Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

304 dirigeant de la « direction collective » ne laisse rien au hasard et, après avoir préparé le congrès dans les moindres détails prévisibles, il siège en permanence durant la session, règle les débats, répartit les rôles, nomme les rapporteurs, dicte les interventions, prend toute décision inspirée des circonstances (en ce sens seulement il peut «improviser», mais à titre collectif). Le Comité central dirige le Parti dans l'intervalle des congrès, mais le congrès commence par nommer un presidium qui le dirige, et ce presidium comprend les membres du presidium du Parti assistés de futurs membres de cet organisme, et de quelques auxiliaires, de comparses. Le noyau dirigeant assure donc la continuité du pouvoir sans interruption et lui seul a pu décider le discours secret de Khrouchtchev comme les interventions antérieures. Du moins c'est ainsi que les choses se passent jusqu'à présent et aucun renseignement digne de foi n'indique le moindre changement à cet égard. M. Rush en arrive· à son premier mystère et produit une série d'affirmations sans preuves, traitant de mythe la « direction collective », identifiant le pouvoir de Khrouchtchev en 1957 à celui de Staline en 1930 et cherchant à démontrer que Khrouchtchev a suivi après la mort de Staline le même chemin que Staline après la mort de Lénine. Le Comité central élu au xxe Congrès, écrit-il, était bourré de partisans de Khrouchtchev (il sait la pensée intnne des 133 membres et 122 suppléants), néanmoins il n'a pas modifié la composition du Presidium (alors ?), encore que quatre « adhérents » de Khrouchtchev aient été nommés suppléants, et un cinquième l'année suivante. Tout cela préparait l'éviction préméditée des rivaux de Khrouchtchev. M. Rush oublie l'essentiel, à savoir que le « mystère », s'il en faut un absolument, date de mars 1953 quand Malenkov fut bouté hors du secrétariat, quelques jours après la mort de Staline, et que Khrouchtchev devint premier secrétaire en fait, avant d'être nommé ainsi en titre (septembre de la même année)~ A ce moment, le Comité central n'était pas bourré (packed) de créatures de Khrouchtchev, il ne comptait que des membres choisis par Staline et Malenkov. De même, la Commission de contrôle et le Conseil des ministres. Par quel mystère, si mystère il y a, Khrouchtchev s'imposa-t-il à l'assemblée plénière de ces institutions supérieures en mars 1953, alors que Malenkov perdait sa position principale de secrétaire? M. Rush passe le fait sous silence et décide que l'histoire part de 1957, quitte à remonter à 1956 pour y trouver après coup des signes annonciateurs. , TOUTE UNE ÉCOLE de « kremlinologie » veut que Khrouchtchev, à l'instar de Staline et d'autres, ait eu a priori ses partisans, ses adhérents, ses « supporters », ses « protégés ». Par exemple Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Chepilov était classé « protégé » de Khrouchtche~, qui l'a mis à la porte, Joukov également, mais ensuite Khrouchtchev est devenu le protégé de Joukov et l'on sait comment ils se sont protégés l'un l'autre. Staline avait eu ses « protégés », entre autres Roudzoutak, Kossior, Postychev, Eikhe, Voznessenski, etc., qu'il fit torturer et mettre à mort. « Protégé » est un des mots-clefs de tout kremlinologiste qui se respecte. M. Rush a aussi des lumières spéciales sur les « protégés» de Khrouchtchev parmi lesquels il rangera notamme:nt Souslov et Pospelov, sans doute parce que son livre a paru prématurément. Il préfère ignorer Chepilov, dont le cas gênerait son argumentation. 11 voit des « protégés » là où leur absence nuirait au tableau. Mais il n'explique pas la prééminence de Khrouchtchev en mars 1953; issue d'une assemblée de «protégés» de Staline et de Malenkov, point de départ de cette ascension que le livre se propose de traiter, ascension accomplie en réalité plus qu'aux trois quarts sous Staline. 11 entend que l'hi5toire comm~nce en j11in 1957, à la rigueur avec t1n peu de préhistoire partant du congrès de 1956, se privant ainsi d'y rien comprendre. Pourtant Khrouchtchev ne s'est p-:,s imposé en mars 1953 en suivant la voie de Staline : il a été élu par ses pairs sans recourir aux grands moyens de son prédécesseur au Secrétariat, qui étaient la torture et la peine de mort appliquées aux suspects, à leurs parents, à leurs enfants, à tous leurs proches. Sa consécration ultérieure comme premier secrétaire, son rôle croissant sur les divers plans de }3 politique, ses succès obtenus contre les opoosants, sa nomination superfétatoire à la pré ~dence du gouvernement nominal sont des co .,équences de l'événement initial : mars 1953. En méconnaissant cette vérité élémentair~, dès le début, M. Rush se condamne à e er tout au long de son ouvrage. Or le p: i . ent compte rendu ne dépasse pas encore sa page 2, au bas de laquelle apparaissent les « st:"1liniens durs » et les « libéraux » qui n'existent que dans l'imagination des kremlinologistes à court de commentaires. 11 ne sera donc pas question de discuter pas à pas les affirmations dont M. Rush a tissé sa compilation bizarre, sans ordre ni méthode, d'une manière si incohérente qu'il faudrait regrouper ses thèmes avec quelque esprit de suite avant d'en faire la critique. Travail fastidieux et interminable en perspective, car la plupart de ces affirmations sont tantôt fausses, tantôt insérées dans un contexte qui les rend arbitraires, quand elles n' enfoncent pas des portes ouvértes (et alors on se demande ce que l'auteur veut prouver). Quelques exemples pris dans le seul premier chapitre, qui n'a que cinq pages, dispenseront d'écrire tout un volume. La distinction vulgaire entre staliniens et libéraux, acceptée par M. Rush, ne correspond à rien de réel : Staline n'a laissé comme successeurs que des staliniens dont les divergences de vues concernent l'opportunité et l'efficacité éventuelle de leurs .pratiques, non la volonté de -puissance •

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