L'expérience communiste LA LÉGISLATION DU TRAVAIL EN U.R.S.S. par Paul Barton DEPUIS TROIS ANS, le pouvoir soviétique se préoccupe beaucoup de la législatjon du travail à laquelle, abstraction faite de rajustements mineurs, il n'a pas touché pendant quinze ans. Et sa nouvelle activité dans ce domaine est de nature à inspirer à ses juristes certaines thèses diamétralement opposées aux syllogismes par lesquels ils se distinguaient dans le passé. Le professeur Alexandrov par exemple découvre que le socialisme est caractérisé par le libre contrat de travail ; que le placement des ouvriers par voie administrative est incompatible avec la liberté contractuelle; que les décrets de 1940 substituant au libre changement d'emploi les transferts forcés de la main-d' œuvre portaient atteinte à cette dernière. De plus, il voit dans la récente abrogation de ces décrets un des « résultats extraordinairement salutaires de la liquidation des conséquences du soi-disant '' culte de la personnalité '', celui-ci ayant jadis favorisé les purs procédés administratifs qui se substituaient, en tant que méthode fondamentale de la direction des masses, à la réalisation des principes léninistes de persuasion et d'engagement de l'intérêt matériel des travailleurs dans les résultats de leur travail » 1 • En 1954 encore, ce même professeur semblait inébranlable dans sa conviction que les décrets de 1940 étaient liés aux « succès dans le développement de l'industrie socialiste » 2 • On pourrait citer bien d'autres exemples du m!me genre. Le législateur lui-même se trouve d'ailleurs amené à contredire aujourd'hui ce qu'il affirmait hier. C'est ainsi qu'il explique, en renouvelant l'interdiction du travail des femmes au fond des mines, 1. N. Alcxandrov : • Soviétako~ troudovo~ pravo na sovr~- mennom ~tapé • (Le droit soviétique du travail à l'~tape actuelle), dans Sotsialistitcheski troud, 1958, n° 5. 2. Id., SDfJi,isko, troudOfJo,pratJo (Droit sovi~tique du travail). Go1iourizdat, Mo1cou, 1954, p. 184. Biblioteca Gino Bianco qu'il s'agit d'« améliorer à nouveau la protection du travail et de la santé des ouvrières » 3 , tandis que l'abrogation de cette interdiction était motivée par « la mécanisation croissante et le perfectionnement de la technique de sécurité s'appliquant aux travaux du fond dans l'industrie minière » 4 • Aperçu de la nouvelle législation LA NOUVELLELÉGISLATIONcomprend des textes de portée inégale; à côté de quelques lois ou décrets visant certains traits essentiels des rapports de travail, on trouve, il va de soi, une foule de prescriptions presque insignifiantes. Mais l'ensemble embrasse les aspects les plus divers de la condition ouvrière : 1. Choix et changement d'emploi. La mobilisation des jeunes gens pour les « réserves de la main-d'œuvre de l'Etat », pratiquée en vertu du décret du 2 octobre 1940 5 , a été remplacée par un recrutement normal des apprentis, fondé sur les demandes d'admission 6 • L'interdiction de changer d'emploi, introduite par les décrets des 26 juin 7 et 17 juillet 1940 8 , et la mutation forcée des travailleurs d'une entre3. Sobranié postanovlénii, 1957, n° 8. 4. Ibid., 1940, n° 30. 5. La traduction française de ce texte a été publiée dans la brochure de la Commission internationale contre le régime concentrationnaire, La condition ouvrière en URSS. Le Pavois, Paris, 1951, pp. 88-92. 6. Sbornik zakonodatelnykh aktov o troud, (Recueil des textes législatifs sur le travail), préparé par I. M. Sakharov, N. N. Boderskov et V. I. Merkoulov sous la dir ction de D. S. Karev. Gosiourizdat, Moscou, 1956, pp. 44-45. 7. Traduction française dans : Code plnal de la République f ,d,rative d, Russie, trad. de J an Fonteyn . E. C. A., Bruxelles, 1951, pp. 98-100. 8. l•tJ11tia, 18 juillet 1940.
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