Le Contrat Social - anno II - n. 6 - novembre 1958

P. BARTON font partager les risques de l'entreprise sans lui permettre de participer aux décisions déterminant le programme. 30 . L'inspection du travail a subi, depuis la fusion du commissariat du peuple avec le Conseil central des syndicats, une dégradation considérable. La position subalterne des syndicats visà-vis des administrations économiques a déjà été mentionnée, ce phénomène n'est donc pas surprenant. Les commentateurs officiels euxmêmes admettent qu'il y a là une relation de cause à effet. I. L. Kissélev, par exemple, en constatant que l'inspection du travail est défectueuse parce que peu exigeante envers les directions des entreprises, explique cette attitude des inspecteurs par celle des syndicats qui les emploient : ceux-ci « manquent de combativité et de fermeté sur les principes », « évitent, dans de nombreux cas, d'entrer en conflit avec les dirigeants des affaires », etc. Et de préciser : « Les praesidiums des Comités fédéraux n'ont pas toujours soutenu les exigences légitimes que leurs inspecteurs techniques formulaient à l'endroit des responsables économiques. 31 En outre, les syndicats ont entrepris des réformes de structure par lesquelles l'inspection du travail a été graduellement paralysée. En novembre 1940, pour réduire les effectifs de cette institution et réaliser .ainsi des économies, ils ont supprimé l'inspection sanitaire et celle de la législation du travail dont furent chargés les inspecteurs techniques. 32 Ceux-ci, recrutés parmi des ingénieu~s et techniciens, n'ont évidemment aucune qualification pour exercer ces fonctions. Bien plus, les problèmes soulevés par les mutations des salariés, les licenciements, les heures supplémentaires, etc., sont une matière si abondante que ces ingénieurs ne trouvent plus le temps de s'occuper dûment de l'inspection technique elle-même et finissent pas négliger l'ensemble de leur tâche. 33 De plus, par un arrêté du 21 janvier 1944, le praesidium du Conseil central des syndicats entreprit de définir à nouveau les devoirs et les droits des inspecteurs techniques 34 ,. prescription qui se signale par des lacunes remarquables. De cette façon, elle réduisit sensiblement les pleins pouvoirs dont les inspecteurs avaient été munis jusque-là et légitima diverses infractions à la législation du travail. Voici les plus importantes de ces omissions 35 : 30. Cf. Paul Barton : Convention~ . collective~ et réali~és oufJrih'e1 en Europe de l'Est, les Éditions ouvrières, Paris, 1957. 31. Article cité de 1. Kissélev dans Sotsialistitcheski troud, 1957, n° 3. 32. Ibid. 33. Cf. l'article cité de I. L. Kissélev, dans Sovietskoé goslOUdar1tfJoi pravo, 1956, n° 4. 34. Sbornik zakonodatelnykh aktov o troudé, pp. 275-277. 35. Cf. l'article cité de I. Kissélev, dans Sotsialistitcheski lroud, l9.S7, n° 3. Biblioteca Gino Bianco 353 1. Le droit de l'inspecteur de procéder à ~e enquête concernant les infractions aux prescnptions protectrices de la main-d' œuvre n'est pas réglementé ; 2. Les formes dans lesquelles l'insp!:cteur p~ut se présenter devant les organes d mstruct1on judiciaires ne sont pas définies ; 3. Il n'est pas question de pro~é?u;e pe~ettant de remettre des dossiers au mrmstere public ; 4. Le droit de l'inspecteur ~e p~cipe~ à la réception des nouvelles installations mdustnelles est formulé d'une manière qui n'est pas conforme aux dispositions du Code du travail; 5. La procédure relative à l'arrêt du travail dans les ateliers, où la vie ou la santé des travailleurs sont exposées à un .d~ger ~.édiat, n'est pas conforme aux prescriptions anteneur~s qui autorisaient l'inspecteur à mettre sous scelles les locaux en question. Pour se faire une idée de la dégradation que l'inspection du travail a subie dans la pratique, il n'est que de lire les déclarations du professeur Alexandrov sur les effets salutaires des décisions adoptées par le Comité central du Pa~ en,_décembre 1957. Afin de démo~trer comb~e~ 1~spection concernant l'observation de la legislation du travail a été renforcée par ces décision~,. le professeur cite les cas suivants : sur proposition du conseil des syndicats de l\ras!1oïarsk, ~e directeur d'une entreprise fut destitue et tra~lllt . . . , en Justice pour ne pas avoir paye aux ouvners les majorations qui leurs étaient dues conformément à la rémunération au rendement avec échelle progressive, pour avoir illégalement imposé ~es amendes et enfreint les règles de la protection du travail; l'inspecteur du comité régional de . , . Moscou du syndicat des constructions mecaruques frappa d'une amende un chef d'atelier qui avait enfreint la législation du travail ; l'inspection du travail de Vorochilovgrad infligea une amende à un contremaître qui avait ordonné des heures supplémentaires en violation de la loi. 36 Si cela représente une amélioration considérable, on peut imaginer aisément les pratiques antérieures. Ainsi les incidences de la législation du travail expliquent pourquoi la politique poursuivie dans ce domaine subit assez régulièrement des révisions et des retours en arrière partiels qui contredisent ses tendances fondamentales et permanentes. 37 Ces révisions sont forcément limitées et incohérentes : l'État soviétique ne dispose d'aucun instrument approprié, permettant d'agir dans le sens voulu, d'une manière méthodique et efficace. PAUL BARTON 36. N. Alexandrov : u Le droit soviétique du travail à l'étape actuelle•, dans Sotsialistitcheski troud, 1958, n° 5. 37. Cf. notre article • La législation du travail en URSS », dans l, Contrat 1ocial, septembre 1958.

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