Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

284 j'ai senti qu'il a été, avec les purs marxistes, un des excitateurs de l'inimitié des Français les uns à l'égard des autres. Au lieu de nous apprendre par de belles œuvres harmonieuses, subtilement et noblement pensées, à nous connaître, partant à nous supporter, il a participé à des mouvements et à des polémiques qui n'ont fait qu'accentuer l'esprit factieux que les Français tiennent de la révolution et de la contre-révolution. Barrès m'a éloigné des choses du parlement pour lesquelles, mes livres en témoignent, je n'ai jamais éprouvé qu'une fort subalterne sympathie de préférence : cela plutôt que ceci. Mais à ce : plutôt, je tiens beaucoup, en attendant. Point de noblesse chez ce parlementaire, en tant que parlementaire. Nous nous disions : pourquoi reste-t-il dans .ce milieu qu'il méprise bruyamment ? 11 y a dans l'esprit des adolescents de ces rectitudes logiques qui les rendent sévères, trop sévères ; le temps les adoucit ; nous aurions dû nous dire qu'il avait plus d'ambition que cj.e caractère; et passer, en ne lui demandant que de la musique. Ils sont heureux ceuxquele temps délivre de cet excès de rigueurs intellectuelles ! Quelle impression tirer de ces souvenirs rapidement rapportés ? 11y a eu, comme je le disais à l'instant, plusieurs équipes dans ma génération ; mon équipe a subi l'influence de Taine, mais elle s'émancipa assez promptement de son pessimisme et de sa logique - cette influence ne fut jamais totale, d'ailleurs, même dans sa période aiguë. La caractéristique de l'équipe fut sociale; caractéristique profondément inscrite en nous, du moins en moi. Je sais toutes les circonstances • Biblioteca Gino Bianco ANNIVERSAIRE qui nous assaillirent si souvent pour nous éloigner de nos curiosités et de nos ardeurs sociales : ne serait-ce que l'enseignement de nos maîtres au lycée, puis l'enseignement du droit tel qu'il était pratiqué dans .ma jeunesse. Jhering et, à ses côtés, mais très fort son inférieur, un singulier personnage fort oublié aujourd'hui, Emile Acollas, _qui avait pour particularité de détester · avec des fureurs infatigables l'excellent et l'innocent Portalis, nous sauvèrent de ce mortel • • • • et monotone enseignement, qw se pourswvait comme si le droit ne correspondait pas à quelques fins humaines. Nos civilistes, en ces temps lointains, nous parlaient en prenant l'attitude de notre professeur de philosophie, comme si nous n' étions pas. Ils parlaient, en effet, loin de nous, du fond d'un tombeau : les travaux préparatoires du Code civil. Quand on se reporte à ces temps révolus, où la plupart des professeurs étaient fort audessous de leurs fonctions (heureux étudiants d'aujourd'hui qui avez des maîtres savants et humains !), on a peine à croire à la réalité d'un tel régime. Ces gens modérés étaient modérés à l'excès ; et ignorant les problèmes sociaux, ils nous abandonnèrent à notre imagination ; les uns, parmi nous, se livrèrent aux ardeurs de leur cœur, les autres à leur égoïsme ; d'où cette législation de I 900 si socialement inhospitalière, si peu liée, donnant sans grandeur, retenant avec parcimonie. Ceux qui nous suivent seront, je l'espère, plus clairvoyants et plus actifs, en méditant l'histoire du xix0 siècle tourmenté. MAxIME LEROY • , ,

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