Le Contrat Social - anno II - n. 5 - settembre 1958

• UN MÉCONNU : W. MAKHAISKI <1 ) par Max Notnad CHAQUE JOUR ou presque, de nouvelles théories révolutionnaires sortent en armes d'un certain nombre d'esprits insatisfaits ou de « cerveaux brfilés ». Si les temps sont propices à leur propagation, si ces évangiles de révolte trouvent pour les soutenir l'appui d'une personnalité fascinante, elles peuvent fonder des communions plus ou moins étendues de fidèles, surtout lorsque les partis anciens, consacrés et standardisés, qui incarnaient les mouvements de protestation sociale, se montrent incapables de réaliser leurs promesses. Mais le plus souvent, ces doctrines novatrices sont abandonnées au sommeil de la tombe, dans des livres et des brochures que personne ne lit. Tout au plus sont-elles, à titre de curiosités historiques, l'objet hasardeux de conversations d'érudits, sans être prises au sérieux par personne. Et cependant l'échec d'une idée, si lamentablement négligée soit-elle du vivant de son initiateur, n'est pas toujours une preuve de démérite intrinsèque. Il en est des inventions méconnues de l'esprit militant comme des découvertes oubliées de la science pure : après avoir jauni dans la poussière des archives, il leur arrive d'être tardivement reconnues et honorées. Le mouvement révolutionnaire russe des deux dernières générations a eu sa part d'originaux et d'hérésiarques. Ces non-conformistes se sont - frayé un chemin à l'écart des sentiers battus, domaine attitré des partis de masse. Ils ont cherché autre chose que le «populisme» conventionnel dont se contentaient les intellectuels slaves constitués en champions des paysans, et autre chose que le « marxisme » d'importation occidentale qu'adoptaient volontiers les méconI. Titre du texte original : The Saga of Waclaw Machajski. En polonais - car Makhaïski était Polonais, bien que ses livres soient en russe - son nom s'écrit Machajski (prononcé Makhaïski). Il publiait sous le pseudonyme d'A. Volski. Biblioteca Gino Bianco tents des classes instruites pour qui les ouvriers industriels étaient l'instrument approprié au renversement du tsarisme et à l'européanisation de _laRussie; ils ne se satisfaisaient pas non plus des enseignements du « commurusme-anarchiste » pour ainsi dire orthodoxe professé par Pierre Kropotkine aux environs de 1900 et qui n'envisageait, lui aussi, les perspectives russes que dans l'esprit et sur le modèle de la grande Révolution française. · D'où venaient ces gêneurs, ces extrémistes ? Certains s'étaient détachés ccmme des surgeons de l'anarchisme prékropotkinien, frappé de mort avec Bakounine. 2 D'autres se dégageaient des traditions empruntées par · les socialistes-révolutionnaires à leurs aînés de la N arodnaïa Volia (Volonté du Peuple) ; ils se firent connaître sous le nom de« maximalistes». D'autres encore avaient puisé directement dans les théories de Karl Marx. Tous les représentants de ces hérésies, bien que . parlant des langages théoriques entièrement différents, avaient en commun une même attitude : ils refusaient de s'inéliner devant l'opinion généralement admise quant à la nature de la révolution en perspective. En effet, en ce qui concerne l'avenir de la Russie, les social-démocrates se réclammt du m1rxisme et les social-révolutionnaires héritiers des narodniki avaient en vue, les uns comme les autres, une révolution dite bourgeoise et démocratique. Lorsqu'il arrivait aux marxistes russes de, se réclamer d'une « révolution du prolétariat », ou m ~me de la « révolution prolétarienne», ils l'entendaient, comme on va le voir, dans un sens assez particulier ; les combattants de cette révolution devaient être des« prolétaires», mais son but n'en demeurait pas moins démo2. Bakounine, dans ses dernières années, avait renoncé à toute espérance révolutionnaire, annonçant un siècle de «réaction» et d'étatisme forcené. N. du trad.

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