisation. Autrefois l'expansion des investissements était obtenue en maintenant les revenus personnels à des niveaux très inférieurs à ceux d'avant l'effort d'industrialisation. Aujourd'hui, le gros potentiel déjà accumulé permet le maintien de la tradition stalinienne (ou bien serait-ce là une de ces « lois de développement harmonieux de l'économie socialiste conformément au plan» ?) avec une croissance simultanée et non négligeable des revenus personnels. M. Peter Wiles, ayant présenté une analyse des plans quinquennaux qu'il croit devoir m'attribuer, ajoute : « Cette vue tient compte plus qu'il ne faut de la période d'avant guerre en URSS, période chaotique et expérimentale» 4 • Impressionné à juste titre par le développement économique soviétique, il semble le mettre en relation avec la planification. L'auteur du présent article est lui aussi frappé par les taux élevés de cette croissance, mais il croit que la planification soviétique à longue et moyenne échéances constitue pour l'essentiel un f011i11is,et il se demande comment des plans aussi mal conçus ne nuisent pas davantage à ce progrès économique. L'article de M. Wiles a paru en j11in 1957, après que la croissance industrielle en URSS se fût déjà ralentie pour la raison absurde que depuis des années - probablement depuis 1950, mais certainement depuis 1951 - on avait commencé à réaliser un plus grand nombre de projets d'investissement qu'on n'en pouvait achever dans un délai rajsonnable. Comme conséquence, leur achèvement était tout à fait inadéquat, et il s'ensuivait une réduction des taux de croissance. La production de l'acier avait augmenté de 9,4 % en 1955, de 7,3 % en 1956 et de 4,9 % en 1957. L'augmentation insatisfaisante de la production d'acier se répercutait défavorablement sùr celle de l'outillage, lequel représente près de 40 % de la production industrielle totale. Les prévisions pour l'outillage n'étant pas atteintes, cela nuisait aux autres industries et aux autres ·secteurs de l'économie. Phénomène vraiment étonnant : une dictature d'une sévérité inouïe s'avérait apparemment incapable de diriger ses propres ministères, pourtant situés à Moscou. Ces ministères incluaient dans leurs plans des constructions pléthoriques, et le Gosplan se révéla incapable d'y remédier en élaborant les plans définitifs. 4. Oxford Economie Papers, nouvelle série, 9, no. 2, p. 255.

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