L. LAURAT et pl, et les tendances découlant du changement de ces rapports : surpopulation relative, baisse du salaire relatif, baisse tendancielle du taux de profit, tendances qui, en se conjuguant, expliquent les crises périodiques. C'est par l'effet de la concurrence que s'affirment les rapports changeants entre les subdivisions de la plus-value. Celle-ci se répartit de deux manières : d'une part elle se scinde en une fraction consommée par ses bénéficiaires et une autre « accumulée » (c'est-à-dire investie), d'autre part elle se partage en bénéfice (industriel, commercial, bancaire), intérêt (rémunération du capital de prêt) et rente foncière. C'est en raison d'une concurrence inentravée que s'établit la proportion entre les fractions consommée et accumulée de la plus-value et que s'opère sa répartition en bénéfice, intérêt et rente foncière. Marx savait fort bien que la concurrence inentravée n'existe pas dans la réalité. Elle n'était pour lui qu'une hypothèse de travail, une abstraction lui permettant une première opération d'approche, et il se proposait d'introduire par la suite dans son capitalisme « pur » les correctifs susceptibles d'altérer les automatismes. Les livres II et III du Capital, publiés après sa mort, montrent qu'il s'était engagé dans la voie des approximations graduelles au fur et à mesure qu'il remontait des catégories abstraites aux phénomènes concrets. A l'époque où fut conçu le Capital, les entraves à la concurrence étaient d'ordre essentiellement précapitaliste 3 et il était licite d'en escompter l'affaiblissement et la disparition en fonction de l'extension même du capitalisme. Mais tout en é]iminant les entraves précapitalistes à la concurrence, le capitalisme en créa d'autres de par son propre fonctionnement. Marx est mort trop tôt pour en prendre nettement conscience. 4 Ce n'est que depuis le début du xxe siècle que la limitation de la concurrence apparaît comme une conséquence inéluctable de l'évolution capitaliste elle-même et qu'elle s'impose comme telle à l'attention des théoriciens. De bi-dimensionale, l'économie capitaliste tendait de plus en plus à devenir tri-dimensionale : à l'action des monopoles capitalistes s'ajoutait de plus en plus fortement et fréquemment l'intervention de l'État, en altérant encore davantage le jeu de l'offre et de la demande. Depuis le début des années 30, il s'avère que tous les automatismes décrits et analysés par Marx sont battus en brèche par l'action consciente - tantôt nocive, tantôt bénéfique - de la volonté 3. Un jeune économiste social-démocrate allemand, Michael Schmidt, dans sa thèse de doctorat : Die OrdnungsJrage in der Wirtschaftspolitik der deutschen Sozialdemokratie (1955), attirait récemment l'attention sur cc fait généralement ianoré ou négligé. 4. Vers la fin du siècle passé, Engels consacre déj plusieurs remarques, brèves mais substantielles, aux monopol et au dumpin,. Biblioteca Gino Bianco 363 humaine. Aucune des modifications jadis accomplies sous la pression de l'offre et de la demande ne s'opère plus en vertu des lois énoncées par Marx. L'économie orientée du monde libre a mis en échec dans une mesure jusqu'ici inconnue la loi de la surpopulation relative 5 , elle a contrecarré celle de la baisse du salaire relatif et elle a évité depuis la guerre les crises majeures, soit dit en constatant des faits et sans formuler de pré- • • v1s1ons. Le partage de la plus-value en une fraction consommée et une fraction accumulée ne s'opère plus aveuglément, mais en fonction de considérations où des prévisions s'inspirant de l'intérêt général l'emportent largement sur l'automatisme de la concurrence. La législation règle d'une manière de plus en plus souveraine la répartition de la plus-value entre ses bénéficiaires : elle détermine1es parts respectives qui se convertissent en bénéfice, en intérêt et en rente foncière. L'État lui-même prélève d'ailleurs une part croissante sur cette plus-value ; savoir s'il en fait un bon ou un mauvais usage est une question distincte. Ainsi l'économie marxiste, dans la mesure où elle a aidé à comprendre la structure et le fonctionnement du système capitaliste, a cessé d'être d'actualité. Les formations économiques présentes en Europe occidentale et en Amérique du Nord sont trop différentes de celle qu'analyse le Capital pour qu'il soit possible de les scruter, d'étudier leurs lois et de définir leurs tendances à l'aide des notions de Marx. Non seulement les concepts et les catégories marxistes sont ici inapplicables (et a fortiori aux systèmes pseudo-socialistescommunistes ou aux économies des régions sous-développées) mais encore l'évanouissement des automatismes inhérents à une économie éminemment concurrentielle interdit désormais de raisonner en vertu des lois spontanées qui réglaient jadis la circulation de la valeur entre les différents secteurs de production, entre les classes sociales et entre les subdivisions de ces classes. EST-CE à dire que la théorie économique du marxisme soit morte et qu'elle n'ait plus rien à enseigner à la génération rrésente ? Au cours de l'évolution qui aboutit à 1 extinction des automatismes analysés par Marx, l'interpénétration progressive de l'État et de l'économie a produit un changement radical de l'objet et de la méthode de la science économique. Depuis un demi-siècle, l'accent s'est déplacé de l'économie politique (recherche et analyse des lois objectives) vers la politique économique ( action consciente sur le déroulement du processus éco11omique). Ni 5. La surpopul tion dons les r gion s u -développé s (l'Inde par ex mple) a d'autres cause que le lois du }'1tèm capitaliste.
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