Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

B. DE JOUVENEL la désaffection des provinces. En fait, les organismes de gouvernement se révélèrent capables d'imposer l'empereur de leur choix. En tant que système politique, l'Empire romain n'était pas original ou spécialement efficace. Il fut administré de la même façon que l'avaient été tous les autres empires pendant trois mille ans. Une seule chose est digne de remarque : il fut le premier à avoir son siège en Europe. Le fameux réseau routier établi par les Romains est l'image même du système gouvernemental de la Rome impériale, semblable à celui des anciens empires d'Asie et maladroitement imité en Europe par ses «successeurs », les États barbares. Si les historiens des constitutions pensaient moins aux mythes, dont il convient pourtant de ne pas négliger l'importance, pour s'attacher à l'histoire de l'administration, ils mettraient en lumière le fait que les empires ont tous été administrés, en gros, de la même façon, et que cet ordre de choses n'a changé qu'avec l'installation de moyens de transports et de communication plus rapides. Auparavant, il était à peu près inévitable qu'une grande autonomie fût laissée aux _gouverneurs des provinces, que sur le plan local les habitants eussent une sorte d'autogouvernement, que cependant cet autogouvernement fût responsable devant le gouverneur romain, responsable à son tour devant les autorités de Rome. Les anciens historiens, uniquement occupés des grands conflits politiques, donnent peu de lumières sur l'administration locale. Les Évangiles nous éclairent davantage parce qu'ils mettent l'accent sur ce que l'on peut appeler les cas individuels. Outre la valeur transcendante des Évangiles pour les chrétiens et les valeurs morales ·qu'ils représentent pour le reste des hommes, ils ont aussi une valeur historique considérable : ils montrent de manière concrète les relations réciproques des autorités provinciales et du gouverneur romain aux premiers temps de l'Empire. On peut y voir le signe évident de leur véracité historique. Les royaumes européens Après cette incursion rapide dans l'Empire romain, revenons aux «successeurs», les États nés en Europe des invasions barbares. A l'origine il y a recul de la centralisation et de l'extension administratives, puis le système se reconstitue peu à peu. Ce processus eut pour point de départ géographique la France et comme centre le duché de Normandie, qui transmit son sens de l'administration à l'Angleterre, premier pays européen Biblioteca Gino Bianc 21 à s'être constitué une armature administrative. Le royaume de France et le duché de Bourgogne furent, plus tard, deux points d'application du système, adopté à leur tour par l'Autriche et l'Espagne après le mariage bourguignon de Maximilien de Habsbourg. On pourra penser que nous sommes loin du sujet. Si je donne cette impression c'est uniquement par maladresse. En effet, il y a un rapport étroit entre ce que j'ai à dire maintenant et le problème abordé. L'idée de la participation au gouvernement ne pouvait venir à l'esprit des habitants des royaumes européens. 11 n'y avait pas eu participation sous l'Empire romain ; cela était physiquement impossible sous un gouvernement monarchique. Pendant près de quinze siècles les Européens n'ont pas pensé en termes de participation au gouvernement. Ce qui les intéressait avant tout, c'était la sauvegarde de leurs intérêts personnels et collectifs, sous forme de droits, privilèges et franchises. Voilà ce que l'on peut considérer comme le principe de l'idée. moderne, par opposition à l'idée classique, de la démocratie. C'est la lutte pour les droits de l'individu, de la famille, de la profession, et pour leur maintien, qui a constin1é le monde moderne. Le plus redoutable ennemi de ces droits, c'était, tout proche, le seigneur féodal ; le roi, protecteur lointain, bénéficiait de la faveur populaire. En même temps qu'on en appelait au roi, les communes se formaient. Une étude approfondie montre que ce n'était pas le droit de gouverner mais bien les moyens d'assurer les droits individuels et collectifs qui étaient recherchés. La dispersion des royaumes favorisa la transformation du gouvernement en un pouvoir spécialisé auquel ne désiraient pas participer les sujets, mais auprès duquel ils cherchaient protection sans lui accorder grand-chose en retour. La conception européenne du gouvernement au Moyen Age peut être résumée ainsi : le gouvernement est ce pouvoir spécialisé qui doit assurer au plus bas prix possible l'exercice des droits privés de chacun. Les populations locales accueillaient avec joie les juges royaux qui venaient demander des comptes à leurs oppresseurs ; en même temps elles refusaient l'impôt. En termes anachroniques, être assuré contre tous risques sans av.oir de prime à payer, ou le moins possible, telle était alors l'aspiration générale. Cette attitude détermina en partie le développement des institutions libérales en Europe. (Traduit de l'anglais) BERTRANDBJOVVEN 1,

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