Le Contrat Social - anno III - n. 1 - gennaio 1959

20 rassembler pour prendre ensemble toutes les décisions. Quand la communauté est vaste le rasse~blement est matériellement impossible. En fait, les penseurs grecs trouvaient que les A~éniens étaient beaucoup trop nombreux. Hi~podamos, «un homme à l'esprit pratique qui amenagea le Pirée dans le style américain le plus ~oderne ~ 6 ,. affi.~ait que le nombre idéal des citoyens etrut de 1 ordre de 10.000. Aristote disait que chaque citoyen devait pouvoir connaître tous les autres de vue et cela est très révélateur : la communauté, pensait-on, était un cercle d'amis qui ne pouvaient se déchirer. Là étaient à la fois la condition et l'effet de l'amitié sociale, le bien social suprême. On prétend généralement que nous avons tourné la difficulté du nombre en substituant à la totalité du corps des citoyens un microcosme, le corps des .représentants élus. Toutefois, il semble fantastique de prétendre que la réunion de députés élus par le peuple soit l'équivalent de l'assemblée du peuple lui-même. Cette idée a. sa source en France et s'est ensuite répandue ailleurs. Nous ne nous attarderons pas à rappeler comme~t, ~u temp~ d~ l;=tRévolution française, le besom violent et Justifie de réformes, de transformations politiques limitées, fut emporté par ce .que l'on pourrait appeler « l'enthousiasme antique » pour le gouvernement du forum. Celui- . . , , . c1 aurait ete, croyait-on, celui des Francs aux temps mythiques du roi Pharamond. On s'enflammait pour Sparte et la Rome républicai11e plutôt que pour Athènes. Il faudrait relever le paradoxe de cette admiratio~ frénétique des Jacobins pour la cité oligarchiqu~ ~t conservatrice de Sparte. l.,e délire que susc1ta1ent Brutus, un usurier, et les Francs, ~es conqu~~ants barb~res, n'était pas moins etonnan~. L lr!1portant c est que l'idée du «peuple assemble » _ag!t alors_ comme un mythe puissant pour aboutir a la notion plus pratique du «peuple assemblé .fictivement en la -personne de représen~ants choisis ». Ainsi la fiction que l'Assemblée 1!ationale ,est, pour toutes. les"mesures pratiques, 1 assemblee du _p~uple lui-m_e~e, s'est répandue d~s toute la litterature politique française posterieure. · Si l'assemblée du peuple a un si grand mérite · ce ~'est pas parce qu'elle prend les décisions les meilleure~. (Aucun système n'offre la garantie des « meilleures décisions». Et d'ailleurs quels s~raient les critères ~'~I?préciation ?) Son mérite vient de ce que les de9is1ons prises sont ressenties par le peuple commê les siennes propres. Tous les observateurs politiques savent que les Français ne sont pas du tout disposés à regarder les .décisions de l'Assemblée nationale comme les leurs. Quels que soient le·s défauts du « gouvernement du forum», celui-ci donne aux individus le sens ---· ---------- Bfblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL de leur participation et de leur responsabilité qui manque absolument dans les pays où· le gouvernement parlementaire se présente comme un pseudo-forum. On peut regretter que le gouvernement du forum soit ·inapplicable dans des nations très peuplées; le pseudo-f9rum n'est toutefois pas un remède. Nous devons accepter que la démocratie directe ne puisse. s'instaurer dans de vastes ensembles. 7 En fait, l'influence de ce mythe, en lui-même séduisant, s'est exercée en Occident dans un contexte historique tout différent. A propos de l'Empire romain QUANDNous considérons l'histoire politique de l'Occident, un fait nous frappe d'abord : les États se sont formés sur une vaste échelle. L'Empire romain, qui était de type asiatique, servit de modèle. Nous apprenons dans les. manuels que l'amant de Cléopâtre perdit la bataille d' Actium. C'est là un événement militaire de peu d'importance. La vérité, c'est que les institutions· égyptiennes triomphèrent des · institutions romaines. 8 Prise dans un sens très large, l'histoire politique de l'Orient commence naturellement plus tôt que celle de l'Europe. Elle fut caractérisée dans une première étape par l'avènement de très grands empires, même à notre échelle actuelle. Le gouvernement . de vastes territoires à partir d'une capitale, si imprécise fût-~lle, exigeait un appareil d'État dirigé du palais. Le gouvernement sumérien, pour prendre un.exemple extrême, était plus «moderne» que le gouvernement athénien, ce qui ne veut pas dire qu'il était meilleur mais qu'il était plus proche des structures qui nous sont familières. Un chef de l'exécutif résidait dans un palais où lu! étaient soumises toutes les questions, d'où paqruent tous les ordres à exécuter par des a&e~t.s responsa~l~s devant lui. Un pouvoir de decision centralise, des agents d'exécution, ce sont là des caractères que l'on retrouve dans toute va~te organisation. Notons en passant que ces empires ont connu une grande instabilité. Pouvoir réel et pouvoir nominal changeaient souvent de main et le palais était le théâtre de maintes _cabales. L'empire risquait d'autre part de s'effriter car le peuple ne nourrissait pas de véritable sentiment national. Quand la soif insatiable de pouvoir des Romains renforcée par· la soif d'argent de l'ordre équestre' eut étendU' l'Empire à tout le bassin de la Médi~ terranée, Rome adopta l'organisation asiatique .. Elle connut à son tour les intrigues de palais et 7. On peut chercher à l'instaurer localement. 8. On peut imaginer que si Antoine avait été victorieux à Actium l'Empire aurait été gouverné d'Égypte. Dans ce c~s l'Italie aur~it fai_ts_éce~sionet la vi~toir~ égyptienne lijr!Ht çmpeeb1ç éi)7ptli\lH!i!~9!} t9tllç 'l\ü IWYit, '

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