M. NOMAD cratique, expression sonnant mieux que « bourgeois ». De leur côté, les populistes autochtones, bien que s'intéressant plus particulièrement aux paysans, n'étaient pas sans reconnaître l'importance du travailleur manuel salarié dans le bouleversement social en perspective. Mais, là encore, le dernier mot était la nécessité historique de l'étape démocratico-bourgeoise. Dans une discussion entre Plékhanov, le père du marxisme russe, et Tikhomirov, alors principal porte-parole de la «Volonté du Peuple » (l' organisation terroriste qui avait « exécuté » le tsar Alexandre II) des propos mémorables furent échangés, qui jettent une certaine lumière sur la question, car ils expriment, en très peu de mots, la position assez fruste des populistes et celle, plus subtile, de leurs rivaux marxistes. Pressé par son interlocuteur, Tikhomirov dit : « Je reconnais que le prolétariat est d'une grande importance pour la révolution. » A quoi Plékhanov répondit : « Non, la révolution est d'une grande importance pour le prolétariat. » C'était vraiment bien formulé, mais au fond les deux adversaires étaient d'accord. Seule di:ffé-· rence: Tikhomirov (plus tard transfuge du populisme rallié au tsarisme) parlait franchement d'utiliser les ouvriers russes comme instruments de sa politique - c'est-à-dire de la révolution bourgeoise - tandis que Plékhanov (plus tard passé du camp marxiste à celui des « jusqu'auboutistes » de la première guerre mondiale) s'exprimait avec plus de circonspection, se bornant à souligner la nécessité de la révolution bourgeoise pour les ouvriers eux-mêmes. A ceux-ci de faire leur choix ... Les dissidents non conformistes ne se contentaient pas de ce programme commun de future révolution bourgeoise. Ainsi les anarchistes rebelles à l'orthodoxie kropotkinienne préconisaient une lutte terroriste sans merci contre la bourgeoisie et le gouvernement, proclamaient l'idéal de l'« anarchie» comme leur but immédiat, si incroyable que cela semble. Ils étaient les ultra-romantiques de la révolution. Non moins héroïques, mais plus modérés dans leurs ambitions, les «maximalistes », fils illégitimes du courant démocratique-libéral incarné dans le parti socialiste-révolutionnaire, réclamaient la nationalisation des industries aussitôt après le renversement du régime tsariste. Tel était aussi l'avis de Trotski, marxiste ex-menchévik, qui allait beaucoup plus loin que les bolchéviks lors de la première révolution de 1905. Mais avant tous ces désaccords surgis lors de cette première révolution russe, une dissidence bien plus éclatante, une nouvelle théorie était apparue - cette fois directement inspirée de Marx. Aujourd'hui le nom de Waclaw Makhaïski est devenu presque légendaire. Dans les cercles intellectu'!ls ruc;ses, on connaiss1it urt ut c.., • Makhaev » com n ! la bC:tenoir~ du m )uve:n ! t ; on l'accusait d'avoir voulu dresser les o vricrs mmuels contreleurs défenseurs sortis de l'intelBiblioteca Gino Bianco • 273 ligentsia, en leur inspirant d'odieux préjugés à leur égard. Et même des dizaines d'années après la disparition de tout noyau organisé se réclamant de Makhaïski, le terme de makhaïevchtchina continuait d'être employé en Russie pour stigmatiser les tendances ou les simples velléités qui, d'une façon ou d'une autre, dénotaient un certain antagonisme entre travailleurs manuels et intellectuels. La '' nouvelle classe'' WACLAW MAKHAISKI (1866-1926), originaire de la Pologne russe, commença sa carrière révolutionnaire comme étudiant nationaliste polonais à peine teinté de socialisme. Il ne devait laver cette tache· originelle que par un emprisonnement de cinq ans à Varsovie et à Moscou, et un exil de six années dans les régions glacées de la Sibérie du nord-est. Quelques années auparavant, il avait effacé en lui les derniers vestiges de son adolescence nationaliste et était devenu un marxiste révolutionnaire. lEn 1892, sous l'influence d'un soulèvement massif des travailleurs de Lodz (le Manchester polonais), un groupe d'étudiants révolutionnaires polonais et russes en Suisse avait publié une adresse aux ouvriers en révolte : Makhaïski se proposa pour faire passer la frontière à cette littérature. Aussitôt arrêté, il mit à profit la prison et l'exil pour étudier, comme ses compagnons. Grâce au laisser-aller bureaucratique qui rachète en partie les formes pré-totalitaires du despotisme, Makhaïski et la « colonie » révolutionnaire des déportés à Viliouisk ne furent pas gênés par la police quand un nouveau venu arrivait avec toute une bibliothèque leur permettant de tuer le temps en poursuivant la recherche de la vérité révolutionnaire. Voici en substance à quelles conclusions Makhaïski était parvenu en 1899, après étude attentive de Marx, de Rodbertus et de tous les théoriciens classiques du socialisme, de l'économie politique et du mouvement ouvrier international : 1. Le socialisme, avec toutes ses protestations « prolétariennes », n'est point l'idéologie des travailleurs manuels, mais celle d'une nouvelle classe moyenne ascendante composée d'intellectuels, de membres des professions libérales, de techniciens et d'employés. 2. Les partis socialistes occidentaux, quel que soit leur verbiage révolutionnaire des dimanches et fêtes, sont en fait des partis progressistes légalistes préconisant des réformes politiques et sociales, mais ayant cessé d'être des organisations révolutionnaires tendant au renversement du système capitaliste. 3. Les partis socialistes clandestins de Russie et de Pologne suivront l'exemple des partis occidentaux dès que le renversement de l'absolutisme permettra leur légalisation. ,-.,....,.. " . l ·1· " . • ~ • - .., ·J t ')ï. " .. 'l . ,.. 1 1 1 ~ _, c 11 r 1re à l'i 1 ~ ... d ... r~" l . 1 : ti- ·~ .:=, r.;.;.11..... du f1it a i 1:1t: 11 )li i·1..1 \!, ... i.l'· ... , 1 i d' tr détermi. e Plr 11 b1 ~ vri:r'"', S" c nf rm au int~r\!tS de 11 nouv .. 11 cl 1 .,... m ycn:i c :n:-,03~e de
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